Voilà, texte pondu, c'est le cas de le dire !
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Enfermée au fond de son magasin bio, Cocotte guettait avec envie le vol des colombes. Par dizaines, celles-ci traversaient les cieux et leurs nuages dans la liberté la plus totale. Souvent, Cocotte imaginait combien il devait être agréable de voler dans un monde aussi vaste. Ses amies poulettes, elles, ne prenaient pas la peine d’observer ce lointain univers. Elles ne cessaient de caqueter : « Ici, nous sommes à notre place ». Mais Cocotte ne les écoutait pas, et préférait rêver la vie auprès de ces chastes oiselles.
Un jour, un humain entra dans la boutique. Veste côtelée, écharpe mauve et lunettes rondes, il parla au vendeur, qui délaissa sa caisse pour s’approcher des poulaillers. Cocotte en trépigna d’avance.
A peine le vendeur eut-il le temps d’ouvrir sa cage qu’elle fonça sur ses congénères, leur marcha dessus, écrasa, et le commercial, et le client, avant de se précipiter vers la sortie en braillant comme une hystérique. La porte, grande ouverte, lui tendait les bras. Elle courut comme jamais et passa son seuil avec satisfaction, foulant pour la première fois les pavés de la rue.
Furieux, le vendeur la poursuivait. Cocotte ne demanda pas son reste et déguerpit aussi sec. Elle traversa des avenues en dehors des passages cloutés, sortit indemne de plusieurs marchés et évita des tas de clochards. Perdue au sein de la foule de piaf, elle chercha les colombes du regard, mais ne trouva que de vulgaires pigeons.
C’est alors que, sans comprendre, elle reçut un coup de pied au derrière par un homme vêtu de kaki et armé d’un fusil. Pour la première fois de sa vie, Cocotte vola. En vrai, et dans les airs ! Cela lui plut, mais elle dut avouer avoir mal à l’arrière train.
La chute s’amorça et Cocotte enfonça la fenêtre d’un appartement. Elle rebondit plusieurs fois sur le parquet avant de se retrouver dans les bras d’un homme négligemment installé au fond d’un canapé rouge. Il prononçait des mots bizarres, des mots que personne ne connait devant une caméra. Cocotte ne comprit rien à son charabia, mais tomba d’accord avec lui. Finalement, l’homme discourut sur son bec, apparemment trop crochu, et lui donna lui aussi un coup de pied au derrière. Elle passa de nouveau par la fenêtre et voltigea par delà les rues.
C’est alors que, pour son plus grand bonheur, elle se retrouva au milieu des colombes. Oui, elle volait bien parmi ces symboles de paix, au milieu de leur plumage d’albâtre ! Le monde entier arrêta sa course durant ce court instant, la paix régnant partout où Cocotte regardait.
Seulement, Cocotte ne volait pas, elle planait.
Sa nouvelle chute l’arracha à son idéal et l’attira irrémédiablement vers le plancher des vaches. Cette fois, elle tomba de si haut qu’elle transperça la toiture d’un édifice imposant, atterrissant au milieu d’une foule de bonshommes. Depuis leurs fauteuils rouges, tous criaient des choses incompréhensibles. Accaparés par leur devoir, ils ne firent pas même attention à elle.
— Et ton zizi, il est atone ? beugla l’un.
— Heureusement qu’il n’est pas comme la courbe du taux de croissance ! répondit l’autre.
Devant tant de sagesse, Cocotte oublia le discours du monsieur à la caméra et retint la pensée de ces hommes là. Fière du pays que son mâle représentait, elle se dressa fort haut et caqueta l’un de ces champs marseillais que tout le monde connait, mais que personne ne lit. L’assemblée la remarquât alors, et s’affola comme une pucelle face à un ecclésiastique. Bientôt, l’armée débarqua dans l’amphithéâtre et maîtrisa Cocotte, qui, disons le, perdit quelques plumes de belles factures. On l’obligea à sortir du bâtiment et à monter dans une camionnette, qui démarra sur les chapeaux de roue. Après seulement quelques minutes à être manipulée par les hommes qui l’embarquaient, ils l’éjectèrent du véhicule par un coup de pied aux fesses. Elle comprit alors qu’on l’avait excentrée de la cité, envoyé dans une périphérie, comme les lois du monde le prescrivent.
A peine commença-t-elle à déambuler dans les rues que des hommes la rattrapèrent, et voulurent la ramener chez eux. Cocotte, après toutes ses aventures, se méfia de leurs intentions, de peur qu’ils ne la fassent rôtir en sauce. Mais très courtoisement, les hommes lui expliquèrent que cela leur était simplement impossible, car Celui-qui-est-vraiment-le-plus-haut-dans-le-ciel-plus-haut-que-tous-les-autres le leur interdisait. Cocotte voulut en savoir plus sur Celui-qui-est-vraiment-le-plus-haut-dans-le-ciel-plus-haut-que-tous-les-autres, qui semblait être un personnage des plus civilisés. Les hommes l’emmenèrent alors dans leur appartement, l’assirent sur une chaise au rouge dégoulinant, et lui apprirent tout ce qu’ils pouvaient sur cet être incroyable.
Après trois jours de rabâchage intensif, Cocotte connut tout de Celui-qui-est-vraiment-le-plus-haut-dans-le-ciel-plus-haut-que-tous-les-autres et, en félicitation de son apprentissage, se fit remettre autour des ailes une jolie ceinture pleine de boitiers aux couleurs scintillantes. Cependant, un dernier examen l’attendait pour accéder à l’étape finale, à savoir rencontrer Celui-qui-est-vraiment-le-plus-haut-dans-le-ciel-plus-haut-que-tous-les-autres.
On l’embarqua alors une nouvelle fois dans une camionnette, et lui fit faire la route inverse afin de la ramener au centre de la cité. Pour passer son épreuve, on la plaça dans un lieu public, et lui expliqua que la ceinture divine qu’elle portait la mènerait jusqu’à Celui-qui-est-vraiment-le-plus-haut-dans-le-ciel-plus-haut-que-tous-les-autres lorsqu’elle appuierait sur un certain bouton. Elle appuya donc à l’endroit indiqué et tous les boitiers de sa ceinture provoquèrent une déflagration angélique, la propulsant dans les cieux.
Elle monta, monta, monta vers le firmament, la queue en flamme et l’arrière train dézingué. Tout là-haut, elle eut très froid et beaucoup de mal à respirer, mais ne trouva aucunement Celui-qui-est-vraiment-le-plus-haut-dans-le-ciel-plus-haut-que-tous-les-autres. Et ce n’était pas faute d’avoir introduit sa demeure par effraction.
Plus que déçue, Cocotte se sentit trompée, et amorça alors sa descente vers des cercles inférieurs. Cela lui prit un moment avant d’apercevoir de nouveau le sol et ses habitants, qui lui semblèrent vue d’ici bien minuscule. Après plusieurs minutes, elle tomba dans un tas de foin, au milieu d’une basse cour. Des tas de poulettes vinrent la voir, et d’entre ces pondeuses se dévoila un coq fier, qui lui proposa l’hospitalité dans son domaine.
Cocotte, qui l’écoutait attentivement, vit passer au dessus de sa tête une volée de colombes. Loin d’être sotte, elle accepta la proposition de son hôte et rejoint sa communauté. Elle savait dorénavant que les colombes ne pouvaient être rejointes, malgré tous les discours de ceux assis dans les sièges rouges, et qui, au final, faisaient plus mal au cul qu’autre chose.
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Merci à vous !