Une étincelle brilla dans les yeux de Luigi, au-delà du courage, il avait retrouvé l’espoir. Il ne trouva pas les mots justes pour remercier Samus pour son discours ou même sa simple présence, alors il se contenta d’accepter la main tendue qu’elle lui offrit et se releva en homme nouveau.
Ils quittèrent la pièce et se retrouvèrent aussitôt dans le hangar toujours autant rempli où le brouhaha avait repris. Porté par l’élan de Samus, Luigi s’avança devant l’assemblée qui ne le remarquait pas. S’il était prêt à remotiver ses troupes, rien ni personne ne pouvait changer sa timidité car c’était là sa vraie personnalité.
- E-Excusez-moi … Marmonna-t-il, de peur de déranger.
Bien évidemment, personne ne l’entendit. Mais alors que Samus s’apprêta à demander le calme, une voix s’éleva depuis l’entrée du bâtiment.
- Votre attention ! S’écria-Lissa qui, après avoir réussi à obtenir le silence, pointa Luigi du doigt.
Le roi la remercia d’un hochement de tête, heureux de l’avoir rencontrée elle aussi. Puis, lorsque tous les regards furent braqués vers lui et que Samus se décala d’un pas, Luigi ne flancha pas. Il n’était pas du tout intimidé par ses centaines de sujets qui attendaient de lui qu’il agisse en tant que leader. Et après un dernier coup d’œil vers Samus, le roi de Sarasaland s’exprima enfin face à son peuple avec une aisance des plus surprenantes.
- Habitants de Sarasaland, écoutez-moi ! Je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous rassurer et pour vous promettre que le crime ne restera pas impuni. Ma belle-sœur, Peach, revenue d’entre les morts, est arrivée avec son armée de voleuses pour m’évincer du trône et assassiner les membres du Conseil … Peach a gagné une bataille, mais la guerre est à venir. Sachez que je reprendrai la place qui m’est dû. Je reformerai le Conseil avec des hommes et des femmes compétents, de tout âge et de tous horizons pour faire de Sarasaland un royaume cosmopolite où la diversité sera maître mot et où la tyrannie et la barbarie n’existeront plus. Je ne vous décevrai plus, c’est promis !
Dès lors et sans le moindre moment de flottement, absolument toutes les personnes réunies dans ce hangar acclamèrent leur roi adulé. Des applaudissements, des cris, des encouragements … C’était un vacarme symbolique. Même Lissa qui ne s’était jamais comporté en reine ou princesse selon les codes imposés de la royauté, se dépêcha de grimper sur une caisse en bois et se mit à siffler pour acclamer davantage son ami, ce qui amusa fortement Samus.
Luigi, quant à lui, parcourut la pièce du regard. Ses yeux étaient presque larmoyants mais son cœur était empli d’une multitude de sentiments ô combien bénéfiques pour lui. Il finit par lever le poing en l’air et fut suivi par l’ensemble de ses sujets, aussi bien par les citoyens que par les soldats qui étaient jusqu’alors réticents. Le roi allait devoir échafauder un plan d’attaque avec notamment l’aide de Samus et Lissa, mais pour le moment, il esquissa un grand sourire victorieux.
- Tous ensemble, nous gagnerons !
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Les couloirs du château de Sarasaland retrouvaient leur splendeur. Les chaises, tables et autres débris qui traînaient là se comptaient désormais par dizaines et non plus par centaines. La nouvelle occupante des lieux avait tenu à ce que le chaos qu’avait laissé s’instaurer Shantae soit réparé.
