Chapitre 71 :
La Grand Place de la citadelle d’Hyrule était désormais remplie de Veilleurs d’Ylisse ; c’était le nom qu’on donnait à ces soldats valeureux. Tous armés d’une lance ou d’une épée, ils dominaient les lieux sur leurs destriers. Leur simple présence avait suffi à arrêter l’ensemble des combats.
Lucina regardait ces hommes et ces femmes avec émerveillement. Avec la frénésie des événements, elle peina à reconnaître des visages familiers. A vrai dire, elle chercha surtout Chrom mais il lui était difficile de voir correctement.
Falcon quant à lui, s’était littéralement paralysé. Il s’attendait à tout sauf à ça. Ce fût finalement lui qui brisa ce silence synonyme d’espoir pour ses adversaires.
- Vous avez prévenu votre père, cracha-t-il presque, désabusé par cette situation inattendue.
La reine se retourna, confuse. Elle dévisagea Falcon sans trop savoir quoi lui répondre tant elle était elle-même sous le choc. Qu’aurait-elle pu lui dire de toute façon ? Lucina n’était pas responsable de cette aide bienvenue. Elle ne l’aurait jamais fait. Après l’euphorie et après avoir observé la réaction de Falcon, la bretteuse reçut le contrecoup de cette arrivée surprise. Elle avait désormais l’avantage sur la bataille, mais qu’allait-il arriver ensuite ?
Captain Falcon s’empressa de s’exprimer à l’assemblée tout en reculant prudemment.
- Assistez à l’omniprésence d’Ylisse, s’écria-t-il en faisant porter sa voix même si ce n’était pas nécessaire. Le roi Chrom, sa fratrie comme sa descendance, se sont immiscés dans le paysage politique d’aujourd’hui ! Allez-vous réellement accorder votre confiance à une dirigeante qui fait appel à son père à chaque obstacle rencontré ?
Tandis qu’un cavalier s’approcha du centre de la Grand Place, sans que cela n’engage le combat, et que Falcon recula prudemment, quelques messes basses s’échappèrent de la foule.
La prise de parole déstabilisa profondément la principale concernée. Puisque l’armée Ylisienne était présente, c’était à Lucina qu’incombait la tâche d’annoncer la contre-attaque mais elle n’y parvenait pas, car elle ne pouvait qu’approuver les dires de Falcon.
- Princesse … L’interpella-une voix rauque mais familière. Ou plutôt devrais-je dire, majesté ?
Lucina releva la tête. Un cavalier se tenait à ses côtés et elle dut s’abriter du soleil pour voir son visage.
- Frederick, murmura-t-elle, toujours un peu perturbée.
L’homme d’une quarantaine d’années, reconnaissable par son air austère, ses cheveux bruns mi-longs et son nez fin, hocha la tête en guise de salutations ; s’il n’était pas à cheval, il se serait agenouillé. Frederick était le bras droit de Chrom mais aussi le commandant des Veilleurs. Il était comme un oncle pour Lucina.
- Quels sont les ordres ? Lui demanda-t-il d’un ton sérieux tout en fixant Falcon au loin.
- Que faîtes-vous là ? L’interrogea-Lucina, de moins en moins enchantée de voir ses frères d’armes ici.
- Nous parlerons plus tard si vous le voulez bien. Les ordres, majesté.
Devait-elle donner l’assaut ? Pour l’instant, ni Falcon ni ses hommes ne réagissaient. Lucina parcourut l’assemblée du regard. Au loin, elle aperçut Hershel Layton, toujours enchaîné. Elle ne vit ni Kamui, ni Joker, ni Phila. Quant à Azura, elle se tenait à ses côtés mais ne sembla pas exprimer quoique ce fût pour aiguiller la reine sur une piste à suivre.
Lucina finit par fixer Falcon droit dans les yeux. Et après un certain temps qui lui parut interminable, ce dernier leva le poing en l’air, suivi par tous ses larbins dans de puissants cris de guerre. Avant même que la reine ne puisse donner le signal, les combats reprirent et Falcon disparut dans la foule ! Lucina partit à sa poursuite en lançant un regard entendu à Frederick.
- En avant ! Hurla-t-il à plein poumons.
Les cavaliers, ayant repéré leurs alliés de leurs ennemis, entrèrent tous dans la mêlée. C’était de plus en plus brouillon. Lucina tenta de se faufiler sans perdre Falcon de vue mais c’était impossible. Lui-même peinait à se départir des soldats qui venaient l’attaquer. Malgré la cohue qu’était devenue cette bataille, une chose était très claire et comprise de tous : Captain Falcon et ses hommes étaient en train de perdre !
