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Sujet : L'héritage des Maelys
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Chocobo_3
Niveau 15
01 novembre 2021 à 15:34:42

Yop.

Je suis actuellement entrain d'imaginer petit à petit une suite au récit "L'anneau de commandement", que j'avais posté ici> https://m.jeuxvideo.com/forums/42-58-46507208-1-0-1-0-l-anneau-de-commandement.htm

J'ai pas mal écrit ces derniers temps, et si rien n'est définitif si ce n'est les grandes lignes, je me suis dit que ca pourrait-être pas mal d'avoir quelques retours. Voila une sorte de mini prologue, qui sert d'introduction avant un premier "vrai" chapitre.

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L'héritage des Maelys.

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Les traits d'eau battaient les pavés en mesure, dirigeant sa course folle à travers la cité. Absorbé par les perspectives que la nouvelle qu'il venait apporter pouvait signifier, l'orage résonnait comme une mélodie agréable, apaisante. Un mélange de fracas et de contrôle qui paraissait bien ironique. Les ruelles, submergées par les forces de la nature, se dégorgeaient péniblement, déversant tout leur surplus dans les avaloirs qui peinaient à maintenir la cadence. Lancé comme une flèche vers une finalité qui le dépassait, il ne pensait plus qu'à accélérer le rythme. Plus vite, plus fort, plus longtemps. Les peaux colorées pouvaient se targuer de dominer le monde, le plus fort d'entre eux, a arme égale, n'aurait pu rivaliser avec ce qu'il se faisait de mieux chez eux. Une réflexion qui prit sens lorsqu'il percuta l'un de ses semblables de plein fouet. Ils retombèrent tout deux sur le sol sale et détrempé. Prêt à reprendre sa marche en avant, il fut retenu dans son élan par une main ferme, agrippée beaucoup trop fortement sur son avant-bras.

— Doucement... doucement. Tu viens de renverser mon frère, l'ami.

Il les reconnu de suite. Quatre gaillard qui passaient leur temps, depuis peu, à vider les maigres poches des habitants de la cité. Jamais par violence –entre Blanchâtre, c’était strictement interdit- mais par intimidation. Ce qui n’était qu’un moyen de contourner les règles éditées par leur maître à tous. Ostrük hésita une seconde, puis se décida à assumer une possible sanction. Vu l’importance de ce qu’il venait apporter, il supposa qu’une petite entorse au règlement pouvait s’envisager. Il n’avait pas de temps à perdre avec ce genre d’individu. En tirant son bras vers le bas, il fit basculer l’individu tout en relevant son genou en direction de sa mâchoire. Il sentit l’une de ses incisives démesurées, caractéristique propre à son peuple, comme cette peau livide et ses traits tirés, se fendre sous l’impact. Les trois autres blanchâtre présent se ruèrent vers lui, pour finir comme leur camarade d’infortune, mêlant leur sang impur à l’eau de pluie qui continuait de ruisseler sur les pavés de la cité. Décidément, s’entraîner avec cet homme n’avait pas que des désavantages. Au fils des mois et des années, il poussa son corps et ses capacités physique toujours plus en avant.

Lorsqu’il arriva au porte du château, il s’accorda quelques minutes pour reprendre son souffle. Déjà détrempé, il ne pouvait se permettre de se présenter devant son maître le souffle coupé. Ostrük avait posé les pieds il y a presque dix ans dans cette cité en ruine. Un endroit abandonné par les hommes, reclus dans les montagnes au fin fond du continent. Un endroit lugubre, inhospitalier, mais qui devint, au fils du temps, la première cité ou prospérait ceux de son espèce. Un endroit ou être un blanchâtre ne signifiait pas d’éviter constamment de finir sur un bucher, ou, au mieux, d’être chassé et méprisé comme un nuisible. Tout cela, ils ne le devaient qu’au projet d’un homme, un homme qui représentait, à ses yeux, l’équivalent d’un dieu vivant. Comme quoi les peaux colorées pouvaient aussi donner naissance à autre chose qu’a des êtres méprisables. Il poussa la lourde porte de la tour qui surplombait le château. Après avoir escaladé une volée de marche quatre à quatre, il s’agenouilla, visage vers le sol.

— Relève toi donc, mon garçon. Quelqu’un comme toi ne devrait poser le genou à terre que pour prier un dieu, un vrai. Et puisqu’ils sont absent, tu ferais tout aussi bien de rester debout.

Ostrük obtempéra, et se releva tout en s’autorisant à laisser son regard pénétrer celui de son maître. Ce qui ne manqua pas de le mettre légèrement mal à l’aise. En plus de celui à qui il devait tout, se trouvait dans la pièce, comme bien trop souvent à son goût, les deux gamins colorés. Si la fille paraissait toujours absente, comme déconnectée, le gamin, lui, lui glaçait le sang avec son regard de tueur. C’était comme si, en le fixant trop longtemps, il sentait sa température baisser, son rythme cardiaque s’accélérer et le bout de ses membres s’engourdir. Un étrange duo auquel il avait du mal à s’habituer.

— Je… Je me suis permis de venir jusqu’ici le plus rapidement possible, et cela sans vous prévenir de mon arrivée. Ce que je viens d'apprendre ne pouvait pas attendre.

L’homme sourit et s’approcha. Il passa une main affectueuse sur le visage du Blanchâtre. Comme un homme caressant un chien de race, prenant soin de son poil et de sa vigueur. Son aura ne manqua pas de le faire légèrement vaciller, comme s’il venait de boire quelques verres de Geordin de trop. Lorsqu’il se recula légèrement, Ostrük respira enfin, et retrouva un rythme cardiaque plus ou moins stable. Cet homme avait quelque chose dans le regard, malgré son âge avancé, qui ne cessait de placer automatiquement son corps sur la défensive, tendant ses muscles, aiguisant ses réflexes. A chaque fois que ses yeux de chat brillaient pour enjoliver un visage ridé mais qui avait conservé toute sa grâce d’autrefois, son invité ne pouvait s’empêcher de retenir son souffle.

— Je t’écoute, annonça-t-il de sa voix suave.

Le blanchâtre s’autorisa un sourire discret. Il ne connaissait pas bien le passé de son maître, mais suffisamment cependant pour être sûr de l’effet qu’allait plus que probablement provoquer l’information qu’il venait lui livrer.

— Salak Maelys est mort.

Dans un premier temps, le vieil homme ne cilla pas. Son regard se durcit, et il s’absorba dans ses pensées. Aucun son ne vint perturber le silence glacial qui s’installa dans la pièce, il semblait même avoir arrêter de respirer. Seul le garçon au regard de tueur, derrière lui, releva la tête pour afficher un rictus dérangeant, indescriptible. Ostrük commença à se demander s’il avait bien tout compris au rapport de force qui unissait ses deux hommes. Annoncé la mort du souverain de Libéria, tout sourire, serait-il son dernier faits d’arme ?

— Pourrais-tu, mon garçon, me répéter ce que tu viens de dire, lui demanda-t-il tout en le fixant intensément, comme pour sonder la véracité de ses propos.

— Je… Salak Maelys est décédé il y a quelques jours. Je pensais que cette nouvelle pourrait vous intéresser. Je… suis sincèrement désolé !

Ostrük venait de s’aplatir encore une fois face contre le sol. Il ne savait pas de quoi il s’excusait, ne comprenait pas ce qui lui avait échappé dans la haine que semblait vouer son maître au souverain de Libéria. Lorsqu’il releva légèrement la tête, il aperçut le vieil homme trembloter. Les tremblements se changèrent en convulsion nerveuse, et l’homme explosa littéralement d’un rire démoniaque qui resterait gravé dans sa mémoire jusqu’à sa mort. Le blanchâtre ne savait plus quelle attitude adopter. Lorsque son maître reprit ses esprits, il se pencha sur lui et le caressa de nouveau comme un animal de compagnie qui venait de réussir un tour.

— Tu es décidément plein de surprise. Je ne me suis pas trompé, lorsque je t’ai recueilli. Je bénis la grande roue du temps de t’avoir placé sur ma route.

— Mon existence vous est consacrée, maître, répondit-il respectueusement.

— Ton existence t’appartient, le contredit il le plus sérieusement du monde. Cela dit, si ton désir est de me servir, j’ai quelque chose à te proposer qui pourrait bien faire de nous des acteurs majeurs de notre siècle. Le rideau de fer que représentait l’existence même de ce sale gamin prétentieux est tombée plus tôt que prévu. Libre à nous, désormais, de faire danser les dieux, mon garçon…

Chocobo_3
Niveau 15
04 novembre 2021 à 15:49:16

I.

Le soleil déclinait lentement dans le ciel, rendant la température infernale de cette fin de journée d’été plus ou moins supportable. Sur les plaines brulées par un soleil de plomb, une charrette de marchandise conduite par un drôle de personnage avançait tant bien que mal, tressautant sur les aspérités de la grande route menant à l’entrée principale de Libéria, capitale du pays de Lella. L’homme qui tenait les rênes, vouté sur lui-même pour paraitre moins grand, était accompagné d’un jeune garçon a l’allure angélique. A l’approche de la grande porte, deux soldats en armure leur intimèrent de décliner leur identité et d’énoncer clairement la raison de leur venue. Malgré le ton ferme et presque agressif, l’attitude, elle, trahissait un certain désintérêt. Collé la pour quelques heures encore, les deux gardes n’attendaient que l’occasion de rentrer chez eux.

— Nous n’sommes que d’pauv paysans, mes seigneurs… Faire le tour d’votre marché, voir si y’a une bonne affaire… regardez donc…

L’homme courbé fouilla dans un gros sac posé derrière lui, dont il sortit une à une tout un tas de babiole dont il expliqua la pseudo utilité. Trainant exprès en longueur, son manège fonctionna comme il l’espérait.

— C’est bon, circulez, et allé donc voir si quelqu’un est intéressé par votre… marchandise. Bonne chance, ironisa l’un des gardes en s’écartant des chevaux.

