Bonjour à tous et à toutes. Après mes nombreux textes pour l'ASI et deux autres courts textes, voici mon premier projet, une nouvelle.
Je vous souhaite bonne lecture
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Chapitre 1 : Une journée comme tant d’autres.
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Le monde était gris. A travers la fenêtre de la salle de classe, Luc regardait avec monotonie la nature se laisser contaminer par son mal être. Les nuages gris enveloppaient le ciel, prêts à pleurer sur l’école et sa cour, grise également. Luc espérait au plus profond de lui un orage. La majorité des gens qu’il connaissait prenait peur au premier grondement céleste, dans sa plus grande incompréhension. Rares étaient les fois où il pouvait assister à ce phénomène pendant la journée.
Il était si concentré sur le monde extérieur qu’il en avait oublié le cours de français. Il aimait bien la prof, Madame Régine, l’une des rares à savoir rendre son cours intéressant à ses yeux. Il n’était pas le seul à avoir décroché. La faute à une succession d’heures interminables et ennuyeuses, sans doute.
Luc fut pris par surprise lorsqu’il entendit la cloche sonner, suivie par les crissements impatients des chaises.
Tout le monde se précipita dehors pour jurer lorsque la pluie martela leurs cheveux et leurs vêtements.
La météo les avait pris par surprise. Quelques minutes plus tôt, un soleil radieux inondait l’école de lumière et de chaleur. Ses camarades de classes s’étaient habillés en conséquence, shorts, tee-shirt, jupes – malgré l’interdiction de ces dernières – et certains avaient même eu l’audace de pénétrer l’enceinte du lycée en tongs. Les nuages avaient émergés de nulle part et ses camarades de classe avaient l’air bien con à présent. Luc, lui, n’avait pas de problème. Il aimait le contact humide de la pluie sur son visage.
Un brusque grondement fit sursauter un groupe de fille, certaines plongeant leurs chaussures dans une flaque d’eau colorée par la boue.
La classe de Terminale S se dirigea vers la salle de classe où allait avoir lieu le prochain et dernier cours de la journée, anglais, avec la même précipitation dont elle avait fait preuve pour fuir celui de français.
Malheureusement, la salle était fermée. Les élèves durent attendre la prof d’anglais qui avançait lentement, un parapluie et les clés de la salle dans une main, un café à moitié entamé dans l’autre, et une pile de papier sous le bras. Après une manœuvre laborieuse contre la serrure ancienne de la porte en bois, elle parvint à ouvrir la pièce où les lycéens s’éparpillèrent, dans le respect des petites castes habituelles. A peine étaient-ils rentrés que plusieurs rayons de soleil perforaient la surface grise des nuages qui se dispersèrent aussi brusquement qu’ils étaient apparus. Un magnifique arc-en-ciel marquait désormais le bleu céleste.
Tout le monde rouspéta contre cette météo capricieuse et anormale, avant de se faire rappeler à l’ordre par l’enseignante qui frappa son bureau en bois avec sa pile de papier, son visage marqué par le mécontentement. Les copies du dernier contrôle. Quoi de mieux pour commencer à conclure cette journée. Après cinq bonnes minutes à pointer les problèmes de la classe, la prof d’anglais zigzagua entre les rangs pour délivrer les interrogations recouvertes de remarques accablantes sur la médiocrité de son propriétaire. Les murmures ne se firent pas attendre. Luc se délectait de ce spectacle de très mauvaises notes que l’on se chuchotait sans gêne pour faire croire que l’on y était insensible. Lui s’en foutait, il était absent le jour du devoir.
Après ce moment d’angoisse, le cours débuta par des interactions en trinômes, obligeant les élèves à se mélanger selon les désirs de leur professeur de langue vivante. Luc, lui, passa devant les tables où les cons s’étaient réunis. Il jeta un coup d’œil à la copie de Quentin, affublée d’une magnifique bulle tracée avec rage et d’une remarque qui s’étendait sur six lignes. Il le rechercha en balayant la salle du regard et le repéra. Le dos appuyé contre un mur, il conversait avec Vanessa, qui l’égalait en tant que cancre. Leur seul point commun.
Quentin, l’air candide, était sans doute le moins pourri de la bande. Vanessa, elle, était obnubilée par son physique et s’habillait de façon vulgaire. Toujours à porter des jupes courtes et à afficher des décolletés provocateurs. Son visage était tartiné de produits de beauté qui l’enlaidissaient, et ses cheveux blonds, agrémenté de mèches roses, achevaient de la rendre ridicule. Et si seulement tout ça s’arrêtait à son physique… Elle passait son temps à écrire des fictions affligeantes de médiocrité et de beaux sentiments, mettant en scène des membres de One Direction, ou pire, des célébrités de la télé-réalité. Et au plus profond d’elle-même, elle en avait honte. En témoignant le jour où un innocent courant d’air avait fait s’envoler l’intégralité des feuilles qui composaient un roman ambitieux réécrivant une « story-love » de Twilight, permettant à toute la classe de rire un bon coup pendant la lecture de l’enseignant de mathématiques. Cet évènement avait signé la fin de sa succincte carrière d’écrivain.
