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À la nuit tombée, Victor s’étonna de n’avoir toujours pas croisé Vaillance. Son amant lui avait promis de venir le rejoindre, et le jeune homme commençait à s’inquiéter. Il avait attendu ce moment toute la journée, de plus en plus impatient. Mais peu à peu s’était également éveillé en lui un malaise. Il avait l’impression que quelque chose n’allait pas.
Finalement, ne pouvant se résoudre à attendre plus longtemps, il décida d’aller voir lui-même de quoi il en retournait. Victor emprunta les couloirs de service pour se rendre dans les dortoirs des domestiques. Il procéda avec prudence, sachant qu’il aurait du mal à se justifier si on le trouvait ici.
Le jeune homme ne rencontra personne en chemin, et n’eut aucun mal à se rendre jusqu’à la chambre de Vaillance. Victor toqua. Aucune réponse ne lui parvint malgré ses appels répétés. Étonné et inquiet, il ouvrit la porte.
Victor poussa un hoquet de surprise en voyant la scène tragique devant lui. Vaillance était étendu, sans bouger, la fourrure en désordre total et imbibée de sang. Il se précipita à son chevet en appelant son nom, sans recevoir la moindre réponse. Il le secoua vivement, les larmes aux yeux, et réalisa avec un soulagement indicible que le monstre était encore en vie. Cependant, il semblait terriblement souffrant. Ses réactions étaient lentes, sa respiration faible, et ses yeux vitreux fixaient Victor sans le voir.
—Qu’est-ce qu’il se passe ? Gémit Victor. Vaillance ? Qu’est-ce qu’il ne va pas ? Demanda-t-il affolé.
Victor contrôla avec peine la panique qui naissait en lui. Que faire ? Où chercher de l’aide ? Le monstre n’était pas fiévreux, mais son cœur battait à peine. Il ne parlait pas, ne réagissait que vaguement à ses appels. Le jeune homme ne savait pas quoi faire. Il l’allongea mieux, avant de l’asseoir. Il tenta de lui parler, en vain.
Écoutant son instinct, Victor se précipita de trouver à boire ainsi qu’un linge humide. Il n’hésita pas à user ses propres vêtements pour ce faire. En revenant, il posa délicatement le linge frais sur le front du monstre et tenta de le faire boire. Victor n’osa lui donner un médicament, ne sachant comment les monstres réagissaient à ces substances.
Finalement, après de longues minutes d’angoisse, Vaillance revint à lui. Peu à peu. Ses yeux regagnèrent leur intelligence, sa respiration se fit plus audible, son pouls plus simple à sentir.
Vaillance reconnut Victor. Avant que celui-ci ne puisse poser la moindre question le visage du monstre se décomposa, puis de grosses larmes silencieuses vinrent orner ses joues. Par réflexe, Victor le prit immédiatement dans ses bras, le serrant fort contre lui.
—Vaillance, j’ai eu tellement peur. Qu’est-ce qui ne va pas ? Dis-moi. Dis-moi ce qui ne va pas.
Le monstre ouvrit la bouche, sans qu’aucun son n’en sorte. Victor lui proposa de l’eau qu’il but sans pour autant se calmer. Sa voix revint, mais elle était faible ; hachée de sanglots, lourde de sentiments inexprimables.
Patiemment, Victor attendit que son amant ne reprenne possession de ses moyens. Quand enfin les larmes cessèrent de couler, Vaillance se sentit mieux. Aidé par les mains de son amant qui serraient les siennes avec un amour indéfectible, il trouva la force de prononcer quelques mots. Il avait l’impression d’émerger d’un rêve. Que rien de tout cela n’était réel. Si seulement… Justement, tout n’était que bien trop réel, que bien trop dur, que bien trop impossible à raconter.
—Ton père… commença-t-il.
—Oui ? L’encouragea Victor qui sentait son ventre se nouer.
—I-Il m’a fait appeler ce matin.
Vaillance frissonna quand le souvenir lui vint. Trop proche. Tout cela était trop proche. Victor le poussa doucement à continuer, alors il s'exécuta, trop faible pour résister.
—Il sait… souffla-t-il. Il sait pour nous.
Une terreur sans nom envahit Victor. Soudain, il comprit. Il comprit pourquoi Vaillance était dans cet état. Pourquoi il était si bouleversé. Qu’avait bien pu lui faire Oscar ? Victor craignait le pire.
