Chapitre VIII : Malkhazi Guramiani (825 – 855)
Les Guramiani sont une illustre famille de non moins illustre ascendance puisque leur origine peut être tracée jusqu’à Sasan (130 – 200), le fondateur des Sassanides qui régnèrent de nombreux siècles sur la Perse zoroastrienne.
Le petit-fils de Sasan, l’empereur Ardechir (règne de 226 à 241) eut deux fils : l’empereur Shapur (règne de 241 à 272) et un autre fils nommé Shapur, qui donna lui-même naissance à Khosro, le fondateur des Chrosoïdes, la famille Khosrovianni (https://en.wikipedia.org/wiki/Chosroid_dynasty). Son fils Mirian abandonna le zoroastrisme au profit du christianisme monophysite, et parvint à jouer de cette double nature zoroastrienne et chrétienne pour gagner son indépendance à la fois de l’empire perse et de l’empire byzantin.
Il en demeura ainsi sept générations, jusqu’à ce que Guaram, l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils de Mirian, se convertit à la foi orthodoxe et fonda la dynastie des Guramiani au sixième siècle. La famille conserva encore son titre pendant de longues années.
Lorsqu’Archili II mourut en 844, ce fut son fils aîné Iveri qui lui succéda, mais fut contraint à l’abdication après deux années seulement et céda le pouvoir à son fils Iveri II.
Quant à Malkhazi Guramiani, fils d’Archili II, il eut une destinée étrange. C’était un garçon tout à fait normal à sa naissance, et lorsque son père mourut, le garçon de 18 ans reçut en héritage le comté d’Albaneti. Malkhazi vécut la vie de seigneur pendant deux années, et œuvrait pour le bien de son pays tandis que son frère, le duc, se complaisait dans l’inaction, les femmes et la nourriture.
Lorsque les Géorgiens en eurent assez du règne d’Iveri et se soulevèrent, Malkhazi crut pouvoir profiter de la situation pour devenir duc à la place de son frère, mais les vassaux géorgiens acceptèrent qu’Iveri se contente de céder le pouvoir à son propre fils, un gamin à peine âgé d’un an ! L’on opposa à Malkhazi qu’il était certes un bon administrateur, mais un guerrier assez médiocre dont la force n’avait jamais été démontrée.
Malkhazi ne savait plus à quel saint se vouer. Devant l’assemblée des nobles géorgiens qui venaient de couronner son neveu, Malkhazi s’adressa à sa mère, une païenne turque borgne, défigurée, unijambiste et manchote qui pratiquait encore l’antique religion des nomades et qui n’avait jamais caché sa passion pour les arts de la sorcellerie.
Selon les sources d’époques, la sorcière se serait écriée « Vous pensez que mon fils n’est pas assez fort ? Je vous le dis, il a la force d’un ours ! », puis se serait tournée vers son enfant et, après avoir marmonné quelques incantations dans une langue inconnue, le jeune Malkhazi aurait été pris de convulsions, aurait commencé à baver, à crier de douleur, puis à grossir et à devenir velu. Alors que les seigneurs de l’assemblée commençaient déjà à reculer, effrayés, sortant leurs crucifix et en appelant à l’aide de Dieu, Malkhazi tombait évanoui.
Lorsque le comte d’Albaneti se réveilla, quelques instants plus tard, il regarda les paumes de ses mains, devenues d’énormes pattes griffues. Il hurla, puis demanda à ce qu’on lui apporte un miroir. Il ne comprit pas le visage des gardes qui avaient été appelés et qui l’encerclaient déjà, pointant des lances dans sa direction.
Lorsque le commandant de la garde, l’évêque Grigoli de Bardavi, comprit que son seigneur-lige avait conservé toute sa raison, il ordonna à ses hommes de baisser les armes et d’apporter au seigneur le miroir qu’il demandait. On entendit Malkhazi hurler de terreur lorsqu’il se rendit compte qu’il avait désormais les traits d’un ours blanc.
Le traumatisme ne dura cependant pas plus de quelques jours. Dans un premier temps, Malkhazi ordonna à sa mère de le retransformer, mais celle-ci lui avoua que le sort était irréversible. Après être resté catatonique pendant quelques jours, Malkhazi accepta le sort qui était le sien, et se dit qu’il s’agissait peut-être d’une bénédiction, après tout : il était le seul seigneur ursidé de toute la chrétienté, voire même le seul ours parlant du monde entier, et se dit qu’il pourrait s’en servir pour forger sa légende.