Justement, Peach traversait actuellement ces couloirs aux innombrables vitres qui donnaient sur le désert aux teintes orangées grâce au soleil couchant. Elle s’arrêta un instant pour contempler son reflet dans l’une d’elles. Quelques jours lui avaient suffi à se transformer physiquement. Ses habits déjà : outre son pantalon et ses bottines noires, Peach portait une tunique royale qu’elle avait laissée dans une penderie lors d’un voyage à Sarasaland il y avait de cela plusieurs années. Cette tenue qui pouvait aussi bien être portée par un homme que par une femme, comme par un noble que par un soldat, était d’un rose assez sombre. Peach avait elle-même découpé le tissu au creux de la poitrine pour y laisser apparaître sa cicatrice, symbole de sa résurrection. Quant à son visage de poupée de porcelaine, il était devenu bien pâle, encore plus qu’auparavant ; mais surtout, il était recouvert de craquelures ici et là. Enfin, ses cheveux blonds qui contrastaient toujours plus avec ses yeux bleus vitreux, étaient coiffés différemment : en queue de cheval. C’était là l’ancienne coiffure emblématique d’une personne qu’elle tardait de revoir.
Soudain, un bruit provenant du couloir l’alerta et des voix d’hommes et de femmes s’élevèrent.
- Que se passe-t-il ? Prononça-t-elle calmement sans pour autant détacher le regard de son reflet.
Les voix se turent immédiatement et Peach finit par s’avancer dans leur direction. Un soldat et une ex-Sublimée, devenue Justicière, se tenaient là. Ils restèrent muets face à leur gouvernante.
- Dois-je me répéter ? Ajouta-t-elle toujours aussi neutre.
- Nous n’arrivons pas à nous entendre … ma reine … Expliqua-le soldat un peu craintif.
- A quel sujet ?
- Sur tout, voilà le problème ! Répondit la Justicière, sur les nerfs.
- Ne laissez pas vos différences nous diviser.
- Facile à dire …
- Si vous n’y parvenez pas, joignez-vous à moi pour le repas.
Sans un mot supplémentaire, Peach continua sa route et marcha à travers les couloirs. Ce « repas », elle l’avait préparé depuis ce matin en se rendant dans le cellier pour y trouver viandes et poissons, ainsi qu’une bouteille de vin qu’elle gardait précieusement dans un coffre et qu’elle avait elle-même fabriqué une dizaines d’années plus tôt avec des plantes ne poussant qu’à l’Oasis, ce lieu qu’elle affectionnait tant ; elle n’avait d’ailleurs toujours pas trouvé le temps pour s’y rendre depuis son retour à Sarasaland.
Peach n’avait pas eu pour projet d’organiser un repas jusqu’à aujourd’hui. Mais en réalité, le château était plongé dans un climat de tension permanente depuis qu’elle avait pris le pouvoir. D’un côté, les ex-Sublimées qui n’avaient pas encore déserté comme certaines, lui reprochaient d’avoir exécuté leur consœur adorée, Shantae et d’avoir libéré les soldats. De l’autre, ces derniers n’avaient absolument aucune estime pour leur nouvelle reine et la suivaient à contrecœur. Peach n’avait pour ainsi dire, plus aucun allié sur qui compter. Naïve ou utopiste, elle avait sincèrement espéré que le clan des Justicières qu’elle avait créé puisse s’entendre avec la garde royale, mais c’était peine perdue. Consciente qu’il lui était impossible d’arriver à trouver un accord, ni même un début d’entente, elle avait ainsi organisé ce repas qui était sur le point de démarrer.
Peach descendit les escaliers du château dans un calme olympien, observant les réparations qui avaient été faites. Lorsqu’il était nécessaire, elle s’arrêtait pour déplacer un rocher, à déblayer le sable ou bien à remettre des meubles en place. En bref, elle s’activait autant que ses nouveaux sujets.
Elle arriva rapidement au rez-de-chaussée où la grande entrée avait été temporairement transformée en un banquet. Une gigantesque table rectangulaire avait été installée en plein milieu de la pièce. Sur la gauche se trouvaient les Justicières qui ne s’étaient pas gênées pour commencer à manger tandis que les soldats, sur la droite, les toisaient du regard, se questionnant sur leur sens de l’honneur et du devoir. Mais lorsque Peach débarqua enfin, sa simple présence, presque terrifiante et autoritaire, suffit à instaurer le silence.
Des bruits de pas pressés vinrent cependant rompre cette arrivée oppressante : le soldat et la Justicière que Peach avait croisés quelques minutes plus tôt. La table n’était pas assez grande pour accueillir autant de monde ; la plupart des invités restaient debout.