Alors qu’il lui restait plus que quelques mètres pour atteindre son ancien conseiller, Lucina se fit bousculer assez violemment, ou du moins, de quoi la désorienter. Elle se rattrapa grâce à son épée et secoua la tête pour reprendre ses esprits. Falcon n’était plus dans son champ de vision. Cependant, elle aperçut deux silhouettes familières non loin d’elle : Joker et Philadelphia. Les Veilleurs d’Ylisse leur étaient venus en aide. Lucina se précipita vers eux, en repoussant deux ou trois hommes de Falcon au passage. Une fois arrivée, elle ne put s’empêcher de prendre Phila dans ses bras, malgré la dangerosité de l’action, tandis que le jeune détective attaquait ses adversaires au couteau.
L’entraîneuse, très étonnée et en proie à une vive douleur dans l’épaule, serra les dents pour ignorer sa souffrance et apprécier cet instant de camaraderie.
- Merci, lui dit-elle dans un murmure.
Phila aurait voulu s’exprimer davantage, la remercier mieux que cela pour l’avoir secourue, lui parler de la lettre annonçant le décès de ses parents ou bien lui avouer quelque chose qu’elle aurait du faire depuis longtemps déjà, mais ce n’était pas le moment pour ça. Elles se contentèrent de s’enlacer ainsi, même s’il n’était question d’une seconde ou deux.
Mais soudain, Lucina aperçut dans le dos de son amie, un homme de Falcon arriver, hache en main. Instinctivement, elle protégea Phila et pointa son épée droit devant elle, bien que son opposant avait une légère longueur d’avance. Au même moment, la tête entière de l’homme fut recouverte d’une grosse bulle d’eau. En un claquement de doigts et sous l’effet de la surprise, il tomba au sol. Azura se distingua derrière lui après sa chute. Epuisée et recouvertes de blessures et d’égratignures, la danseuse rejoint le petit groupe bientôt au complet.
- Avez-vous vu Kamui ? S’inquiéta-Lucina qui se mit à protéger Azura à son tour.
- Falcon ! S’écria-Joker après avoir repoussé son adversaire d’un coup de couteau.
Les trois femmes regardèrent dans la direction que pointait le détective du bout du doigt. Leur ennemi était réapparu sur l’estrade.
Captain Falcon, après avoir assommé quelques opposants au passage, était finalement bel et bien remonté sur l’échafaud. Il arriva près de deux de ses hommes qui maintenaient toujours Layton auprès d’eux. Celui-ci se contentait de fixer Falcon de ses deux billes noires.
- Vous n’aviez pas anticipé cela, n’est-ce pas ? Déclara-t-il en toute neutralité.
L’ancien conseiller, s’il n’était pas sous le choc, aurait volontiers répondu à son otage par un puissant coup de poing. Mais il était un peu désemparé, il devait réagir et vite. Falcon se retourna dans la précipitation. Les Veilleurs d’Ylisse entamaient déjà le combat mais qu’ils furent à cheval ou non, ils peinaient à entrer dans la foule et n’en étaient encore qu’en périphérie du cœur de l’action.
Dans la mêlée, il aperçut sa fidèle alliée.
- Tifa ! L’interpella-t-il en criant.
La serveuse du bar, après s’être battue férocement contre une soldate qu’elle mit K-O, se précipita pour monter sur l’estrade à son tour.
- Falcon, on est mal, très mal ! S’inquiéta-t-elle en observant la cavalerie Ylissienne.
Si même Tifa était susceptible de perdre son sang-froid dans cette situation-là, c’était que les choses avaient clairement tourné en leur défaveur. Ce fût justement grâce à cela que Falcon pût reprendre le contrôle. Il devait réagir au plus vite s’il ne voulait pas perdre la bataille dans laquelle il s’était engagé avec hargne.
- Pas le choix : tu vas faire ce qu’on a prévu, proposa-t-il très sérieusement.
Tifa le dévisagea un instant. Ils avaient évoqué un plan d’attaque alternatif au cas où Lucina aurait l’avantage sur le combat ; ce n’était pas l’idéal, mais en l’occurrence, comme l’avait souligné Falcon, ils n’avaient plus d’autre choix. Ce plan de la dernière chance signifiait se séparer pour mieux réussir. Dans un moment aussi critique que celui-ci, aucun des deux ne voulait abandonner l’autre. Mais Falcon et Tifa avaient tellement foi en leur objectif qu’ils étaient déterminés à faire tous les sacrifices nécessaires.
- T’as pas intérêt à mourir, l’avertit-Tifa en lui tapant l’épaule.
- On se retrouve au château, répondit-Falcon, moins expressif. On se retrouve au château, vivants.