Le conducteur de la charrette tira sur les rênes, et salua les gardes d’une révérence gauche avec son chapeau de paille, mâchouillant une brindille comme le faisait souvent les hommes des champs. Il ignora sans mal les remarques désobligeantes que son ouïe aiguisée comme une lame de rasoir venait de capter. Pas sûr que cette fois, l’idiot, c’était lui. L’attelage se dirigea lentement vers la grande place, mais bifurqua doucement vers les bas quartiers. Le conducteur se redressa, jeta son chapeau de paille au quatre vent et passa une main rugueuse dans les cheveux de l’enfant présent à ses côtés, qui ne s’en formalisa pas le moins du monde et se contenta de se laisser ébouriffer sous de grand éclat de rire.

— Eh, les deux clandestin, j’pense que vous pouvez sortir de votre cachette de fortune maintenant !

A l’arrière, le tas de foin que transportait la charrette s’ébroua, et deux jeunes gens en sortirent, tout sourire et plein de transpiration.

— Prendre Krastak pour un paysan… faut vraiment pas avoir l’œil, commenta la jeune femme en détachant les épis de blé coincé dans sa chevelure d’encre.

— Je trouve qu’il ferait un excellent pécore, moi. Du genre à ramasser la fiente à longueur de journée.

Le dénommé Krastak, qui venait de descendre de la charrette et d’attacher les chevaux, se dirigea droit vers son interlocuteur, un sourire carnassier pendu sur son visage taillé et longiligne.

— J’ai déjà bouffé des tas de trucs, mais jamais de viande royale, Shô. J’aimerais ne pas céder à la tentation. Faudrait pas m’y pousser, gamin.

Le rouquin farceur leva les bras au ciel en guise de reddition. Il décolla lui aussi les quelques épis de blé qui parcourait sa crinière de feu et jeta un regard empli de mélancolie aux alentours. Dominant la ville, le château surplombait la partie Nord. Les cris et l’agitation de la grande place, à l’Ouest, résonnait jusqu’ici. Et devant lui, au milieu du chaos plus ou moins sous contrôle des bas-fonds, la taverne du loup argenté.

— Ça fait quoi d’être de retour chez soi ? Demanda Krastak sans ironie.

— Ce n’est pas chez moi. Ça ne l’a jamais été. Mais c’est… particulier. Ouais, c’est particulier. Ça le sera moins lorsqu’on aura trinqué !

Le grand gaillard au dents de requin ne pouvait qu’approuver. Le gamin lui avait promis de l’alcool de premier choix, et il comptait bien s’en abreuver jusqu’à plus soif.

— Notre quintet a soif, jeune prince !

Il pénétra dans l’établissement suivit directement de la jeune femme qui ne pouvait s’empêcher de préciser qu’elle aussi, elle comptait bien « se la mettre » ce soir. Le jeune homme a la chevelure de feu se tourna vers le gosse angélique, patientant sagement près de la charrette avec un gros chat qui ne le quittait pas des yeux et semblait avoir fait le voyage jusqu’à Libéria avec eux.

— Bon Vi’, tu viens ? Tu sais que de ce que je me souviens, ils servent un délicieux jus de pomme maison, ici…

Les yeux de l’enfant s’illuminèrent.

— Sérieux ?

— Ouep, vrai de vrai.

Le gamin fit voltiger sa robe de la couleur de son jus de fruit préféré et imita ses compagnons, rentrant joyeusement dans un endroit qui, d’habitude, n’accueillait que des ivrognes, des solitaires ou des marginaux. Ce soir, en plus de sa population habituelle, le Loup Argenté voyait débarquer un quintet pour le moins particulier.

-

L’endroit était bruyant, agité et assez sale. Lieu de rassemblement des laissé pour compte, Shô, malgré son ancien statut, y avait eu ses habitudes. Il s’était toujours sentit plus à l’aise ici, à côtoyer la plèbe, qu’au château, entouré de nobles et de parvenu, envieux, avide, cupide. L’autre avantage qu’offrait les bas-fonds n’était pas négligeable ; son père ne s’y trouvait pas. Après s’être installé à une table au fond de la salle, il héla une serveuse, qui se dirigea vers eux d’une démarche chaloupée, se penchant volontairement en avant pour exposer ce que l’on pouvait considérer, ici, comme un instrument de travail. Elle jeta un regard légèrement réprobateur au gamin, qui ne semblait pas spécialement mal à l’aise. Vizard venait de fêter son huitième printemps, ce qui signifiait qu’à cette heure-ci, il devrait plutôt fréquenter une chambre d’enfant qu’une taverne remplie d’ivrogne. A ses côtés, le gros chat qui les accompagnait semblait regarder la serveuse d’un air étrange, presque pervers. Coiffé d’un chapeau de toile et une musette de cuir lui ceignant la taille, la serveuse cru un instant qu’il allait prendre la parole. Elle finit par les ignorer et reposa son regard sur Shô, Krastak et la jeune femme les accompagnant, qui venait de retirer ses chaussures et de poser ses pieds nus sur la table.

— Je vous écoute, mes lou’, que puis-je faire pour…

— Quoi ? Jamais vu des pieds ?

— Commence pas, Chane, et remets tes bottes, lui demanda Shô en soufflant.

— T’as vu l’endroit ? Tu crois vraiment que ça fait « mauvais genre » ici ?

— Fais pas chier et remets tes bottes ! Tu pue s’est infect, ajouta Krastak en se bouchant le nez.

La jeune femme sauta d’un bond sur la table, renversant les verres vides qui s’y trouvaient encore, et toisa Krastak du regard, l’invitant à venir lui remettre ses bottes de force. Une copie d’une copie d’une scène qu’ils rejouaient tous les deux à longueur de temps. Shô n’en avait que trop l’habitude, mais ce soir, il désirait simplement passer sa soirée à boire, sans se faire remarquer. Ça serait probablement sa dernière soirée remplie d’insouciance, et il ne laisserait rien, pas même ses frères d’armes, lui gâcher le plaisir. Il se leva également, envoya la serveuse leur chercher son meilleur alcool de pomme –sans oublié leur meilleur jus pour le gamin- et intima à ses compagnons, pour une fois, de ne pas se foutre sur la tronche en public jusqu’à provoquer une bagarre générale. Le trajet avait été long, plutôt pénible.

— Vous allez tout deux re poser vos fesses sur ce banc et essayer, pour une fois, de ne pas vous donner en spectacle.

Sans en être conscient, il utilisa le pouvoir de son sang, et ses deux acolytes ralentirent leur mouvement, comme absorber vers le sol. Shô relâcha immédiatement son emprise involontaire.

— Désolé les gars… j’suis crevé. Et j’ai soif.

— Cette… « capacité » m’étonnera toujours, se contenta de remarquer Krastak.

Chane semblait enchantée. Si Krastak n’aimait que moyennement d’être attiré vers le sol par une force mystérieuse lui intimant de plier le genou, la jeune femme, elle, trouvait tout ça pour le moins amusant. Et ne comprenait toujours pas pourquoi Shô refusait obstinément de s’en servir, même en combat. Alors qu’elle allait lui poser une énième fois la question –et que la réponse serait plus que probablement toujours la même- la serveuse revient avec un plateau bien remplit. Alcool de pomme, saucisson, pain, fromage, fruit, de quoi oublier un voyage qui ne fut pas de tout repos. Ils trinquèrent et les verres s’enchainèrent, déliant les langues et les humeurs. Krastak et Chane commencèrent un concours qui semblait consister à s’envoyer le plus d’alcool et de nourriture possible dans le gosier jusqu’à ce que l’un d’entre eux vomisse ses tripes à terre. Shô oublia un instant la raison de sa présence ici, riant à s’en ouvrir le ventre. Quant à Vizard, il sirotait paisiblement son jus tout en discutant avec le gros chat, qui lui répondait par des miaulements que seul l’enfant semblait comprendre. Un tableau idyllique qui ne manqua pas de voler en éclat.

La porte de la taverne s’ouvrit à la volée, claqua sur ses gonds et se referma sur un individu de belle stature, portant l’armure des Chevaliers de Libéria. Une longue cape blanche attachée sur le dos, une crinière noir, grisée comme du charbon glissant sur ses épaules musculeuses, le Capitaine de la garde royale ne manqua pas d’attirer les regards. Le brouhaha de la taverne avait subitement cessé, laissant la place à de rares chuchotement interrogateur. Seul Chane et Krastak continuèrent sur le même ton, entre invective et cris d’animaux. Le nouveau venu se dirigea vers leur tablée d’un pas décidé. Shô se leva, souffla péniblement, et vint lui faire face.

— Comment t’as su ? On vient d’arriver…

Le capitaine de la garde ne daigna pas lui répondre avec des mots. Son bras se délia comme un serpent, son poing fracassant la bouche de son interlocuteur, l’envoyant valdinguer, renversant Krastak, son verre et sa bonne humeur par la même occasion. Le grand gaillard se releva, fixa l’inconnu d’un air rageur, l’œil mauvais, ses dents de requin crissant les unes contre les autres. Krastak lui prenait une bonne tête. Plus grand, plus fou, plus dangereux, et pourtant, il hésita un moment, comme paralysé par son regard de lune, irradiant une confiance et une maitrise de soi bien au-dessus de la moyenne. Ce moment d’hésitation ne dura que quelques secondes, ce qui permit toutefois à Shô de reprendre ses esprits et de calmer le jeu. Un conflit entre ces deux-là ne serait profitable pour personne.

— Doucement, Ka’, doucement… Laisse-moi te présenter mon frère de sang, Zaël. Qui a visiblement pris du galon depuis notre dernière entrevue. Zaël, je te présente Krastak, l’un de mes nouveaux frères d’armes. Ecoute… Je voulais simplement passer une soirée incognito, C’est visiblement très peu réussi, se contenta-t-il de commenter, la moitié de la taverne ne les quittant plus des yeux.