- Vous … Vous êtes tous présents, constata-Peach avec une pointe de déception.
Tête baissée, la reine des lieux se dirigea rapidement vers le cellier ; elle n’eut qu’à ouvrir une porte voisine pour y entrer puis récupérer la bouteille de vin qu’elle serra anormalement fort entre ses mains. Après quoi, Peach regagna la grande salle et se tint debout, face à tous ses sujets.
- De toute évidence, je n’ai pas réussi à gagner votre confiance.
Il y avait une certaine tristesse dans sa voix. Sa récente unification des ex-Sublimées, devenue Justicières, avec les soldats de Luigi, n’avait malheureusement pas fonctionné. Peach pensait créer un nouveau monde ; elle s’était brûlé les ailes. En d’autres termes, elle n’avait pas trouvé sa place. Pourtant, malgré son échec, Peach continuait d’y croire. Sa gestuelle changea. Elle plaça ses deux mains derrière son dos, la bouteille avec, et s’adressa à ces hommes et ces femmes qui la méprisaient autant qu’ils la craignaient.
- Je voudrais—
- T’as buté Uyana, puis Shantae ! Lança une ex-Sublimée en tapant des poings sur la table.
L’élan de courage de cette voleuse, provoqua aussitôt une suite de reproches de la part de ses consœurs.
- Depuis que la Boss est partie, tu te prends pour la cheffe mais t’es rien.
- On aurait jamais du te faire venir dans notre guilde.
- Tu fais peur à personne.
Peach, impassible, écouta attentivement les critiques qui fustigeaient à son encontre. Ce fût au tour des soldats de trouver en eux la force de se rebeller à leur façon.
- Vous nous avez peut-être libéré, mais jamais nous n’adhérons à vos idéaux.
- Vous avez commandité l’assassinat des six membres du Conseil, aussi cruels furent-ils.
- Malgré ses défauts, le roi Luigi est un homme bon et bienveillant, tout l’inverse de vous.
Un vacarme assourdissant se créa alors. Tous les regards étaient tournés vers Peach : des gestes et des menaces, tout était dirigé contre elle. Ils étaient toutes et tous armés, soldats comme Sublimées. S’ils étaient parvenus à s’entendre, ils auraient certainement pu commettre un régicide, là et maintenant. Peach, devenue surpuissante, se serait défendue, bien sûr, mais elle n’aurait pas pu faire face à autant de gens. Et pourtant, ce n’était pas tant leur manque de cohésion qui les empêchait de prendre les armes, mais surtout le pouvoir et la domination qu’inspirait la reine régente. C’était donc sans surprise, qu’elle parvint à regagner le silence en un seul mot.
- Entendu.
Tout le monde se tût aussitôt et elle observa la bouteille de vin un bref instant avant de la débouchonner. Tandis qu’elle passa derrière ses sujets, leur servant volontiers un verre de vin qu’ils acceptèrent sans broncher, Peach prit la parole.
- J’entends vos remarques et je comprends votre confusion quant à la situation. En organisant ce repas, j’espérais parvenir à créer un terrain d’entente entre les Justicières et les soldats. Sachez avant tout que je n’oblige personne à rester, alors, pourquoi êtes-vous encore là ?
Peach continua sa tournée en servant même les personnes qui demeuraient debout. Difficile à croire, mais en ne versant que quelques millilitres par verre, la reine parvenait à servir tout le monde avec une seule bouteille ! Elle ne reçut aucune réponse à sa question ; et des réponses, il y en avait plein : le pouvoir, la sécurité ou encore la richesse. Peach possédait tout cela. Elle poursuivit.
- Je regrette l’échec qu’est l’ère des Justicières, s’adressa-t-elle aux concernées, déjà servies en vin. Peut-être n’aurais-je pas du dénaturer vos identités, celles qu’a façonnées Jeanne.
