Ce topic est peut-être le plus utile que j'ai vu en naviguant sur les forums de JVC. Je perdais espoir de trouver un jour une personne qui enfin exposerait un sujet important en faisant fi de la convenance locale - qui est de ne poster que des topics en rapport avec la branlette et faits divers poeple très peu intéressants.
Enfin un débat de niveau national touchant à la psychologie, à la science, à la philosophie, à presque tout. À notre société humaine quoi.
Mais j'arrête les honneurs, ce n'est pas vraiment le plus important. Le plus important ici c'est de partager son ressenti et les informations utiles autour de ce sujet. Personnellement je suis mal informé, lorsque j'ai lu ces articles et ton témoignage je ne pouvais m'empêcher de m'identifier aux situations évoquées ; mais je ne sais pas si j'aurais su les exprimer et les expliquer aussi bien. Le système fonctionne bien : on ne prend conscience du vide intérieur laissé par l'éducation bien souvent seulement en en sortant.
Je viens de passer mon Bac fin juin. La boucle primaire/secondaire est bouclée.
En maternelle les professeurs m'ont souvent diagnostiqué comme précoce malgré parfois un manque d'intérêt pour les cours et surtout pour la sieste sacrée de l'après-midi.
Pendant toute ma primaire je n'ai jamais réussi à "briller" en cours, ayant passé une année de CP absolument désastreuse, au contact du fameux classement des "gommettes" et d'une enseignante qui, probablement névrosée, était violente envers les élèves.
Les années se sont enchaînées, toutes avec des notes basses, avoisinant le 8 ou le 9 sur 20. Les enseignantes, bien que de bonne volonté pour la plupart (celles que j'ai eu pendant le CE1,CE2 et le CM1), n'ont pas su m'aider face à un système éducatif strict les écrasant elles et toutes leurs tentatives pour récupérer les élèves en difficulté. Celle que j'ai eu en CM2, la directrice de l'établissement, exerçait une pression psychologie sadique sur les élèves considérés comme mauvais et/ou asociaux et/ou délinquants. Elle le faisait également sur les enseignants. Il s'agissait véritablement d'un régime de la peur à l'échelle de l'école, à coups de menaces de sanctions disciplinaires, de notes basses, et de harcèlement moral au moyen d'interrogations orales abusives par exemple (elle interrogeait plus souvent les élèves en difficulté, pour pouvoir ensuite justifier un malus de points en cas de mauvaise réponse ou de non réponse devant l'hésitation).
Je ne pourrais pas décrire ce genre de problèmes pour le secondaire, faire une liste de chaque professeur qui m'a aidé, qui a voulu m'aider, qui a voulu m'enterrer ou qui a faillit m'enterrer serait d'un barbant et d'un redondant qu'il n'est même pas la peine de décrire. Mais ces contrastes de comportements oscillant entre la bonne volonté bâillonnée et le défoulement vis-à-vis du travail entre les professeurs se retrouvait parfaitement dans mes années collège et lycée, et cette situation est pour moi l'illustration parfaite de l'aliénation que le système opère sur les professeurs, forcés de coopérer contre leur gré, y perdant parfois leur bon sens face à l'absurdité de ce qu'on leur impose. Je le retrouve mot pour mot dans les trois articles auxquels Milolaidus nous redirige.
Je n'ai pas arrêté d'être un élève moyen-mauvais jusqu'en troisième où j'ai réussi le tour de force de décrocher un 14,12 de moyenne au troisième trimestre et une mention bien au brevet (certes, le brevet est facile, mais seulement pour ceux ayant un support derrière eux, comme par exemple moi avec mes parents qui avaient goût pour les livres éducatifs (et non scolaires), les films historiques, psychologiques et/ou de remise en question, et enfin l'immense bienfait qu'est internet libre pour la connaissance et l'information). Au lycée je me révèle de nouveau être un élève très moyen, avec des différences de notes d'amplitude massives dans la plupart des matières.