— Quatre ans. Tu t’en va, que dis-je, tu fuis, du jour au lendemain, sans un mot, sans prendre la peine d’envoyer une lettre. Et te revoilà, accompagné de traine savate, à te saouler dans un bar miteux. J’avoue avoir du mal à comprendre.

— On en parle demain ? Demanda le jeune rouquin en se massant la joue.

— Soit. Je t’attends demain, à l’aube, dans mes quartiers.

Il s’en retourna, faisant voltiger sa cape blanche, symbole de son nouveau statut. Avant de quitter la taverne, il jeta un dernier regard a son jeune frère.

— T’as l’air en forme. On dirait presque un homme, sourit-il ironiquement.

VeyIox
Niveau 10
06 novembre 2021 à 12:04:36

Les traits d'eau battaient les pavés en mesure, dirigeant sa course folle à travers la cité. Absorbé par les perspectives que la nouvelle qu'il venait apporter pouvait signifier, l'orage résonnait comme une mélodie agréable, apaisante. Un mélange de fracas et de contrôle qui paraissait bien ironique. Les ruelles, submergées par les forces de la nature, se dégorgeaient péniblement, déversant tout leur surplus dans les avaloirs qui peinaient à maintenir la cadence. Lancé comme une flèche vers une finalité qui le dépassait, il ne pensait plus qu'à accélérer le rythme. Plus vite, plus fort, plus longtemps. Les peaux colorées pouvaient se targuer de dominer le monde, le plus fort d'entre eux, a arme égale, n'aurait pu rivaliser avec ce qu'il se faisait de mieux chez eux. Une réflexion qui prit sens lorsqu'il percuta l'un de ses semblables de plein fouet. Ils retombèrent tout deux sur le sol sale et détrempé. Prêt à reprendre sa marche en avant, il fut retenu dans son élan par une main ferme, agrippée beaucoup trop fortement sur son avant-bras.

Tu retardes trop l'introduction de ce à quoi tu te réfères à mon sens

Première phrase, "sa"' course folle, on sait pas qui, on le saura pas d'ailleurs de tout le paragraphe. ça peut être un choix, mais il faut faire attention à ce que le récit devienne pas confus quand on retarde trop les présentations, comme là ;

Les peaux colorées pouvaient se targuer de dominer le monde, le plus fort d'entre eux, a arme égale, n'aurait pu rivaliser avec ce qu'il se faisait de mieux chez eux.

T'as, en gros, un "le plus fort d'entre eux [...] ne pouvait rivaliser avec eux." On devine que le référent pour les "eux" est différent, mais vu qu'on a une information très limitée pour le premier, et zéro information pour le second, ce qui est dit devient un peu flou, on sait pas tellement de quoi on parle et c'est plus compliqué de rentrer dans le récit.

Pareil après, ton perso principal, dont on ne sait presque rien, se bat contre des "blanchâtres", qui tour à tour sont décrits comme des étrangers -vu qu'ils sont désignés par leur race- ou comme des gens appartenant à son peuple, et vu qu'on sait rien de lui on joue aux devinettes

"Décidément, s’entraîner avec cet homme n’avait pas que des désavantages. Au fils des mois et des années, il poussa son corps et ses capacités physique toujours plus en avant."

J'imagine que tu parles d'un homme absent de la scène, que tu n'as pas introduit
Là encore, ça aide pas beaucoup la clarté + "avait poussé" me semble plus approprié que "poussa" ici, tu parles d'une durée qui précède la scène

Lorsqu’il arriva au porte du château, il s’accorda quelques minutes pour reprendre son souffle. Déjà détrempé, il ne pouvait se permettre de se présenter devant son maître le souffle coupé. Ostrük avait posé les pieds il y a presque dix ans dans cette cité en ruine. Un endroit abandonné par les hommes, reclus dans les montagnes au fin fond du continent. Un endroit lugubre, inhospitalier, mais qui devint, au fils du temps, la première cité ou prospérait ceux de son espèce. Un endroit ou être un blanchâtre ne signifiait pas d’éviter constamment de finir sur un bucher, ou, au mieux, d’être chassé et méprisé comme un nuisible. Tout cela, ils ne le devaient qu’au projet d’un homme, un homme qui représentait, à ses yeux, l’équivalent d’un dieu vivant. Comme quoi les peaux colorées pouvaient aussi donner naissance à autre chose qu’a des êtres méprisables. Il poussa la lourde porte de la tour qui surplombait le château. Après avoir escaladé une volée de marche quatre à quatre, il s’agenouilla, visage vers le sol.

Là je commence à me faire une image
ça se fait de retarder les introductions comme ça pour se focaliser sur quelque chose de très précis au début, mais à mon sens tu devrais limiter les références à des choses dont tu n'as pas encore parlé, plus tu fais ce genre de références, moins c'est clair, c'est tentant pour le côté "foreshadowing" mais avec modération

— Relève toi donc, mon garçon. Quelqu’un comme toi ne devrait poser le genou à terre que pour prier un dieu, un vrai. Et puisqu’ils sont absent, tu ferais tout aussi bien de rester debout.

Pas mal

L’homme sourit et s’approcha. Il passa une main affectueuse sur le visage du Blanchâtre.

Même problème que plus haut, j'ai du mal à situer qui est qui quand tu dis ça
Quand deux personnages interagissent et que t'en désignes un par sa race, ça suppose un peu que l'autre n'en fait pas partie
Pourtant comme avec les autres types dans la rue, j'avais cru comprendre qu'ils étaient de la même

Niveau langue c'est correct, il te reste pas mal de fautes d'accord, de liaison etc mais c'est déjà assez propre pour ne pas gêner la lecture

Je lirai la suite plus tard

Chocobo_3
Niveau 15
06 novembre 2021 à 17:48:32

Merci pour le retour !

En effet certaines choses peuvent paraitre pas très claire. D'ailleurs j'ai hésité a commencer directement par le premier chapitre sans faire de prologue. Le perso principal est un "blanchâtre" comme les autres hommes dans la rue. Par contre le vieil homme dans la tour est un humain "normal", donc une "peau colorée". Mais à la base de la base, dans la première version, ce n'était pas le cas. Ce qui peux expliquer la confusion j'imagine :)

J'ai écrit quelques chapitres et certaines choses se sont définies clairement un peu sur le tard on va dire :oui:

ViceeJoker
Niveau 9
07 novembre 2021 à 16:39:29

Il y a du progrès, mon bon Choco.
C'est bien que tu continues, c'est de plus en plus propre.
J'aime bien le passage quand le mec pue des pieds, peut-être que tu devrais imaginer un arc narratif ou le personnage en question évoque ses efforts pour se débarrasser de cette mauvaise odeur, mais que ça empire, et que ça devienne irrespirable pour tout le monde.
Ou un spin-off, carrément :oui:

Chocobo_3
Niveau 15
07 novembre 2021 à 20:22:07

Je sais que nous sommes en 2021, le progrès tout ca... mais jusqu'à preuve du contraire, Chane est une femme :oui:

Chocobo_3
Niveau 15
09 novembre 2021 à 20:01:19

II.

Shô pénétra les appartements de son frère sans prendre la peine de se faire annoncer. Sa tête semblait peser une tonne, sa bouche était sèche et pâteuse. Il n’avait pas beaucoup dormi, mais surtout, beaucoup trop bu hier soir. Il frappa sur la porte puis pénétra les lieux sans attendre qu’on l’invite à le faire. Le salon était luxueux, une odeur d’encens trainait dans l’air et il aperçut Zaël qui parcourait de vieux manuscrit, calé confortablement dans une chaise magnifique. Ses années d’errance à travers le continent l’avaient éloigné du luxe et du confort qu’offrait la capitale, et même si la vue de toute cette opulence ne le laissait pas de marbre, il n’en montra rien. Après tout, c’était en partie pour ça qu’il était parti. Jamais, ici, il ne s’était sentit à sa place. Partit de la capitale quatre années auparavant, Libéria ne lui avait pas manqué. L’annonce de la mort de leur père ne lui fit que peu d’effet. Shô n’avait que peu d’intérêt pour la vie ou la mort de Salak Maelys, héritier de la dynastie royale, souverain de Libéria et vénéré par beaucoup comme un dieu vivant. Les secrets qu’il avait plus que probablement emporté avec lui, par contre, l’intéressait beaucoup plus.

— T’as une sale tête.

Zaël se leva, déposa sa paperasse et se dirigea vers la pièce du fond. Il en revint avec une grande carafe d’eau, qu’il tendit à son jeune frère d’un air impassible. Celui-ci grogna en acceptant le présent, et l’eau fraiche contribua à lui rendre les idées un peu plus claires.

— Pourquoi ? Lui demanda Zaël de manière abrupte, sans prendre la peine de préciser la nature de son interrogation.

— Pourquoi maintenant, tu veux dire ?

D’un geste impatient de la main, son grand frère lui répondit silencieusement par l’affirmative, l’intimant de répondre à la question.

— Et bien, parce qu’il n’est plus là, dans un premier temps, j’imagine. J’ai toujours détesté cet homme, et sa mort n’y a rien changé.

— Surveille tes paroles, le coupa Zaël. Cet homme, en plus d’être ton père, est l’homme le plus important de ces dernières décennies. Un homme qui a repris la cité aux mains des imposteurs, qui a imposé une paix durable et une prospérité inespérée. Montre un peu de respect, c’est le minimum.

Shô se retint de cracher à terre. Montrer du respect ? Non, quoi qu’en pense son frère, et dusse-t-il finir au cachot, jamais, au grand jamais, il ne consentirait à respecter un homme qui avait utilisé ses enfants comme des expériences, qui, froid et calculateur, se moquait des émotions humaines et avait même finit par jouer avec la vie elle-même, avec l’humanité des Hommes.

— Je ne suis pas revenu pour faire preuve de respect envers les morts, Zaël, et tu ne m’y forceras pas.