A côté de Vanessa, Lucas, Pierre et Mélanie, d’autres membres de la tribu des connards, échangeaient dans un anglais capable de provoquer le suicide de toute la Grande Bretagne.
Lucas était le plus plaisantin de la bande, peut-être aussi le plus insensible, à croire qu’il était déconnecté de la réalité. Si un de ses amis faisait une connerie, on pouvait être sûr que l’idée venait de Lucas. Mélanie, joyeuse, ne devait son état que grâce à ses médicaments contre l’anxiété. Pierre se démarquait par sa mine grisonnante, ses yeux vides qui fixaient les fenêtres, l’absence de sourire sur son visage depuis plusieurs jours et sa pâleur qui s’accentuait au fil de la semaine.
Ils ne respectaient pas les groupes imposés par la prof, aussi ils se dispersèrent à l’approche de cette dernière approche, pour éviter les sermons, à l’exception de Quentin, assumant son caractère de « jemenfoutiste ».
Pierre finit par rejoindre son ami, et leader de cette équipe d’abrutis, Matthieu, dont le visage crispé témoignait des efforts qu’il faisait pour parler un anglais convenable. Esther l’accompagnait dans l’exercice. Elle était l’une des rares amies de Luc, malgré l’envie de ce dernier d’explorer leur relation d’une autre façon. Elle était mince, ses cheveux blonds faisaient ressortir ses prunelles vertes et se combinaient parfaitement avec la pâleur de sa peau. Elle diffusait une aura de bienveillance, de compassion et de bonheur.
L’amertume envahissait Luc lorsqu’il voyait Esther dévorer Matthieu des yeux. Ce garçon avait tout pour plaire. Une physique d’athlète, des cheveux châtains brillant au soleil, des yeux bleus envoûtants, et une mâchoire fine agrémentée d’une fossette.
Avec Esther, Luc formait une bande avec deux autres amis, qui, par chance, étaient restés ensemble dans le cadre du travail. Le premier se prénommait Grégoire. Un grand gars généreux qui avait le sang chaud. Le deuxième s’appelait Esteban, un garçon enrobé dont le sujet de conversation préféré était la nourriture. Chacun de ses amis affichait une certaine anxiété. A cause des derniers évènements. Luc n’avait pas réussi à entrer en contact avec eux, pourtant, il essayait. Chacun de ses efforts se révélaient vains quand il s’agissait d’attirer leur attention.
A la fin du travail de groupe, tout le monde reprit sa place initiale, oreilles faussement tendues vers le monologue de la prof, les yeux rivés sur l’horloge dont l’aiguille s’approchait dangereusement des dernières minutes. Dehors, le soleil commençait à tomber et le ciel bleu s’empourpra délicatement. On entendait déjà les moteurs des bus et des voitures des parents. Les fenêtres ouvertes laissaient filtrer le brouhaha des adultes qui conversaient en attendant la sortie de leurs enfants.
Enfin, la cloche sonna. La prof d’anglais, prise au dépourvu, essaya de hurler les devoirs pour la semaine prochaine, mais ses rugissements furent noyés par les cris des lycéens, les raclements des chaises sur le sol, et les pas précipités vers la porte.
Une horde d’enfant et d’adolescents déferla vers le portail principal, toujours clos. Tous s’impatientaient tandis que Sabrina Sinclair, la surveillante rachitique, trottinait pour délivrer les élèves de ce lieu. Tous se poussèrent, non pas par respect. Plus vite elle ouvrirait le portail, plus vite ils pourraient rentrer pour mater leurs émissions, leurs feuilletons, ou retrouver leurs amis fraîchement quittés sur Facebook ou Twitter ou autre connerie de réseau social.
Luc envia chacun d’eux, comme la dizaine de pensionnaires qui devait attendre le Week-end pour quitter l’école. L’établissement s’était vidé en seulement quelques minutes. Et quelques heures plus tard, il ne resta plus que les pensionnaires qui se dirigèrent d’un pas trainant vers la salle multimédia pour aller voir un film choisi par les soins d’Ingrid, la vieille femme en charge du pensionnat.
Luc se retrouva seul dans la cour. Il s’assit sur un banc au milieu de la cour du collège. L’établissement rassemblait un collège et un lycée, ce qui expliquait ce mélange d’adolescents et de pré-pubères. Luc avait décidé de rester dans la cour du collège, la plus grande. Au centre se trouvaient deux tables en pierre réservée au ping pong, quelques arbres nus tenaient compagnies à l’adolescent solitaire, encadrant le chemin qui menait au portail principal. Depuis sa place, il pouvait voir le soleil glisser dans l’horizon, comme une pièce dans un distributeur, pendant que les ténèbres s’emparaient progressivement du monde.
Lorsque l’astre de lumière disparut, Luc se leva. Il quitta la cour du collège et pénétra la petite forêt derrière le bâtiment, en passant par la cour du lycée. Il suivit un petit chemin de terre, qui s’arrêta devant un bosquet de fougère qu’il écarta. Il approchait du fleuve près duquel il trouva un long rectangle de terre retournée.
Luc posa une main sur sa tombe de fortune, tandis que son esprit bouillonnait de rage envers ses assassins.
Oh oui.
Ces enculés de fils de pute allaient le payer.