en tant que personnage de jeu vidéo, Max n'est-elle pas complètement aliénée à nous, joueur ?
Nous, nous avons le choix : mais elle non, si on regarde la relation personnage /joueur comme une relation métaphysique (là je m'inspire à nouveau du jeu Sens : Hexalogie dont je t'avais déjà parlé .)
Et bien selon moi non, le joueur étant lui même restreint par le cadre que lui propose le scénario, ce qui aliène Max, c'est ce cadre.
En tant que joueur, dans LiS, tu décides pas de la réaction de Max face a un événement, mais tu peux déterminer quel chemin qu'elle te propose devra être choisi.
Ça se discute, mais dans un RPG "à l'occidental" (je vais plutôt en parler comme ça maintenant), le protagoniste est bien plus aliéné au joueur, puisque c'est véritablement lui qui va choisir la direction à prendre, et non plus suivre un chemin préétablit.
Bien entendu tu as toujours un cadre, mais celui-ci est bien moins restreint car le joueur et le protagoniste sont presque confondus parfaitement.
Max a un background, des envies, des initiatives, et même si au final elle est aliénée par le scénario, le joueur l'est tout autant. Il en contrôle pas les désires et doutes de Max. Il a les siens, qui peuvent concorder avec ceux de Max mais restent personnels.
pas tout-à-fait, dans le sens où Max (enfin, le joueur, plutôt) a encore son libre-arbitre, preuve en est qu'elle n'arrive pas forcément à apaiser l'âme de Chloé, à la fin de jeu, si elle renonce à la sacrifier pour sauver la ville...
Peut être ai-je été un peu vite sur le libre arbitre. Je vais préciser ma pensée.
Le libre arbitre ne peut exister que sans destiné (cf Donny Darko).
Une entité divine qui agirait activement sur le monde rend réalité cette question de la destiné.
Si Max peut faire ses propres choix, mais que se faisant elle s'expose à un châtiment divin, alors en un sens, il n'y a plus de libre arbitre de façon absolue.
Cela dit, peut être que ma conception est mauvaise, je crois confondre libre arbitre et liberté. C'est le fait que Max puisse être un avatar qui lui enlèverait ce libre arbitre, mais comme on a pu le définir, elle est plus que ça étant personnage à part entière.
La question du libre arbitre d'un personnage reste quand même délicate.
Si on considère qu'elle est un personnage, elle n'a pas de libre arbitre, mais la question n'est pas pertinente, puisqu'on la considère d'un point de vue externe, ce qui serait nier l'univers interne. On se retrouverait avec un jeu qui ne serait qu'un simple objet fini de la réalité qui n'a plus de sens, puisque son contenu ne peut rentrer dans cette réalité et donc n'existe plus.
Pour être plus clair, c'est comme si tu voyais un bouquin non pas comme une histoire qui peut t'enrichir en tant que lecteur, mais un simple objet en papier avec une couverture et des lettres à l'intérieur. Il n'est plus un livre mais un simple objet vide de sens, et donc aucune raison d'exister.
Si on considère Max du point de vue interne, elle a un libre arbitre. Sauf que si on fait la mise en abime en faisant le parallèle entre l'entité supérieure et soit, le scénario, l'auteur, ou le joueur, et en faisant le parallèle entre Max et le joueur, devenant son avatar, ou élément de l'intrigue, devenant un jouet du destin, alors son libre arbitre devient bien plus relatif.
Je ne pense pas non plus que Chloé accepte sa mort avant la fin : mais là, il faut voir çà de façon plus psychanalytique, plus inconcscient, ce n'est pas le désir de Chloé qui compte, mais son subconscient, son ça. Pour moi, dans cette théorie, ce sont les frustrations inconscientes de Chloé qui crée la tornade.
De ce point de vue là ça se tient. Par contre, je ne suis pas très calé en psychologie comme je le disais mais le "ça" ne serait plutôt les instincts primaires d'une personne ? Ses volontés immédiates, manger, boire, baiser etc.. ?
Il me semble que dans le cadre de Chloé c'est plus le "moi" qui s'exprime.
Quand tu dis que la tornade ne devrait apparaître que quand on contrevient à la décision de Chloé, ça n'a pas vraiment de sens, la tornade est juste la cristallisation des frustrations de l'âme de Chloé. Si Chloé survit, alors les frustrations de son âme perdureront jusqu'à - imaginons - qu'elle et Max se soit suffisamment éloignées d'Arcadia Bay pour se construire une nouvelle vie qui pourrait apaiser son âme ?