L’attitude du jeune rouquin avait changé. Son frère se leva, le toisa de son regard perçant. L’atmosphère, dans la pièce, serait devenu irrespirable pour quiconque s’y serait trouvé. Les deux premiers fils de Salak Maelys, aux visions du monde, de la royauté, mais surtout de leur père bien différente, se faisait face. Zaël dominait la pièce, ses yeux d’un bleu froid et perçant se fondant dans ceux noisette de son frère, qui avait laissé tomber son comportement désinvolte. La tension était à son paroxysme, Shô craignait d’être allé trop loin. A sa grande surprise, son frère, désormais l’une des figures les plus importante de tout le pays, éclata d’un rire sincère, le prenant au dépourvu.

— Nous avons des visions de notre père bien différente. Mais tu restes mon frère, et je suis heureux de te revoir ici, sourit-il en reprenant place sur son fauteuil, que puis-je faire pour toi ?

— Je ne resterais pas longtemps. Ce n’est qu’une étape, je descends vers le Sud. Enfin, si tu ne m’enferme pas dans un cachot, bien sûr. Je suis venu pour trouver des réponses. Maintenant que père n’est plus, peut-être à tu eu accès aux informations qu’il nous cachait ? Quelque chose sur l’île, sur les Autres, sur les Blanchâtre ?

Zaël soupira. Salak Maelys avait régné sur Libéria d’une main de fer, ne laissant s’échapper que des bribes d’informations sur ses agissements et son passé. Libéré de l’autorité sans partage qu’exerçait son père sur la capitale, il avait désormais accès aux archives et aux documents classifié. Mais tout était mélangé, codé, comme pour s’assurer que même après sa mort, percer ses secrets ne serait point chose aisée. Le manuscrit qu’il venait de déposer décrivait le retour d’exil de son père, quarante ans plus tôt, et comment il avait réussi à mettre Miri Naz Rhur, ennemi juré de Libéria et de la lignée des Maelys, en déroute. Dans la plupart des écrits relaté par Salak lui-même, revenait toujours cette obsession de ne pas avoir su lui ôter la vie. Trier et déchiffrer les tonnes de manuscrit consigné lui prendrait des semaines, voire des mois si pas des années. Il en avait déjà parcouru une première fois des dizaines, mais rien, à sa connaissance, ne concernait, de près ou de loin, ce qui semblait intéressé son frère. Tout juste des semblant de regret concernant ses expériences sur le pouvoir de l’anneau, relique sacrée des Maelys a l’origine de l’apparition des Blanchâtre. Quelques allusions à leur enfance et au projet des « enfants rois », en somme, rien de bien extraordinaire, et surtout, rien sur ses motivations ou sur ce qu’il s’était passé sur l’île ou, bon gré mal gré, ils avaient passé leur enfance.

— Malheureusement, rien que tu ne sache déjà. Cela dit, je ne doute pas que je finirais pas trouver des réponses a pas mal de tes interrogations. Ça prendra juste du temps.

Shô sourit, nerveusement. Le pragmatisme de son frère l’irritait toujours au plus haut point, les années passées loin de lui ne semblaient pas avoir atténué cette frustration.

— Mes interrogations ? Cela signifie-t-il que toi, tu ne t’en pose toujours pas, des questions ? Qui était notre père, qu’a-t-il fait exactement, et pourquoi ?

— Je suis intéressé par les réponses à ces questions, c’est vrai. Je serais même content de pouvoir les trouver… mais ce n’est pas une priorité pour moi, ça ne l’a jamais été. Faire vivre l’héritage de notre père, protéger la capitale, notre monde et notre mode de vie. C’est ça, être adulte, Shô.

Le jeune rouquin allait répliquer lorsqu’il entendit quelqu’un se manifester derrière la porte. L’un des soldats de la garde qui s’annonçait. Sans attendre d’y être invité, il pénétra les appartements de son supérieur, légèrement surpris par cette intrusion inopinée. Que son jeune frère se permette de pénétrer ses quartiers sans son aval, passe encore, mais un garde ?

— Mon…Monsieur pardonnera mon intrusion ! Nous avons un problème… ce sont… ces gens qui sont arrivé hier. Ils ont envoyé au tapis près d’une garnison complète, nous ne savons plus quoi faire. Vu leur proximité avec votre jeune frère, nous n’osons pas mettre leur vie en danger, mais la situation n’est plus tenable !

Shô se prit la tête entre les mains. Inutile de se demander bien longtemps de qui voulait parler cet homme. Il jeta un regard vers Zaël. Tout dépendrait de lui. Il n’était plus vraiment chez lui, à Libéria. Il avait fui, laissant derrière lui son statut, ses privilèges, et même son nom.

— Ou sont-ils ?

— Retranché entre les cachots et les oubliettes, monsieur.

— Je m’en occupe, vous pouvez disposer.

Le garde s’exécuta, trop content d’avoir la permission officielle de s’éclipser et de ne pas s’occuper de cette histoire. Shô n’espérait qu’une chose, que son frère se montre magnanime et que les deux idiots qu’il portait dans son cœur n’avaient pas dépassé les limites de l’acceptable.

— Suis moi, lui lança Zaël en sortant de ses appartements, et prie pour qu’ils n’aient tués personne. Si c’est le cas, je les éliminerais moi-même.

Les quartiers privés étant situé à l’exact opposé des cachots, les deux frères traversèrent le château de long en large pour s’y rendre. Les effets de l’alcool ingurgité hier soir n’étant pas encore tout à fait dissipé, Shô effectuait cette traversée comme dans un rêve. Il était revenu quatre ans en arrière. Il passa devant sa chambre. A qui avait-on bien pu l’attribuer ? Ils dépassèrent la salle de réunion, et un moment, il crut ressentir l’aura de son père, intransigeante, inflexible. Mais Salak Maelys avait définitivement passé l’arme à gauche. Une bonne chose, de son point de vue. A tort ou à raison, il n’avait pu percevoir chez lui que ses cotés sombres. Sa rigidité, sa distance. Ses excès de colère, aussi. Alors qu’il se perdait tout doucement dans un souvenir éveillé, une voix qu’il ne connaissait que trop bien vint le reconnecter à la réalité. Rauque, puissante, déterminée. Quelques étages plus bas, Krastak signifiait à qui voulait l’entendre que tenter de l’approcher de plus près serait une très mauvaise idée.

— Il est un peu borderline quand il est comme ça, cru-t-il bon de préciser.

— Il va vite se calmer. Une fois la situation sous contrôle, et uniquement en mémoire de ce que nous avons vécu tous les deux, je vous laisserais tous partir. Je te conseil, en cas de non-recevoir de leur part, de leur expliquer leur intérêt, lui signifia Zaël avant de descendre les escaliers menant à l’étage inférieur.

Le capitaine de la garnison –ou plutôt de ce qu’il en restait- qu’on avait envoyé tenter de gérer le problème ne put masquer son soulagement lorsqu’il aperçut le chef des armée de Libéria. Certains de ses hommes se tordaient de douleur, d’autre, inconscient, gisait au sol la bouche ouverte.

— Expliquez-moi.

— Nous sommes tombés par hasard sur cette femme, Chane Laforest, qui est recherchée pour toute une série de vol et de pillage dans la capitale depuis des années. Nous l’avons donc interpellé, non sans mal. C’est après que les choses se sont… eh bien… compliquée.

— Je vois, se contenta de lui signifier son supérieur.

En face de lui, retranché dans l’une des cellules du fond, Krastak faisait danser son épée d’une main à l’autre. Chane, munie d’un lance-pierre amélioré, faisait pleuvoir une avalanche de plomb sur quiconque passait la tête au-delà de la coudée du couloir. Zaël s’avança, esquiva un plomb qui fila s’encastrer dans le mur de pierre d’un réflexe de tête purement conditionné et se retourna vers ses hommes.

— Laissez les partir.

— Mais… Monsieur, je…

— C’est un ordre.

A contre cœur, le capitaine s’exécuta, demandant à ses hommes de reculer. Laisser partir ses deux la ressemblait à une hérésie, mais les ordres donnés par ce qu’était devenu Zaël Maelys ne se discutait pas. En voyant ses opposants déposer les armes, visiblement contrarié, Krastak ne put s’empêcher de partir d’une remarque pour le moins dispensable.

— Oh… on dirait un chat qui chie dans sa caisse… C’est donc ça les…

Il ne put finir sa phrase et s’écrasa lourdement sur le sol froid et humide des cellules. L’air irradiait d’une énergie étrange, et même le capitaine de la garde, qui avait pourtant observé et même subit ce pouvoir plusieurs fois et qui n’en était cette fois pas la cible, ne put rester insensible à la pression ambiante. Chane, sans être ciblée personnellement, avait de plus en plus de mal à respirer, regardant impuissante le chef des armées de Libéria se diriger calmement vers Krastak, cloué au sol et qui luttait pour ne pas se fondre avec la pierre. Shô, qui assistait à la scène sans mot dire, ne put que constater la maitrise qu’affichait désormais son frère. Lorsqu’il avait quitté Libéria, Zaël n’était, comme lui, qu’un simple soldat prometteur. Capable d’utiliser le pouvoir de commandement plus ou moins consciemment et de manière plus ou moins ciblée. Lorsqu’il arriva à hauteur de l’impertinent, il s’accroupit pour se mettre à sa hauteur.

— Tu vas repartir de Libéria avec tes deux bras et tes deux jambes. Et tu ne dois cela qu’à l’affection que je porte à mon petit frère, qui à sembler bon de s’entourer de traine savate dans ton genre, lui sourit-il ironiquement. Si tu t’avise encore de proférer la moindre remarque concernant mes hommes, je devrais revoir mon jugement. As-tu bien compris ce que je viens de te dire ?

— C’est… bon. J’ai… compris.

— Bien. C’est très bien.