En évoquant le nom de Jeanne, Peach ne put s’empêcher de penser à l’ignorance de toutes ces femmes qui n’avaient absolument pas conscience que le monde n’allait pas tarder à être anéanti, à condition que leur ancienne cheffe parvienne à ses fins. Quoiqu’il en fût, sa déclaration sembla les satisfaire.
- Quant au roi Luigi, je n’ai jamais eu l’intention de le tuer et je ne le ferai jamais, prévint-elle en toute honnêteté. Il reste ma famille, ma seule famille. Mais s’il se dresse sur votre route et qu’il se positionne en tant qu’ennemi, libre à vous de l’exécuter, je n’empêcherai personne d’agir en ce sens. Vous êtes tous et toutes libre de faire vos propres choix.
L’anarchisme de la reine déplût aux soldats mais la nuance de ses propos en ravit plus d’un. Peach était formelle : elle était personnellement incapable de mettre fin aux jours d’un homme qu’elle avait toujours apprécié et qui lui avait apporté tant de bonheur dans sa vie. Son beau-frère, par sa présence discrète et sa bienveillance rare, était cher à son cœur.
Lorsque la dernière goutte fut versée, tout le monde était enfin servi et les tensions semblaient s’être apaisées. Peach contempla brièvement le siège sur lequel elle était censée s’asseoir mais préféra rester derrière. Elle posa ses coudes sur celui-ci et parcourut l’assemblée du regard.
- Puissiez-vous me pardonner, leur dit-elle en invitant ses sujets à boire leur verre.
Impatients de pouvoir enfin se délecter de ce vin ou bien pleinement satisfaits des excuses de leur reine, tout le monde put enfin boire ! Ce verre était pour beaucoup et comme Peach l’avait annoncé, un symbole d’union et de renouveau.
Puis il y eut la première quinte de toux, d’une ex-Sublimée. Elle était inaudible ; le brouhaha couvrait tous les bruits autour, mais de toute manière, cette quinte de toux ne prendrait pas d’ampleur. Cela dura une quinzaine de secondes seulement avant que la tête de la jeune femme ne tombe dans son assiette, faisant voler verres et couverts au passage. L’ex-Sublimée était morte.
Peach, de marbre, se contenta de faire tomber la bouteille de vin, désormais vide. Elle se brisa en mille morceaux sur le sol en pierre. Puis, la reine se mit à marcher tranquillement en direction de la sortie tandis que soldats comme Justicières entamèrent un festival de toux, de salive et de sang. Des chaises tombèrent, des armes furent dégainées inutilement, des corps déjà sans vie proliférèrent à grande vitesse. Le poison utilisé était d’une efficacité remarquable ; il était réputé pour paralyser toutes les voies respiratoires et ainsi tuer en moins de soixante secondes.
Ce fut ainsi que Peach se débarrassa de l’entièreté des résidents de ce château. En assassinant un peu moins d’une centaine de personnes bonnes comme mauvaises, l’autoproclamée reine de Sarasaland était désormais toute seule en ces lieux. Elle avait tout perdu et n’avait plus rien à perdre.
Sans un regard derrière elle, vers cette multitude de cadavres, Peach sortit de la pièce, referma derrière elle et s’adossa contre la double porte. Et alors qu’elle entendit au loin les ultimes quintes de toux de celles et ceux qui luttaient en vain mais avec acharnement contre ce poison mortel, son visage sembla se craqueler davantage. Peach ferma les yeux et soupira.
- Et maintenant ?
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Voilà !
Un chapitre un peu long ! Mais comme les deux autres arcs, l'action va pouvoir enfin pleinement débuter à Sarasaland avec le plan d'attaque de Luigi d'un côté et de l'autre, Peach qui se retrouve toute seule !
Difficile à dire combien de chapitres il reste pour l'arc Sarasaland. Si j'arrive à continuer tous les 5 chapitres (75, 80 etc), je dirais qu'il en reste 3 ? Peut-être 4 ? A voir !
Quoiqu'il en soit, merci d'avoir lu et on se retrouve très vite avec la suite des événements d'Hyrule !
Stardust Des hypothèses ? Je serais curieux de les lire !