Chapitre 75 :
Il régnait à Sarasaland une atmosphère des plus particulières. Déjà, la cité en elle-même grouillait de vie. Tout semblait être revenu à la normale alors même que le roi Luigi n’avait pas encore regagné son trône. Certes, le château était toujours assiégé et le danger pouvait frapper à tout moment, mais le peuple et les alliés commençaient à bien connaître les stratagèmes de Peach ; elle n’avait absolument aucun intérêt ni même l’envie de s’en prendre aux civils.
La confrontation -si elle devait avoir lieu- serait directe et se ferait à l’intérieur même du château. Ce n’était donc pas surprenant de voir les hommes de Luigi réunis en grand nombre devant la grande porte d’entrée. Ils étaient parfaitement alignés selon les directives de leur souverain ; celui-ci était parvenu à galvaniser ses troupes, leur insufflant autant de courage que ne lui en avaient donné ses plus proches amies.
A l’aube d’une possible guerre entre les forces de Sarasaland et l’armée de Peach, il était donc assez étrange de voir la résistance sur le palier de son propre château, comme si Luigi devait toquer pour avoir la permission d’entrer. Personne ne savait ce qu’il les attendait à l’intérieur du château et il n’était même pas certain que des affrontements aient lieu. Les soldats ayant suivi la couronne plutôt que leur roi, devraient, à priori, se rendre assez rapidement.
A la tête de ce regroupement de personnes prêtes à récupérer le pouvoir, se trouvaient Luigi, Lissa et Samus.
Le roi affichait un air déterminé. Grâce à son discours et son éloquence inattendue, la peur qui le caractérisait s’était envolée. Aujourd’hui, il venait en conquérant, prêt à reprendre ce qui était à lui.
Lissa aussi était prête à en découdre. Armée d’un bâton, la reine du Royaume Champignon n’hésiterait pas à s’en servir, surtout pour protéger ses proches. Et puis, selon ses propres termes, elle mourrait d’envie de “mettre une raclée” à l’actuelle occupante des lieux …
Enfin, Samus observait le château, pensive, voire même préoccupée. Ses cheveux fraîchement coupés se mêlaient au vent qui apportait avec lui les grains de sable du désert. Elle était certainement la plus angoissée. Ce n’était pas tant ce possible affrontement avec Peach et sa nouvelle armée qui la faisaient autant stresser ; combattre, elle savait faire. Mais l’idée de retrouver enfin la femme qui l’avait fait tant souffrir la rendait anxieuse. Qu’allait-il se produire ? Discuteraient-elles ? Engageraient-elles un duel ? En cas de victoire, parviendrait-elle à la tuer, chose qu’elle avait été incapable de faire la première fois ?
- Samus ?
Lissa l’interpella doucement, la sortant de ses pensées. Elles se prirent la main, comme pour se rassurer mutuellement. Ce simple geste d’amour suffit à apaiser Samus. Quoiqu’il puisse se passer, rien ne pourrait se mettre en travers de leur chemin, tant qu’elles étaient ensemble … Ensemble avec Luigi tout de même ! Après un regard vers ses deux amies, Luigi se retourna fièrement vers ses hommes et n’eut même pas besoin de s’éclaircir la gorge ; il s’adressa à eux d’une voix vibrante de courage.
- Ce jour entrera dans l’Histoire de Sarasaland car c’est aujourd’hui que nous reprendrons le pouvoir des mains des envahisseuses, ma belle-sœur Peach et ses Justicières. Alors … En avant !
Mais cet élan de témérité fut brutalement stoppé lorsque la timidité naturelle de Luigi revint au galop. L’expression de son visage pourtant si combative jusqu’alors se transforma aussitôt pour laisser transparaître une pudeur, profondément liée à sa bienveillance.
- … S’il vous plaît, ne pût-il pas s’empêcher d’ajouter dans un murmure.
- Vous avez entendu votre roi ? Renchérit-Lissa de plus belle. En avant !!
Dès lors, des cris d’encouragements s’échappèrent de la foule dans un puissant écho qui aurait pu s’entendre dans toute la citadelle. Puis, un pas après l’autre, Luigi, Lissa, Samus et tous les autres, marchèrent sur le pont-levis qui n’avait même pas été relevé. Face à eux, la double porte du château menant directement à la très grande entrée. Voulant tester sa solidité, Lissa toucha le bois mais fut surprise de constater qu’elle pouvait la tirer avec le peu de force qu’elle avait. En fait, elle était davantage surprise que ces portes ne furent pas fermées.
- C’est ouvert, constata-t-elle, confuse.
- Cela ne me dit rien qui vaille, chuchota-Samus, tout aussi perturbée.
- … On avance, décréta-Luigi à ses troupes.
Enfin, ils pénétrèrent tous dans le château de Sarasaland, toujours sur leurs gardes.