Zaël fit volte-face, relâcha son emprise et revint vers son frère. Si son intervention avait eu le mérite de calmer tout ce petit monde, il ne pouvait se permettre de garder en ville plus longtemps de tels énergumènes.

— Malgré tes actes passés, tu seras toujours le bienvenu à Libéria. Les deux forcenés, par contre, je ne veux plus les voir.

Il hésita un moment et ajouta.

— C’est pour ca que t’es revenu ? Voir si j’avais des informations et mettre la pagaille au château, Shô ?

Son jeune frère sourit, maintint son regard d’un air malicieux, puis intima a Krastak et a Chane de l’attendre un peu plus loin.

—J’espère en effet que tu seras à même, bientôt, de me fournir des informations sur notre père, sur les blanchâtre ou sur le projet des enfants rois. En attendant, j’étais passé par Libéria pour t’informer d’une de mes découvertes, grand frère.

Il marqua un temps d’arrêt, et repris d’une voix étrangement silencieuse.

— Je les ai retrouvés…

Chocobo_3
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11 novembre 2021 à 16:44:18

III.

Sillonnant le pays de Lella pour se diriger vers le Sud, la roulotte de fortune qui leur servait de moyen de locomotion quitta doucement les plaines pour un environnement plus boisé. La forêt qu’ils traversaient marquait la frontière avec Zeres, deuxième grande nation du continent principal. Longtemps reléguée a un rôle de faire valoir et bien loin de sa période de gloire, sa capitale ne cessait de croitre depuis quelques années. Dans un passé pas si lointain, avant le règne des Maelys, la grande Zeres dirigeait l’entièreté du continent principal d’une main de fer. Puissance économique, force de frappe militaire, artisanat unique au monde, rien n’avait pu laisser présager d’un retournement des rapports de force aussi brutal. L’avènement, il y a plus de deux siècle, d’Anathor Maelys, dit l’autoritaire, changea la donne. Libéria, grâce notamment au pouvoir de l’anneau de commandement, artefact de la nouvelle lignée royale, entendit petit à petit sa domination sur les pays voisins. Même la grande Zeres ne put résister, et vit son influence décliner au fil des décennies. Si les conflits armés généralisé furent évités de justesse, il n’en restait pas moins, dans la bouche des dirigeants de Zeres, comme un gout de défaite amer, inattendu.

— On est vraiment obligé de passer par la ?

Chane se comportait de manière étrange depuis qu’ils avaient quitté les plaines. Sur ses gardes, elle jetait des coup d’œil inquiet aux alentours, scrutant les bois qui absorbait la lumière du soleil déclinant comme si un démon ou un blanchâtre pouvait en surgir à tout moment.

— A moins de faire un détour pour le moins contraignant, ouais, lui répondit Shô en adressant un regard interrogateur a ses compagnons de route.

— Ohhh, t’as peur du grand méchant loup ?

Krastak imita une jeune fille en détresse, criant à s’en vider les poumons et gesticulant pour échapper à un monstre imaginaire.

— Ta gueule !

L’intonation étrange, légèrement étranglée, dans sa voix le fit de suite s’arrêter. Krastak et Chane avait pour habitude de sans cesse se chercher faussement des noises, se battant, s’invectivant, se sabordant pour un oui ou pour un non. Ici, le ton de sa voix, la peur mêlée de colère dans son regard, ses légers tremblements, rien de tout ça ne ressemblait à la femme qu’il aimait détester. Ou qu’il détestait aimer, parfois.

— Un problème avec cet endroit en particulier ?

Elle hésita un moment avant de répondre.

— Non, aucun.

Ils n’insistèrent pas, et la charrette continua sa route à travers la forêt, suivant le chemin qui serpentait à travers les arbres centenaires qui les dominait de leur grandeur et de leur sagesse. Après une bonne heure de route, ils n’y voyaient presque plus rien, et même avancer au pas se relevait de plus en plus difficile.

— On s’arrête là. Vizard va m’aider à monter le camp, j’vous laisse vous occuper du bois et, qui sait, si vous parvenez à prendre de quoi manger… surtout ne vous gênés pas, lança Shô à l’adresse de Krastak, qui partit avec Chane s’enfoncer dans la noirceur de la forêt.

Bientôt, un feu de fortune vint doucement disputer l’espace a la nuit noire. Autour de celui-ci, Krastak et Shô terminait les bouteilles d’alcool qu’ils avaient discrètement emporté de Libéria. Vizard vidait un lapin de ses tripes avant de le passer sur le feu, et le gros chat qui ne le lâchait pas d’une semelle salivait à l’idée, peut-être, de pouvoir y gouter. Chane, quant à elle, était toujours étrangement silencieuse.

— Dommage qu’on ne soit pas resté un peu plus longtemps à Libéria… pas que le camping me dérange, mais faut dire que la capitale, c’est autre chose, déclara Krastak tout en semblant oublié la raison de la courte durée de leur séjour dans la ville lumière.

— On est pas resté plus longtemps parce que deux imbéciles n’ont pu s’empêcher de faire leur petit numéro, crut bon de lui rappeler Shô. T’as déjà de la chance d’être en un seul morceau…

Le grand gaillard cracha par terre. Il mettrait un moment avant de se remettre de l’affront subit à l’entrée des cachots. Des affrontements, surtout entre guerrier digne de ce nom, ça se gagne, ça se perds. Cependant, au grand jamais il n’avait subi une telle humiliation.

— Sacré personnage, ton frère…

Le jeune rouquin acquiesça en silence.

— D’ailleurs, t’avais l’air plus retourné par le fait de retrouver ton frère que par la mort de ton père, continua-t-il.

— On choisit pas sa famille, Ka.

— C’est vrai. Tu sais pour moi, la famille, c’est quelque chose d’un peu abstrait. Tu nous avais dit que tu avais un frère, mais tu t’étais bien gardé de nous dire que c’était le capitaine des armées en personne.

— Il ne l’était pas la dernière fois que je l’ai vu. Ça change quelque chose, que mon frère soit devenu ce qu’il est aujourd’hui ?

Le grand gaillard aux dents de requin sembla s’absorber dans une profonde réflexion.

— Non, absolument rien, j’imagine, finit-il par répondre en terminant la dernière bouteille.

Shô porta son regard sur ses deux autres compagnons de route pour les sonder. Chane balaya la question d’un geste de la main, peu lui importait quelle fonction pouvait bien occuper le beau brun ténébreux qui les avait littéralement cloués au sol. Vizard, quant à lui, se contenta de lui adresser son plus beau sourire. Le gamin ne semblait avoir aucune exigence, aucune volonté propre. Avoir croisé leur chemin, faire partie du groupe, de cette famille de substitution, voilà quelle était sa première et sa seule préoccupation. Ce que Shô pouvait garder pour lui ne l’intéressait pas le moins du monde. Du moins le pensait-il sincèrement à ce moment précis.

— Y’a une sorte de règle implicite, entre nous, commença Chane qui sortit de son mutisme. Chacun raconte ce qu’il veut, nos vies d’avant n’ont pas beaucoup d’importance. C’est le cas de chacun d’entre nous, pourtant, j’ai l’impression que ça va devenir de plus en plus compliqué avec toi, gamin, sourit-elle en acceptant avec plaisir le morceau de lapin que lui tendait Vizard.

Le jeune rouquin sourit à son tour. A ce qu’il en savait, la boule de nerf qu’il avait devant les yeux n’avait pas plus de quelques années de plus que lui. Ça faisait un moment qu’elle ne l’avait plus appeler comme ça. Il se perdit un moment dans ses propres pensées, revenant à une époque où c’en était un, de gamin. Il chassa la nostalgie mêlée d’amertume et de frustration et revint dans le présent aussi vite qu’il n’en était parti. Quatre ans qu’il avait quitté la capitale, laissant derrière lui son mode de vie, son frère, et surtout un père qui le terrifiait tant. Quatre années passées à voyager dans un but bien précis. N’ayant aucun indice, aucune piste lui permettant de s’orienter, il se contenta de suivre le vent, convaincu qu’un jour, ils les retrouveraient. Si son aventure avait commencé en solitaire, de drôle de personnage vinrent se greffer à son histoire au fil du temps. Krastak et Chane, qu’il rencontra au détour d’une soirée pour le moins animée dans une petite ville connue pour sa vie nocturne, finirent par ne plus le lâcher, intrigué par cet étrange pouvoir qui consistait, semblait-il, a cloué au sol n’importe quel colosse de par sa seule volonté. Lorsqu’il quitta la ville, ils insistèrent pour l’accompagner.

Le trio, ayant l’art de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment et multipliant les altercations avec tout un tas de personne très peu recommandable, finit par rencontrer un enfant blond comme le blé, l’air absent, qu’on prostituait dans des taudis pour quelques pièces ou un peu de marchandise. Une histoire sordide, bien qu’ordinaire. Le « bienfaiteur » de l’enfant finit les yeux crever, la gorge ouverte en deux. Krastak, qui paraissait pourtant plus ou moins insensible à toute la misère du monde qu’il pouvait croiser, déclara qu’on ne pouvait se permettre certaines choses, et que violer une femme était une chose, prostituer un enfant en était une autre. S’en suivit un affrontement entre le grand gaillard et la jeune femme a l’air provoquante. Un affrontement que Shô interrompit avec le pouvoir qui coulait dans ses veines, renforçant l’attrait qu’avait ces deux énergumènes pour cette curiosité de la nature. Ils se retrouvèrent donc avec un gosse délivré de son oppresseur. Seul, presque muet et qui ne connaissait ni son nom ni son âge. Qu’à cela ne tienne. Krastak lui donna un nom, Chane un âge, et Shô une raison d’exister. Un gros chat roux qui ne quittait pas le gamin d’une semelle se mêla à l’aventure, et le quintet prit forme. Sillonnant les routes du continent, suivant Shô sans trop savoir pourquoi. Quatre ans plus tard, autour de ce feu de camp de fortune, il était peut-être temps de leur en dire un peu plus.

