Allez, comme on est au bar et qu'il se fait tard, je vais parler de l'un de mes auteurs favoris et de ses erreurs.
Suite à l'immense déception que constitue la série Fondation, aussi éloignée de l’œuvre d'origine que l'est la série The Witcher, je me suis décidé à reprendre les bouquins d'Asimov depuis ceux qui amènent à Fondation car je ne les ai plus lus depuis longtemps. Histoire de bien voir tous les défauts de la série...
J'ai donc commencé par les premiers livres mettant en scène mon illustre homonyme, R. Daneel Olivaw, robot positronique de son état, et ces livres s'intitulent Les Cavernes d'Acier et Sous les Feux du Soleil. D'accord, ils appartiennent non à la saga Fondation mais au cycle des robots, mais c'est quand même là que Daneel apparaît. Le premier roman, qui se passe dans environ 3000 ans, a été écrit par Asimov en 1953 (l'autre en 1956), qui se trouve être également mon année de naissance, donc le monde tel qu'il était au moment de l'écriture de ce livre et du suivant me parle bien.
En relisant ce livre, je me suis rendu compte qu'Asimov, s'il a du talent pour raconter des histoires de type roman policier se déroulant dans le futur, était quand même le reflet de l'aveuglement et de l'ignorance totale que l'on avait du monde futur à cette époque. Certes, des planètes ont été colonisées et on se déplace rapidement entre les systèmes solaires de la galaxie dans des vaisseaux spatiaux qui utilisent l'hyper espace, on est bien dans de la science-fiction. Mais à côté de cela, ce que j'appellerai le futur au quotidien était hors de portée de l'imagination des auteurs de l'époque. L'exemple le plus flagrant ? La population sur la Terre. Asimov nous explique que les terriens n'ont pu faire autrement que de se regrouper dans d'immenses mégapoles souterraines pour réussir à subsister, laissant le monde extérieur pollué et partiellement irradié servir uniquement de fermes permettant de nourrir le nombre d'habitants qui a atteint le nombre faramineux de... huit milliards d'habitants ! Quand on sait que ce nombre a été atteint en 2022, c'est-à-dire moins de 70 ans après l'écriture de ce livre, on voit combien les projections d'augmentation de population ont été à l'époque très en-dessous de la réalité.
Ce qui est aussi marquant, c'est que la future révolution numérique a pris tout le monde par surprise. Il a beau exister des vaisseaux spatiaux intergalactiques, on y manipule encore allégrement des leviers, boutons et autres manettes car à l'époque le fait de piloter un écran de façon tactile ou même par la voix n'avait pas encore été imaginé. Si les gens ne manipulent plus de livres papier en 4900, ils lisent en introduisant des "livres filmés", c'est-à-dire des microfilms, dans des "visionneuses" et il y a donc dans les appartements des bibliothèques de livres filmés, de la même façon qu'il a existé il n'y a pas si longtemps des bibliothèques de DVD dans nos maisons. Là encore, Asimov aurait été bien surpris en 1953 si on lui avait dit que soixante-dix ans plus tard la plupart des œuvres musicales et filmographiques auront été transformées en paquets d'octets consommés sur des machines portables tenant dans la main, capables d'en contenir des milliers ou tout simplement de les télécharger à la demande par réseau informatique.
Un autre exemple de cette incapacité d'imaginer les dispositifs de commande d'aujourd'hui se trouve dans Face aux Feux du Soleil. Comme les habitants de Solaria refusent absolument l'idée de se trouver physiquement dans la même pièce qu'une autre personne, ils ont développé un système de vision tridimensionnelle à distance très au point. Fort bien, dans 3000 ans (et même avant probablement), pourquoi pas. Mais pour activer une communication entre deux points de la planète, il faut "dévoiler un tableau de commande qui n'aurait pas dépareillé la centrale électrique d'un grand centre urbain" et "régler des potentiomètres ici et là pour augmenter la densité du champ de forces par de légers attouchements". On voit bien là les commandes électriques à base de gros boutons et voyants à aiguille telles qu'elles existaient dans les années cinquante, ainsi que la vision du téléphone de l'époque qui se faisait en passant par des opératrices (évoquées d'ailleurs dans le premier livre) et avec des autocommutateurs téléphoniques qui étaient de très grosse machines bien bruyantes et pas encore, comme aujourd'hui, de simples cartes électroniques. Mais les gens d'aujourd'hui qui peuvent appeler n'importe qui n'importe où sur la planète depuis leur smartphone se marrent bien en lisant cela (ou bien ne comprennent même pas de quoi parle Asimov s'ils n'ont pas, comme moi, connu cette époque).
Bref, dans les années cinquante, la révolution de l'électronique et du numérique n'a pas du tout été entrevue et les machines du futur étaient encore vues comme fonctionnant de façon analogique. Étonnant, non ?
Perso, les vieilles personnes sur la route, je les double sans pitié à fond la caisse et je saupoudre mon acte d'un doigt d'honneur bien placé.
Ils n'osent jamais me prendre en chasse MDR et pendant que je fuis je les vois rager, crier, dans mon rétro. Un délice.