Ce fût le choc. Personne ne les attendait dans le hall d’entrée, qui avait été vraisemblablement transformé en un gigantesque banquet ; personne ne les attendait pour la simple et bonne raison que la pièce était remplie de cadavres. Tout le monde retint son souffle quelques instants, observant avec horreur ce spectacle à glacer le sang. De part et d'autre de la grande table rectangulaire se trouvaient les corps inanimés des Justicières et des anciens soldats. Certains étaient sur le sol, d’autres avachis sur leurs chaises ou sur la table où étaient déposés de nombreux plats et du vin dont la couleur rouge avait presque entièrement recouvert la nappe. Et parmi ces innombrables victimes, aucune trace de Peach.
Reprenant ses esprits, Luigi était parvenu à demander à ses hommes de s’engouffrer pleinement dans la pièce et pour également vérifier s’il n’y avait pas de survivants, même s’il était évident que toutes les personnes présentes ici avaient été empoisonnées.
- C’est … C’est affreux, prononça-Lissa qui ne trouva rien de moins banal à dire.
Mais il était bien évidemment difficile d’exprimer précisément ce qu’on pouvait ressentir en voyant un tel massacre. Personne ne méritait de mourir ainsi : ni les ex-Sublimées dont leur seule vocation était de tuer, ni les soldats enrôlés de force dans un camp qu’ils méprisaient. Et puisque Peach n’était pas présente, elle ne pouvait être que la seule et unique responsable de cet acte. Dans la balance entre le bien et le mal qu’elle avait toujours essayé de maintenir au même niveau, Peach semblait l’avoir fait drastiquement penchée d’un côté.
C’est en observant tous ces corps sans vie que Samus repensa à cette scène marquante, dans le laboratoire du Dr.Mario, où elle avait retrouvé Bayonetta, extirpée de la cellule de résurrection. L’histoire se répétait. Si Lissa ne tenait pas la main de sa partenaire dans la sienne, Samus aurait serré le poing de colère, par automatisme.
- Nous devons la trouver, déclara-t-elle en essayant de garder son calme.
- La salle du trône ? Supposa-Lissa en toute logique.
- Allons-y.
Luigi, tel le dirigeant téméraire qu’il était devenu, s’engagea aussitôt dans les couloirs de son château, laissant les trois-quarts de ses hommes ici, dans l’entrée ; le reste l’accompagnait à la salle avec toujours Samus et Lissa.
Passant devant les dégâts qu’avaient causés les anciennes occupantes des lieux, le roi marcha, le regard droit devant lui. Lorsqu’enfin, il arriva devant la porte le menant à la salle du trône. Il aurait pu hésiter à ouvrir, reprendre son souffle ou bien se préparer à ce qui l’attendait derrière, mais Luigi avait déjà passé toute sa vie à réfléchir avant d’agir. Alors, il l’ouvrit sans plus tarder.
La salle du trône était vide. Ou, en d’autres termes, Peach n’était pas là. Luigi observa en silence le chaos qu’était devenue cette pièce bien qu’il y eut un effort de rangement : les chaises avaient été maladroitement replacées mais les vitres n’avaient pas été réparées et il y avait toujours des petits amas de sable près des débris de verre.
Le roi n’y était pas revenu depuis l’assassinat de ses six conseillers, chose à laquelle il repensait chaque jour tant cela l’avait marqué ; d’ailleurs, le sang sur le sol n’avait pas été correctement nettoyé. En bout de table se trouvait le trône, un petit fauteuil assez modeste mais se démarquant tout de même du reste des assises. Luigi s’avança alors d’un pas déterminé mais lent. Ses doigts parcoururent les accoudoirs de son trône, sous le regard de ses sujets et des ses amies. Puis, le roi Luigi regagna enfin sa place tout en prenant une grande inspiration. Sarasaland lui appartenait de nouveau.
- C’en est presque …décevant, constata-t-il d’un petit rire nerveux.
Il n’y avait donc pas eu d’affrontements, de combats ni même de grands discours. Luigi avait déjà récupéré son royaume. C’était peut-être anti-climatique comme il venait de le remarquer, mais tant pis : Sarasaland était sauvée ! Néanmoins, cela n’empêcha pas Lissa d’instaurer une ambiance de reconquête !
- N’acclamez-vous donc pas votre roi ? S’adressa-t-elle aux soldats tout en brandissant son bâton. Allez, avec moi ! Longue vie au roi Luigi ! Longue vie au roi Luigi !
- Longue vie au roi Luigi ! Longue vie au roi Luigi !
Un brouhaha s’installa alors dans la salle du trône. Les soldats pleurèrent en repensant à leurs anciens camarades tués par Peach, mais leur mémoire aura été honorée. Tout le monde chanta à la gloire du timide Luigi qui ne pouvait s’empêcher de rougir devant tant d’éloges. Seule Samus, tout aussi réservée que le roi, ne participa pas à cet élan de joie, elle préféra offrir un regard sincère et gratifiant à son ami. Ils s’étaient mutuellement aidés dans l’adversité, alors qu’ils étaient tous les deux au plus bas à un moment de leurs vies. Aujourd’hui, la boucle était bouclée.
Certes, Sarasaland avait été secourue, mais l’histoire n’en était pas encore à sa fin. Samus attendit que l’euphorie générale s’estompe pour poser une question délicate au roi.