Doucement, d’un rythme poignant, Vaillance raconta. Il lui dit la peur. La surprise. La douleur. Il évoqua – en se concentrant sur les faits comme pour protéger ses sentiments – les sévices que lui avait fait subir Oscar. Pendu à ses lèvres, Victor n’osa l’interrompre, les yeux de plus en plus humides. Une colère sourde envahit le jeune homme. Il avait redouté la peur, mais en réalité c’était une haine aveugle qui l’envahissait. Une rage sans bornes envers celui qui avait fait cela ; une soif sanglante de vengeance.
Seule la nécessité de prendre soin de Vaillance permit à Victor de contrôler son tempérament. Si le monstre n’avait pas été là, le jeune homme se serait probablement emparé de la première arme tombant sous sa main avant d’aller attenter le parricide. Cependant, la pitié que lui inspirait son amant était plus forte.
—Les choses ne se passeront pas comme ça, promit-il.
Victor lui offrit ses bras pour l’aider à se lever, puis le couvrit d’une épaisse couverture. Il attrapa des vêtements rangés là avant de soutenir le corps las de Vaillance jusqu’au couloir. Lentement, ils marchèrent jusqu’à l’appartement. Le couple prit l’ascenseur : à quoi bon continuer à se cacher désormais ? Victor espérait simplement ne pas tomber sur son père, ne sachant s’il parviendrait à se contenir le cas échéant.
Une fois rentré, il verrouilla la porte à double tour. Cet endroit n’était plus sûr. Il conduisit ensuite Vaillance dans la salle de bain, et le fit asseoir tandis qu’il faisait couler un bain à l’eau brûlante. Bien qu’il ne puisse faire grand-chose pour l’état de son amant, Victor était certain qu’un bain lui ferait du bien. Il avait entendu que les survivants de viols avaient tendance à se sentir désespérément sales – comme si l’aura de leur tortionnaire leur collait à la peau – et Victor souhaitait absolument épargner cela à Vaillance.
Ce qui s’avéra être une bonne idée. Les muscles encore contractés du monstre se détendirent légèrement, sa fourrure se dénoua sous l’action de l’eau. Vaillance peinait encore à garder pied, et la chaleur du bain lui donnait quelque chose sur laquelle se concentrer. Victor tenta de lui parler pour ne pas le laisser seul avec ses pensées, mais se retrouva rapidement à mener un monologue. Le monstre sentait une grande fatigue l’envahir. Une profonde lassitude. Des questions et des images horribles lui martelaient l’esprit, et Vaillance aurait juste voulu que tout cela cesse. Il ne parvenait même pas à apprécier la gentillesse de son amant, cependant Victor ne lui en voulait pas.
Le jeune homme s’occupa de lui comme on s’occuperait d’un malade. Il le lava – prenant soin de récurer sa fourrure – , le sécha, l’habilla, et le porta jusqu’à sa propre chambre où il le fit s’allonger. À bout de forces, le monstre s’effondra, les yeux restant désespérément ouverts. Son corps le torturait toujours, et il craignait que ses blessures ne soient pas entièrement cicatrisées.
Par mesure de précaution, Victor fit appeler un monstre soigneur. Le jeune homme insista sur l’importance de sa discrétion, avant de le laisser ausculter Vaillance. Le soigneur ne posa pas de questions, sinon celles visant à mieux appréhender l’état de son patient. Victor ne savait s’il comprenait ce qu’il s’était passé, s’il pensait que c’était lui qui avait commis cette atrocité, mais à vrai dire il n’en avait que faire tant que le monstre apportait du réconfort à Vaillance. Sa réputation valait bien peu face à la survie de son amant. Une lueur verte illumina le pelvis du monstre, apaisant ses douleurs. Un peu de sang s’était remis à couler, mais le médecin assura à Victor que cela cesserait désormais. Il le prit à part et lui recommanda de bien veiller sur Vaillance, et de le rappeler immédiatement si quoi que ce soit n’allait pas. Enfin, il lui parlait de l’âme du monstre. Victor serra les dents pour garder un visage neutre tandis que le soigneur lui expliquait les dommages causés par l’assaut. Le jeune homme s’enfonça les ongles dans les paumes tant ses poings étaient serrés de rage. Il allait payer. Oscar allait payer.
. Pourtant ya encore plein d'intrigues à boucler. A moin d'avoir un chapitre final absolument massif, ou une fin brutale totalement décevante, ce qui serait décevent pour une oeuvre d'une telle qualité.
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