— On peut commencer par ce que, je pense, vous savez déjà. Mon père était Salak Maelys. Bien que son image soit à mon gout tout à fait imparfaite, tous les citoyens de Lella sont au courant de son histoire dans les grandes lignes. Je suis donc, bien malgré moi, de sang royal. Dans mes veines coule le sang des Maelys, et j’ai hérité, comme tous les autres, du pouvoir de commandement qui vous fascine tant tous les deux.

— Comme tous les autres ? Interrogea Chane.

— Comme tous les enfants de Salak Maelys, compléta-t-il avec un sourire mélancolique
.
Krastak sembla réfléchir, hésita un instant puis prit la parole.

— Salak Maelys a eu trois enfants. Une fille qui tomba gravement malade et finit par mourir en bas âge, et deux fils. C’est du moins ce que l’on raconte. Arrête-moi si je me trompe, mais j’ai l’impression que ce n’est pas ce que tu entends par tous les autres.

— Luna n’est jamais tombé malade. Je fais partie des deux fils que l’histoire officiel a retenu. L’autre, vous l’avez rencontré à la capitale.

Krastak fit la moue. En effet, il n’était pas prêt de l’oublier.

— Salak Maelys a eu quatre autres enfants, continua-t-il. Lucil, Lock, Sarah et Aymar. Avant d’être séparé, ils étaient tous en pleine forme, du moins si on peut définir ça de cette façon. Je suis persuadé qu’ils sont toujours en vie. Mon frère, lui, est persuadé du contraire. Voilà pourquoi j’ai quitté Libéria il y a quatre ans.

— Tu cherches donc à les retrouver, ça j’ai bien compris. Ce qui n’explique pas pourquoi toi et ton frère avez des points de vues si différent sur ce qui a pu leur arriver. Ni pourquoi personne n’a jamais entendu parler d’eux.

Shô s’allongea, tentant de capter la lueur des étoiles à travers les feuillages des arbres qui les surplombaient. Pendant un instant, ceux-ci s’effacèrent, et il retomba une dizaine d’année en arrière. Moins d’arbre, plus de sable. Les nuits étaient froides, les journées caniculaires.

— Le premier enfants de Salak Maelys a été déclaré mort quelques années après sa naissance, succombant à la maladie. Quant à moi et mon frère, le grand public n’a appris notre existence que lorsque nous sommes revenus sur le continent. Nous avons tous deux été caché trois années durant, avant d’être envoyé… Là-bas. D’autres enfants nous ont rejoints, toujours plus ou moins au même âge. Une fois qu’ils commençaient à parler correctement. Malgré l’entrainement intensif et les conditions, c’étaient les meilleures années de ma vie. Puis tout a volé en éclat. Zaël les croit mort, moi je suis persuadé qu’ils sont encore en vie, comme nous, quelque part. Je finirais par tous les retrouver.

Chane et Krastak échangèrent un regard perplexe. Même Vizard changea d’expression.

— J’ai… absolument rien biter à ce que tu racontes.

— C’est normal, j’imagine.

— Donc le Roi a caché ses propres enfants, les a amenés je sais pas où, faire je sais pas quoi, puis est arrivé quelque chose, qui a fait que vous avez été séparé… et ensuite toi et ton frère, vous êtes réapparu comme si de rien n’était, et personne n’a trouvé à y redire ?

Shô se laissa aller à rire de bon cœur. Comme si quelqu’un avait la force ou même l’envie –l’inconscience serait un terme plus approprié- de contrarier Salak Maelys.

— C’est exactement ça, ouais. On en reparlera demain, si vous y tenez. La je vais essayer de dormir. Tu ferais bien de faire pareil. On a pas mal de route à faire demain, et de toute facon, y’a plus d’alcool.

Krastak porta son attention sur les bouteilles qu’ils avaient ramené de Libéria. En effet, ils avaient tout descendu. Restait donc à dormir. Il serait toujours temps de demander plus de précision sur le foutoir que semblait être le passé de son compagnon de route le jour d’après. Vizard et Chane prirent place, comme à leur habitude, à l’intérieur de la roulotte. Lui s’allongea près du feu, et finit par s’endormir.

Chocobo_3
Niveau 15
15 novembre 2021 à 20:53:57

IV.

Les rues de la capitale grouillaient de monde, transformant Libéria en une fourmilière géante. Le vingtième jour du premier mois d'été, les citoyens célébraient la reprise de Libéria par les Maelys. Les artisans et les badauds se pressaient aux portes de la ville, venant des quatre coins du continent pour célébrer le jour ou Salak Maelys, alors âgé d’à peine 18 ans, marchait sur la cité pour renverser son ennemi juré. L'affrontement entre le jeune prince et ses alliés, opposé à Miri Naz Rhur, l'usurpateur, donna naissance à tout un tas de légende et d'exagération. Ce qui tenait du conte ou de la réalité se mêla au fils du temps pour être difficilement discernable. Le résultat de cette confrontation, par contre, ne souffrait d'aucune contestation, peu importe la source de référence ; la fuite du traître, l'exécution ou le bannissement des complices, et le retour sur le trône de l'enfant déchu. Parcourant la ville comme une anguille, le nouveau souverain de Libéria -qui se refusait catégoriquement à être considéré comme tel- se dirigeait vers la tour du Loup, là où se tenait les conseils extraordinaires de la cité. Son père, jadis, reprit le concept en vigueur depuis le début du règne des Maelys. Présidé par le Roi -ou, à défaut, ce qui s'en rapprochait le plus- ce que l'on nommait communément le conseil des quatre statuait sur les directions à prendre, les choix stratégiques, la répartition du budget ou tout simplement sur les demandes de haute importance émanent des représentants des diverses congrégations de citoyens.

— Tu es en retard, Zaël.

La remarque, bien que justifiée, ne manqua pas de faire tiquer l'assemblée. Si Zaël Maelys, premier fils du roi Salak, était maintenant leur souverain a tous, Kadoc Nibelungen n'avait toujours pas prit le pli du vouvoiement. Un manque de respect apparent dont Zaël ne se formalisait pas. Le vieil ours était ce que Libéria avait de plus solide et de plus fidèle. Ancien chef des armées, fils du légendaire Kraal Nibelungen, rien ni personne n'aurait pu remettre en cause son amour de la cité ou son respect envers la famille Maelys. Au fils du temps, le fils avait fini par devenir une copie presque parfaite du père. Lourd, solide et imposant, sa tignasse rouge cendre défiait le poids des années. Ses coudes bien ancrés dans la table de bois, les mains soupesant sa barbe rousse qui virait au gris, le doyen de l'assemblée semblait préoccupé.

— Je n'aime pas voir cette expression sur ton visage. Ça ne te ressemble pas, se contenta-t-il de lui répondre.

Zaël salua d'un mouvement de tête les deux autres membres du conseil. A sa gauche, sirotant sans gêne un verre de Geordin de premier choix, Maynar Isenbrook paraissait presque désintéressé. Sur lui aussi, le temps avait fait son œuvre. La soixantaine, le teint tout aussi grisonnant que la chevelure, l'enfant fou de Libéria avait laissé la place à un vieil homme sur qui les événements, bon ou mauvais, ne semblaient plus avoir d'emprises. Son œil droit étant désormais fermé à tout jamais, stigmate d’un affrontement titanesque qui avait permis à la cité de continuer à vivre. De ce qu'il en savait, c'est lui, quarante ans plus tôt, qui avait sauvé son père des griffes du traître, usant de ses talents inégalables à l'épée pour tenir en respect les assaillants. De l'autre côté, un jeune homme au sourire carnassier complétait le tableau. Le teint halé, l'homme originaire du sud irradiait d'une aura de confiance qui vous imprégnait les sangs sans même bouger le petit doigt. Né en tant que citoyen de Zeres, Gilad Zaemon vouait une admiration presque inquiétante envers la famille Maelys et le pouvoir de leur lignée. C'est lui qui prit la parole, adressant à son souverain un regard de prédateur que celui-ci avait appris à interpréter avec le temps.

— Je crains d'avoir une nouvelle peu réjouissante à vous communiquer, votre majesté.

— Ne m’appelle pas comme ça, je ne suis pas Roi, lui répondit Zaël pour la vingtième fois en quelques mois.

— Vous ne voulez pas être roi. Votre volonté ne changeant rien à ce que vous êtes devenu, le corrigea-t-il, agrémentant sa réponse d'un sourire narquois.

— Si j'étais ce que tu prétends que je suis, j'aurais toute la latitude pour décider de ce que je veux ou ne veux pas. Je pourrais t'ordonner de te trancher les veines devant moi, ou décider d'imposer à Maynar sa présence à chaque conseil sans exception. Je pense que seul mon père avait ce pouvoir-là. Je ne suis pas Roi, martela-t-il tout en s'autorisant un clin d’œil moqueur.

Maynar, à l'évocation de son nom, leva la tête de son verre pour lui lancer un regard difficilement compréhensible. Lorsqu'il reporta son regard vers son interlocuteur, celui-ci avait sorti sa dague, la tenait bien fermement sur son propre cou, et semblait attendre la suite. Salak souffla, a moitié amusé de la situation. Gilad avait tendance à l'exaspéré par son coté désinvolte, imprévisible. Cela dit, a l'instar du vieil ours, son amour de la cité, de son héritage et de sa prospérité ne pouvait être remise en cause. La table trembla légèrement, Kadoc venant, d'une simple descente de coude, de rappeler à l'assemblée qu'il y avait un temps pour tout.

— Mes excuses, seigneur Maelys, seigneur Nibelungen, je m'égare, il est vrai.

— Pourquoi ne pas en venir au fait, Gilad ? Vous me faite venir à l'improviste, en plein jour de célébration, j’ose supposer que ce n'est pas pour ergoter sur la façon adéquate de s'adresser à ce que, pour la force des choses, je suis devenu.