- Luigi, où est-elle ?
Lissa fit quelques pas et s’empressa de participer à la conversation. Elle fit un petit clin d’œil à son ami.
- Nous nous chargerons du reste !
Luigi ne savait pas trop quoi répondre. Il n’y avait plus aucune menace pour le royaume, Sublimées ou Justicières, la dernière représentante de ces voleuses n’était plus dans l’enceinte du château. Mais elle était toujours là, quelque part, et Luigi savait très bien où. Ce n’était pas à lui de l’affronter. Il ne manquait pas de courage, mais de force ; quoique ce ne fût pas le principal argument. En réalité, Luigi n’avait plus rien à dire à sa belle-sœur. Ce conflit était terminé, mais pas celui de Samus.
- A l’Oasis. Peach se trouve à l’Oasis.
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Un souffle s’extirpa et s’envola aussitôt dans le désert, porté par le vent chaud amenant avec lui des innombrables grains de sable. Au milieu des dunes, une silhouette toute rose foncé était recroquevillée. Peach, la main sur sa cicatrice au-dessus de sa poitrine, venait d’être brutalement coupée dans sa respiration. Un choc vif mais assez violent pour craqueler davantage sa peau de poupée de porcelaine. Son visage était à présent atteint par ces fissures, comme si un coup de marteau ou de pioche pouvait l’anéantir, purement et simplement.
Peach se redressa et reprit sa marche solitaire dans ce désert. Derrière elle, se trouvait Sarasaland qu’elle ne reverrait plus jamais. Il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre, elle pouvait le sentir du plus profond de son être. Quelques semaines, jours, ou même quelques heures ? La fin était proche.
Avant d’accepter son destin funeste, Peach aurait souhaité retourner à l’Oasis. Elle n’allait pas tarder à atteindre sa destination. En chemin, elle repensa à ces dernières vingt-quatre heures où elle avait ôté la vie à une soixantaine de personnes, peut-être plus, peut-être moins. Peach ne réfléchissait jamais à ses actions … sauf à ce bain de sang. Lasse des Sublimées qu’elle n’avait pas réussi à transformer en Justicières, déçue du manque de libre arbitre des soldats ayant préféré la suivre elle plutôt que leur roi, Peach estima les avoir libérés parce qu’elle était une des rares personnes à savoir que le Printemps ne tarderait pas à arriver que ce monde ne tarderait pas à être détruit, ou plutôt, à mourir pour renaître de ses cendres, un peu comme Peach elle-même. Elle n’adhérait pas pour autant à ce plan mais elle était convaincue que Jeanne arriverait à ses fins.
Cette pensée fataliste, comme si rien ni personne ne pouvait changer les choses, l’avait longtemps questionnée au cours de son périple. En tuant tous ces pauvres gens, Peach avait choisi leur destin, parce que, tôt ou tard, ils seraient de toute façon tous morts ; elle les avait donc épargnés de cette épée de Damoclès, similaire à celle qui trônait au-dessus de sa tête. Mais plus elle y pensait, plus Peach se demandait si cet acte barbare l’avait placée en tant qu’antagoniste. Ne valait-elle donc pas mieux que Shantae ? Ou que Jeanne, qui avait laissé derrière elles toutes ses filles en leur taisant la cruelle vérité ?
- Vais-je succomber avant la destruction du monde ? Philosopha-t-elle dans un murmure. Ou bien, ai-je finalement le pouvoir et le temps de faire changer les choses ?
Au même moment, une bourrasque s’engouffra dans ses cheveux blonds en queue de cheval. Elle s’arrêta soudainement. Ses yeux, dénués d’émotion, était rivés vers le premier palmier qu’elle vit au loin. L’Oasis se trouvait là-bas. Pourtant, Peach ne poursuivit pas son chemin. Au contraire, elle se retourna lentement. Deux personnes l’avaient rattrapée, deux femmes qu’elle connaissait bien. Sa bouche s’entrouvrit, puis, après un léger soupir, Peach s’exprima.
- Lissa, Samus. Nous nous retrouvons enfin.
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Voilà !
Cela aurait été probablement la plus grosse attente entre deux chapitres, notamment liée à ma reprise d'emploi, j'ai eu bien du mal à réapprendre à écrire avec ce nouveau rythme de travail ... Et la fic reprend donc avec un petit chapitre de transition qui annonce enfin les retrouvailles entre Samus/Lissa et Peach. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai voulu directement m'avancer sur le prochain, pour éviter de vous laisser sur votre faim
J'espère malgré tout que vous avez apprécié ce chapitre ! N'oublions pas que l'on entre dans les 15 derniers chapitres de la fic (peut-être un peu + en fin de compte ) avec la confrontation imminente de Peach & Samus à Sarasaland, la bataille qui semble être terminée à Hyrule et l'arrivée des héros à Utopia !
Je vais donc essayer de publier le chapitre 76 (qui, pour l'anecdote, était le dernier chapitre de la saison 1 ) la semaine prochaine, à la même heure !
Merci d'avoir lu !