Malgré tout, du CP à la Terminale on n'a cessé de dire dans mes bulletins "Grand potentiel, mais incapable de se conformer au système scolaire et problèmes d'assiduité en cours". Je survivais au rouleau compresseur de l'école en m'en tenant à l'écart le plus possible. Cette année j'ai totalisé soixante demi-journées d'absence en Terminale, j'ai cependant maintenu un niveau acceptable, supérieur à 10 dans toutes les matières sauf une. Lorsque je faisais preuve d'assiduité, je devenais rapidement stressé, le travail inhumain et absurde que l'on nous proposait s'accumulait, et je ne pouvais me cacher derrière l'excuse de l'absentéisme (que je parvenais à maintenir avec des excuses bidons) pour ne pas le faire. Mes notes baissaient, littéralement.
Aujourd'hui je suis la somme d'un enseignement impersonnel (car prévu pour l'être) et d'un enseignement personnel qui m'a toujours été plus utile que ce que j'ai avalé de force à l'école, preuve en est que mes connaissances en français, en anglais, en histoire/géo et en physique qui m'ont permis de faire décoller mes notes en troisième ne venaient uniquement que d'un enseignement personnel lui-même partiellement autodidacte.
Cet enseignement personnel, je me retrouve à le remettre constamment en question à cause des "nécessités" scolaires: être assidu, bachoter, faire ses exercices tous les jours au lieu de consacrer ce temps à m'informer sur des sujets qui me touchent réellement ou à tout simplement me détendre, ne jamais contester une information du cours, ne jamais s'investir en classe autrement que d'une manière individuelle (sous peine de voir son mouvement contesté par les plus hautes sphères de l'établissement ou de se voir stigmatisé par les aliénés de sa propre classe, détestant les cours mais ne cherchant pas à savoir pourquoi).
Résultat de cette remise en question: je sors de l'enseignement secondaire complètement perdu. Je ne sais pas ce qui je suis sur le plan du travail, je ne sais pas où aller dans le supérieur (j'ai choisi de m'orienter dans la publicité alors que je déteste l'hypocrisie du système de consommation, je suis bien barré décidément), je ne sais pas ce que je vaux car je n'ai jamais réussi à réellement faire mes preuves pour me prouver à moi-même et aux autres que je vaux quelque chose dans quelque domaine que ce soit. Je pense peut-être (je ne suis sûr de rien, c'est dire) être meilleur que la moyenne en traduction français/anglais, en expression orale et écrite en français. J'essaie de me prouver que le fait que je sache manier un outil graphique tel que photoshop signifie quelque chose.
La vérité, c'est que 15 ans d'école formatrices et strictes confrontées à un enseignement personnel contradictoire avec cet esprit ont fait de moi une personne complètement paumée.Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas si j'ai la trempe de vivre de mes rêves dans la pauvreté, je ne sais pas si j'ai la trempe d'aller vivre différemment à l'étranger, d'abandonner mon monde d'ultra consommation et d'écrans auxquels je suis dépendant (j'adore internet, les films et les jeux vidéo, ce sont pour moi des formes d'art qui m'ont forgé cet enseignement personnel que j'essaie désespérément de défendre au coût de ma place dans la société. Si je les abandonne j'ai peur de ne plus avoir aucun repère), si j'ai envie de ramper et suivre mon cursus scolaire jusqu'au bout, de trouver un emploi abrutissant/inutile ne correspondant pas à mes qualités ou à mes ambitions comme 70% des français que je devrais exercer pendant quarante ans qui me permettra d'acheter une belle collection de canapés, d'écrans plats et de conneries d'aucune utilité.
En gros je ne sais pas si je peux trouver un compromis entre la société et ma personnalité (cela n'a marché que pour une petite minorité), si je dois abandonner mon "accomplissement" financier et social en vivant aux crochets des prestations sociales dans un vieux ghetto pourri avec toute l'horreur que ça me fait, ou si finalement je dois faire l'effort de faire une croix sur tout ce qui fait de moi ce que je suis, et devenir une vache: http://www.metacafe.com/watch/5845101/ikea_dans_fight_club/
Voilà où en sont les élèves. Cela s'appelle des générations gâchées, et c'est l'héritage de Taylor, c'est l'héritage de Thatcher, et enfin c'est l’œuvre intéressée ou passive de ceux qui nous gouvernent, qu'ils soient à la tête de l'état ou des grandes entreprises. Alors oui on pourra me dire de tout simplement bouger mon cul et d'arrêter de me poser des questions, mais je ne sais clairement pas dans quelle direction je vais...
... Oui, je voudrais bien une réforme.