— C'est exact votre... c'est exact.

L'homme au sourire carnassier marqua un temps de pause, et son attitude, sa gestuelle, devint soudainement plus sérieuse. Gilad Zaemon avait passé son enfance à Zeres, gravitant entre la haute bourgeoisie et les intrigues politiques. Descendant d'un haut dignitaire de l'ancien empire, il fut aisé pour lui de garder tout un tas de contact plus ou moins influent avec la cité du sable.

— Je vous demande de prendre ce que je vais énoncer comme une possibilité. Je ne puis me porter garant de cette information, cela dit, j'ai de bonne raison de croire que les renseignements auxquels j'ai eu accès ne soient pas que simple égarement de la part d'ennemi séculaire légèrement rancunier...

D'un geste de la main, Zaël lui intima de continuer. Il n'aimait pas l'air sérieux qu'abordait maintenant celui qui, même en temps de crise, tournait tout à la dérision. Il n'aimait pas l'air bourru du vieil ours. Il n'aimait pas la façon dont même Maynar, l'air de ne pas y toucher, tendait l'oreille avec une certaine attention.

— Depuis quelques décennies, force est de constater que Zeres reprend du poil de la bête. Sur le pan du commerce, ils n’ont plus grand chose à nous envier. Militairement, les avancées des dernières années sont pour le moins spectaculaire. Les contacts que j'ai gardés dans l'armée régulière ne cessent de prendre confiance, se targuant de pouvoir désormais de nouveau imposer leur hégémonie à travers le continent. Si c'est une version romancée de la réalité, un élément nouveau et pour le moins inattendu semble être rentrer dans l'arène, nous forçant, je le pense, à agir si cela devait se révéler vrai.

Zaël se pencha en avant, les mains posé sous son menton. Une position qui rappelait celle de son père. Un père qui n'était plus, partit à l'aube de ses soixante printemps, succombant à une vie d’excès qui l'avait conduit à quitter ce monde plus tôt qu'il ne l'aurait dû. Laissant derrière lui un fils qui le remplissait de fierté, quoi qu'il pouvait en dire. Un fils fort, mature et passionné. Un fils qui, du haut de ses vingt-quatre ans, venait de devenir l'homme le plus influent du monde civilisé. Un fils qui aujourd'hui, sentait les vieux démons du passé refaire surface sans prévenir.

— Parle, ordonna-t-il.

Gilad Zaemon soupira et se laissa retomber sur son siège. Il agrippa la bouteille de Géordin qui traînait devant Maynar s'en même que celui-ci ne s'en offusque. Après s’être abreuver, il essuya le coin de ses lèvres et posa son regard de félin dans celui du jeune prince, devenu Roi un peu trop tôt.

— Zeres se serait allié aux blanchâtre, aussi incroyable que cela puisse paraître. Leur objectif commun est clair, limpide, précis. Reprendre le contrôle du continent et renverser la lignée des Maelys en faisait tomber Libéria.

Un silence pesant s’installa dans la pièce. Si Zeres avait montré à de nombreuses reprises sa capacité à échafauder toute sorte de coup fourré et de trahison, il était difficile de les imaginer conclure un pacte avec les Blanchâtres. Une union fantaisiste, tant les uns et les autres avaient des réalités diamétralement opposées. Pour ce qu’il en savait, les Blanchâtres s’étaient regroupés depuis quelques années dans l’ancienne cité de Lust, située tout au Nord-Est du continent. Une ville fantôme qui avait repris un semblant d’activité et qui avait eu pour mérite, au fil du temps, d’agir comme un aimant. Les individus isolés ou les petits groupes, au lieu de courir les campagnes pour assouvir leur pulsion et leur animalité, finissait presque tous par atterrir dans cet étrange eldorado fait de vieille pierre en ruine. Les dirigeants des différents pays du continent ne s’en étaient pas véritablement préoccupé jusqu’à présent. L’endroit étant encastré dans le flan d’une montagne haut perché, là où la neige persistait à blanchir les lieux même en été, leur regroupement avait été perçu comme un mal pour un bien. A bien y repenser, il aurait sans doute fallu les surveiller de plus près. Ce que son père s’était toujours refusé à faire. Si Zaël avait bien une idée du pourquoi, il lui faudrait encore investiguer les archives et déchiffrer les énigmes pour pouvoir en être sûr.

Chocobo_3
Niveau 15
15 novembre 2021 à 20:54:16

— Zeres a-t-il la puissance de frappe nécessaire pour tenter de renverser Libéria ?

Zaël fixait Kadoc Nibelungen de ses yeux de lune. Le vieil ours avait les traits tirés, la mine renfrognée. Inutile de le sonder plus en avant pour voir que quelque chose le tracassait.

— Attaquer Libéria de front serait un pari bien trop audacieux qui pourrait conduire à la destruction définitive de leur empire renaissant.

La réponse était claire et précise. Pourtant, Zaël ne s’en satisfaisait pas. Kadoc, en tant que chef des armées tout juste retraité, avec une parfaite connaissance des forces en présence. Il avait dirigé les troupes de la ville Lumière pendant trois décennies de main de maître. Les conflits avec Zeres avaient toujours tourné en leur faveur, et généralement, ceci avant même d’avoir véritablement commencé. Si quelqu’un était à même de se prononcer sur la faisabilité d’une telle chose, cela ne pouvait être que lui. Pourtant, son air inquiet trahissait une toute autre réalité. Il regarda les autres membres du conseil. Tous semblaient détenir une vérité que lui ne possédait pas.

— Vous tirez tous des têtes pas possibles, et des regards remplit de sous-entendu. Si quelque chose m’échappe, je vous serais gré de m’en informer sans plus attendre.

Maynar porta sa bouteille de Geordin a ses lèvres fines, s’en enfila une longue rasade avant de la reposer avec force sur la table de bois massif. Tout un gardant une main sur le contenant du précieux liquide, il posa l’autre sous sa joue, sa tête inclinée de trois quart et fixant le jeune prince devenu Roi dans le blanc des yeux. L’alcool commençait à faire effet, et il en avait marre de cette séance du conseil qui ne faisait, depuis tout à l’heure, que de tourner autour du pot.

— Pourquoi pensez-vous que Zeres, jusqu’ici, assoiffé de vengeance et nostalgique de leur gloire passée, n’a fait que sonder le terrain, sans jamais ne serait-ce que tenter de déstabiliser véritablement Libéria ?

Zaël durcit involontairement le regard et le ton. D’un tempérament plutôt mesuré, le jeune homme commençait à en avoir assez. Il passait déjà des heures entières perdu dans les archives du château, à la recherche des différentes pièces du puzzle qui pourrait l’aider à comprendre les faits et geste d’un père qui avait passé l’arme à gauche sans prévenir, le laissant seul face à des responsabilités écrasantes qu’il s’efforçait de gérer du mieux qu’il le pouvait. Il pensait d’ailleurs, à juste titre, ne s’en sortir pas trop mal.

— Je te conseil de me dire de suite, et de manière claire et précise, ce que vous êtes tous entrain d’insinuer, d’une manière ou d’une autre, depuis tout à l’heure, Maynar.

Le vieux borgne ne put s’empêcher de partir d’un grand éclat de rire sonore à la vue du jeune seigneur montrant les dents. Ce qui était évident pour le reste du monde ne l’était visiblement pas pour lui. Ce qui était plutôt compréhensible.

— Désolé, c’est juste que vous venez furieusement de me rappeler un jeune homme qui, quarante ans plus tôt, vous ressemblait comme deux gouttes d’eau, continua Maynar en reprenant un air –un rien- plus sérieux.

— Venez en au fait, seigneur Isenbrook, l’incita Gilad en arborant ce sourire de fouine qui ne quittait que très rarement son visage faussement angélique.

— Votre père, mon seigneur, continua tranquillement le vieux borgne. Salak Maelys a repris la cité alors qu’il était à peine majeur. De l’histoire de ce monde, ce fut le premier à pouvoir utiliser le pouvoir de commandement sans l’anneau. Après avoir parfait sa maitrise de l’escrime, personne, de mémoire d’homme, ne se souvient avoir croisé le chemin d’un être aussi puissant, on aurait pu le croire béni par les dieux. Le régicide d’autre fois, son exil, l’extermination de l’entièreté de sa famille, de ses amis, ont fait de Salak Maelys l’homme qu’il était. Un enfant qui grandit dans la douleur, le sang et les larmes. Un homme qui devint un souverain respecté et impitoyable. Un homme qui éleva la notion de domination d’autrui a un point encore jamais atteint. Une barrière physique, à lui tout seul, à n’importe quelle envie d’invasion. Un monstre qui est mort, semble-t-il, un rien trop tôt.

Zaël commençait à comprendre le sous-entendu. S’il pouvait se targuer d’une puissance considérable et d’une maitrise du pouvoir de sa lignée qui ne l’était pas moins, il n’était qu’un jeune lionceau perdu dans un monde qu’il ne faisait qu’appréhender. La simple évocation du nom de son père faisait reculer les adversaires. A l’heure actuelle, Zaël, tout souverain de Libéria qu’il était –ou n’était pas, selon son propre point de vue- ne restait que « le fils de ». La mort brutale de son paternel venait de re distribuer les cartes. Salak Maelys n’était plus, et avec lui, disparu petit à petit la peur irraisonnée de sa simple existence.

— Comme quoi, le projet des enfants rois tant décrié n’était peut-être pas une mauvaise chose, continua Maynar, de plus en plus sous influence. Dommage qu’il ait été interrompu…

Kadoc frappa durement la table du poing.

— Tais-toi, Maynar, il suffit.

— Certaines vérités ne peuvent rester cachées éternellement. Ne serait-ce que la nature, l’essence même de ce qui menace aujourd’hui notre humanité…

Kadoc se leva et empoigna le vieux borgne par le col. Son regard de taureau fou planté dans l’œil vif de son compère, celui-ci pouvait sentir son souffle lui picoter le nez.