( Putain je n’en reviens pas que j’écrive ces conneries 
)
Il décida de se rapprocher des païens qui avaient permis sa transformation, et proposa une alliance aux Khazars du clan Ashina. Le khagan, lorsqu’il apprit qu’un seigneur ours lui proposait une alliance, accepta sans aucune hésitation et lui offrit sa fille aînée en fiançailles.
Malkhazi demanda alors à sa mère si elle était en mesure de métamorphoser d’autres hommes comme lui, ce que la vieille sorcière confirma. Malkhazi chercha alors des volontaires pour le suivre et le servir, leur promettant pouvoir et puissance. Il en trouva rapidement quelques-uns, et limogea tous les membres de son Conseil pour les remplacer par des ours, à l’exception de sa mère qui tenait l’office de Maîtresse des Intrigues.
Grâce à l’armée que lui avait confectionné sa mère, Malkhazi put lancer la reconquête des territoires autrefois chrétiens perdus suite à l’invasion musulmane. Il jeta son dévolu sur l’Arménie, et fonça sur ce territoire avec ses ours de combat. L’occupant sarrasin, voyant quelques centaines d’ours revêtus d’armures fondre sur eux, fut terrorisé et n’opposa qu’une résistance de façade, d’autant que Malkhazi avait choisi d’attaquer l’Arménie en plein pendant la révolte de son émir, qui ne pouvait donc même pas compter sur le soutien du calife contre qui il se rebellait.
Malkhazi plaça, pour accéder aux postes de pouvoir, la métamorphose en ursidé comme condition préalable. Si le patriarche œcuménique Philotelos fut tout d’abord horrifié en apprenant qu’une sorcière païenne métamorphosait des gens en ours et que ces ours se disaient chrétiens, il finit par accepter une entrevue au cours de laquelle Malkhazi fut reçu à Constantinople. Là, le patriarche se rendit compte que cet ours n’était qu’un homme à la morphologie différente, et il accepta de donner son soutien à la cause de l’ursidé. Après tout, si ces ours pouvaient faire la différence entre le combat qui opposait la chrétienté et l’islam… Lorsque le patriarche accepta de nommer des ours à des postes d’évêques en Arménie, l’on eut atteint un point de non-retour dans la théologie chrétienne.
L’action de Malkhazi eut des répercussions inattendues. Le sultan sunnite d’Arménie, Ismat Uqaylid, vit bientôt quatre mille Arméniens se soulever contre lui, et en décembre 847 le sultanat d’Arménie tombait sous les coups des Arméniens, menés par Gagik Mangaphas, qui se plaça aussitôt sous la protection du duc arménien d’Azerbaïdjan.
Malkhazi, qui avait entretemps été nommé Régent pour le compte de son neveu le duc, tenta alors de s’approprier le pouvoir, montrait à tous qu’il avait démontré sa force. Mais le père du garçon ne l’entendit pas de cette oreille et tenta de soulever les Géorgiens contre les ours. La révolte ne s’éternisa pas, car les Géorgiens déposèrent bientôt les armes devant la puissance de l’Ours.
Les ours devenaient nombreux en Géorgie. Un certain Grrgrr devint même le premier forgeron ours du monde, et un autre Grrgrr fut envoyé comme tribut à la Chine.
En 853, Malkhazi conquit le comté de Derbent et devint père pour la première fois, sa maîtresse Lady Bearington donnant naissance à une fille, Ursina.
Le premier décembre de la même année, Malkhazi scellait son alliance avec les Ashina en épousant finalement Ikalay, la fille du khagan. Le même jour, dans la foulée de son mariage, il se faisait couronner Roi de Karthli, le premier royaume du monde dont le roi était un ours.
En 854, les Khazars se révoltent contre le règne de leur khagan, et ce dernier demande à son gendre de l’aider à les vaincre. Malkhazi se rend avec trois mille hommes et deux mille ours en Alanie pour défaire les rebelles, qui sont inférieurs en nombre. Alors qu’il pourchasse une petite troupe de 500 archers montés, Malkhazi se retrouve isolé de ses hommes, et ses adversaires s’en rendent compte : le roi des Ours est rapidement encerclé de cavaliers qui lui décochent un déluge de flèche, auxquelles l’Ours succombe, non sans bravoure.
Malkhazi laisse une épouse humaine enceinte mais c’est sa fille qu’il a eue avec son amante, avant son mariage, qui lui succède comme Reine des Ours.