Peut être mais alors, tu ne peux pas non plus le rattacher au subconscient car cela voudrait dire qu'elle devient de plus en plus troublée au fur et à mesure de l'aventures, alors que je pensais que le but des pouvoirs de Max étaient justement de provoquer le contraire.
J'essayais de la rattacher à ce que tu disais. La tornade étant la dernière réponse des dieux pour aiguiller le choix de Max. Après, avec l'idée de l'épée de Damoclès, ça marche pour le coup.
ici, j'entrevois une première difficulté : durant toute la scène, on voit bien justement qu'elle refuse la fatalité, qu'elle fait tout ce qu'elle peut pour bloquer le cours du temps afin d'arriver à temps sur le toit. Donc ça contredit un peu ton idée à ce moment-là. Je dirai plutôt que la réalité commence à résister à l'esprit de Max, comme quand on tire sur un élastique, plus on tire fort, plus il va résister (et quand elle arrive sur le toit, l'élastique lui revient carrément dans la figure vu qu'elle n'arrive plus à utiliser son pouvoir et qu'on voit bien qu'elle se sent mal, avec des tâches rouges dans son champ de vision etc.)
Hum en effet c'est plus juste, j'ai été un peu vite, si tu modifies "réalité" par "prise de conscience de la fatalité, la mort", ça représenterait en effet ce que je voulais démontrer.
Je ne la vois pas accepter la situation, au contraire, elle est tellement concentrée sur son objectif d'empêcher çà, elle est dans la révolte contre la réalité, là !
Pour cette scène - au-delà de la tension dramatique, bien sûr - elle est là pour montrer justement les limites de Max et que le joueur comprenne que Max n'est pas un dieu.
C'est la seconde fois qu'elle est mise en face de la fatalité, la réalité si on veut, mais elle n'est réalité que dans notre univers, dans celui que je présentais, c'est la réalité de Max, et cette réalité n'existe que grâce aux limites de la portée de son imagination.
Il ne peut y avoir de réalité sans cadre, la chaos total rend toute chose possible et impossible, et la réalité est ce que nous pouvons percevoir d'elle, et notre perception répond à un impératif d'unicité. C'est aussi pourquoi le paradoxe est inconcevable à l'esprit humain.
Il existe peut être d'autres formes de réalité, mais elles nous sont étrangères et inabordables, donc n'existe pas selon notre perception, et comme je le disais, je pense que seule notre perception nous est juste.
Cela dit, notre perception doit se conformer à ce que nous pouvons comprendre de celles des autres, sinon nous n’évoluerons pas dans le même univers. Nous avons besoin de repères communs pour nous rencontrer. La mort est un des plus fort, sinon le plus fort repère commun. Notre perception de l'ensemble de ces repères communs représente la réalité.
L'enfant n'a pas ces considérations, la réalité est plus flou pour lui car il ne connait pas tous ces repères communs, il a la notion de la mère, du père, du langage, de l'autre...etc certaines bases, certains repères communs qui lui permettent d'entrer en contact avec ses pairs.
Il est plus innocent, son subconscient si on veut, n'a pas encore entrepris la démarche de s'ancrer dans la réalité. Ainsi, il peut avoir une perception plus proche de son soi profond, et c'est pour ça que beaucoup d'enfant peuvent avoir un ami imaginaire par exemple (enfin dans les fiction en tout cas, je n'en ai vu que dans très rares cas).
La mort est certainement le repère commun qui symbolise le dernier pas vers la réalité.
En ce sens donc, on peut dire oui que c'est une confrontation entre Max, enfant, qui refuse de voir la fatalité, et Max, adulte qui prend conscience de la mort.
Au passage, je parle beaucoup de conscience de la mortalité, mais pour moi ça n'a rien à voir avec la prise de connaissance de l'existence de la mort. Un enfant peut savoir ce qu'est la mort sans en comprendre l'entière portée, c'est là que se trouve la nuance.
Du coup, pour être plus précis sur le passage avec Kate, je me suis mal exprimé à la base, je ne voulais pas dire que la part d'elle qui prend de conscience de la mortalité prend le dessus, mais plutôt qu'elle s'exprime.
Je pense que le terme "prendre le dessus" était trop fort.
en effet, mais je parlais en général. Quelque part, il y a toujours un détail qui va contredire une hypothèse ou une autre, mais le but c'est que l'explication soit satisfaisante pour nous en tant que joueurs, après joueurs
Le détail fait avancer le débat, et le débat nous permet de faire évoluer sa pensée. En ce sens, je ne veux jamais être satisfait d'une de mes explications ou de celle d'un autre, peu importe si je ne trouve pas de réponse au final, ce sont les questions qui m'intéressent !