— Je t’ai dit de te taire. Ne m’oblige pas à te faire regretter d’avoir ingurgité plus de Géordin que de raison.

La tension venait de monter d’un cran dans la pièce. Les deux conseiller se faisant face avaient des personnalités diamétralement opposées. Kadoc était sérieux, appliqué, rigoureux. Maynar quant à lui, avait gardé son caractère de jeunesse. Fougueux, irréfléchi et provocateur. Deux pilier qui avait, chacun dans leur registre, permit à Salak Maelys de gouverner Libéria. Kadoc avait repris la tache de son père avec brio, et s’érigea vite comme un chef des armées tout aussi compétent que son illustre paternel. Maynar, quant à lui, continua, décennie après décennie, de veillez sur les bas quartiers. Et si rien n’était jamais parfait, c’est en grande partie grâce à lui que les bas-fonds de Libéria réussissaient le prodige d’être autre chose qu’un repaire de brigands et de margoulins en tout genre. Deux socles sur lesquels s’appuya l’ancien souverain de Libéria. Au grand désarrois de Kadoc, Maynar avait en horreur les secrets et les choses cachée. Sans compter son attirance déraisonnée pour la boisson.

— Si je peux me permettre, messieurs, ne devrions-nous pas consacrer notre énergie à dégager de possible solution au problème qui, manifestement, semble se rapprocher de plus en plus ?

L’intervention de Gilad contribua à faire retomber légèrement la tension ambiante. Maynar balaya la main de Kadoc pour qu’il le lâche, et le vieil ours ne manqua pas de saisir la perche tendue par le jeune homme a la peau mate.

— En effet. J’ai d’ailleurs une idée qui ne nous couterait rien. Si je ne me trompe pas, votre jeune frère et ses acolytes, après être revenu brièvement nous montrer son incapacité à se tenir tranquille, sermonna Kadoc en s’adressant à Zaël comme s’il y pouvait quoi que ce soit, se dirige vers Zeres.

— C’est exact, se contenta-t-il de répondre, ne comprenant pas bien en quoi cela pouvait leur être utile, surtout vu la distance qui devait maintenant les séparer de la capitale.

— Parfait. Alors suivez-moi, je vais faire sceller des montures, nous partons.

Le jeune prince voulu protester et demander plus d’explication. En quoi son frère et les traines savate qu’il promenait à travers le continent pourrait leur être utile ? Ou diable Kadoc comptait-il aller ? Qu’elle était donc le véritable but du projet des enfants roi et de leur enfance sur l’île ? Qu’avait voulu dire Maynar en parlant de la nature même de la menace qui pesait sur leurs épaules ? Zaël se perdit en supposition et lorsqu’il voulut questionner le vieil ours, celui-ci avait déjà quitté la pièce. Ne restait plus que Maynar, les pieds sur la table qui sirotait la fin de sa bouteille, et Gilad, qui le regardait avec un sourire jusqu’au oreille, visiblement satisfait de la tournure des événements.

Chocobo_3
Niveau 15
17 novembre 2021 à 18:02:26

V.

La roulotte transportant le quintet venait de poser ses roues et ses sabots dans le village de Drüm. Situé à une demi-journée de marche de Zeres, cette petite bourgade paysanne avait le mérite de posséder une auberge dont l’alcool de pomme était réputé comme le meilleur de la région. Une raison de plus, couplé à sa situation géographique et aux besoins vitaux du quintet –manger, boire, dormir- de s’y arrêter. C’est après avoir vu, deux ans auparavant, une troupe de comédien itinérant, que Chane se mit en tête de faire de même. Si Shô et Krastak y avait été pour le moins réticent, ils durent bien vite se rendre à l’évidence ; sans les rendre riches, c’était un moyen facile et original d’amasser quelques pièces, des logements gratuits ou de quoi se sustenter.
La jeune femme occupée à démarcher les habitants en vue de la représentation qu’ils comptaient donner au soir en compagnie de Vizard, Shô en profitait, allongé dans le baquet de la roulotte, pour contempler le ciel légèrement nuageux de cette fin d’après-midi. Perdu dans ses pensées, Krastak du insister avant que le jeune rouquin ne redescende sur terre.

— Désolé, Ka’, j’étais ailleurs.

— Ailleurs… Ouais, ça, pour être ailleurs, t’es ailleurs, ces derniers temps.

— Ça sonne un peu comme un reproche, si tu veux mon avis, sourit-il tout en se redressant pour lui accorder son attention.

Le grand gaillard aux dents de requin se posa à ses côtés, ouvrit une bouteille, s’en envoya une longue rasade dans le fond du gosier et la lui tendit. Le présent fut accueilli comme il se doit, les deux hommes gardant le silence un moment.

— J’ai pas mal bourlingué, avant de vous connaitre. J’me suis fourré dans tout un tas de situation peu glorieuse, j’ai risqué ma vie mainte et mainte fois. J’ai toujours eu le nez pour ressentir instinctivement les choses. J’sais pas, comme une sorte de sixième sens.

— Pour sûr, on peut te le reconnaitre, confirma Shô. Je me demande même parfois comment tu fais pour ressentir d’où va venir le danger sans même le voir.

— L’intuition, gamin. Ya que ça de vrai. Et j’ai comme l’impression de filer vers quelque chose qui me dépasse. On n’a pas fini notre petite conversation, la dernière fois. L’une des personnes que tu recherches serais à Zeres, et l’histoire officiel de la famille Maelys ne serais que mensonges, c’est bien ça ?

— L’histoire récente de la famille Maelys, corrigea-t-il. Pour ce que j’en sais, le récit qu’on fait de la vie de mes ancêtres est exact, celui de la jeunesse de mon père également. Jusqu’à son retour à Libéria et la reprise de la cité quarante ans plus tôt. C’est après que tout devient flou. J’ai entendu des rumeurs, sur le pouvoir de l’anneau, qui a d’ailleurs disparu depuis bien longtemps, sur les Blanchâtres, bien que j’ignore le rapport entre ces monstres et l’histoire de ma famille, et enfin, ce dont je suis sûr, sur nous, les  enfants rois .

— Les enfants rois ? Tu m’en diras tant. Il me semble que c’est pas la modestie qui vous étouffe, vous, les bourgeois, railla Krastak en reprenant la bouteille des mains de son compagnon.

— C’est comme ça que fut nommé l’expérience qui conditionna mon enfance. Comme je te l’ai dit, à partir de là, tout ce qu’on raconte n’est que, au mieux, une version détournée de la vérité.

— Quelle expérience ?

Shô se laissa de nouveau tomber sur le baquet pour faire face au ciel. Il n’évoquait jamais cette partie-là de sa vie. Les gens n’avaient pas besoin de savoir, après tout. Cette partie-là de sa vie avait été particulière a plus d’un titre. Dans les nuages, il crut voir son visage.

— J’ai grandi sur une île, au large de la côte Ouest de Lella. Mon père y avait fait construire des installations rudimentaires. Aujourd’hui encore, j’ignore pourquoi nous avons été forcé de rester là-bas. Il nous a entrainé sans relâche pour que l’on finisse par développer, comme lui, la capacité d’utiliser le pouvoir de notre sang sans être en possession de l’artefact familial. Certaine personne nous examinait, des médecins, qu’il disait. A mon avis, ils étaient tout aussi médecin que je suis raisonnable.

— Et vous étiez… sept, c’est ça ? Ou sont passé les autres ?

— C’est ce que je compte bien découvrir, Ka’.

— Ouais… ça n’explique pas ce qui a fini par se passer sur cette île, ni le reste, d’ailleurs.

Alors que Shô réfléchissait à comment esquiver cette question tout en restant sincère avec son compagnon de route, ce qui ressemblait à une hallucination auditive les frappa tous les deux au même moment. Ils entendaient son nom prononcer faiblement, comme murmuré à travers un couloir de vent. Krastak se retourna dans tous les sens, mais personne, a part eux deux, ne se trouvait aux alentour.

« Je vais essayer de me stabiliser… Ouvre la barrique d’eau que vous transportez ».

Ils se regardèrent sans comprendre. Krastak reposa la bouteille d’alcool avec une précaution peu habituelle sur le sol.

— Bordel, Shô, j’suis déjà bourré ou tu vas m’expliquer ce qui se passe la…

Si l’envie de fournir une explication rationnelle a son camarade ne manquait pas, il en était bien incapable. Il n’avait aucune idée de ce qui était en train de se passer. Comme lui, il percevait une voix qui lui était familière, comme porté par un courant d’air. Il se dirigea vers le baril d’eau qu’ils transportaient à l’intérieur de la roulotte.

— Qu’est-ce que tu fous ?

— Et bien… j’obtempère, on verra bien.

Il retira le couvercle du baril avec précaution, et regarda avec attention l’eau s’y trouvant se mouvoir d’une façon étrange. Krastak vint se poser à ses côtés, et ne manqua pas, lui aussi, de reconnaitre immédiatement l’image que renvoyait maintenant clairement le liquide transparent.

— Ah ! L’écraseur d’homme !

— Zaël ?!

La face aqueuse de son frère se reflétait sur le haut du baril comme une apparition. Shô n’avait aucune idée de ce qu’il se passait. Son frère, pourtant présent physiquement a des lieux et des lieux de sa position, lui parlait presque distinctement, et voilà que maintenant, son visage se reflétait comme par magie dans un baril remplit d’eau.

— Comment fais-tu ça ?

« Ce n’est pas vraiment moi, en fait, je ne suis qu’en apprentissage »

— Qui est avec toi ? Un apprentissage de quoi, exactement ?

« Ce n’est pas important pour le moment. C’est compliqué de maintenir la connexion, alors je vais te demander de m’écouter attentivement »

Le jeune rouquin y consentit d’un signe de la tête. Krastak, quant à lui, subjuguer par le tour de passepasse, ne pipait plus un mot.

« Puisque tu te diriges vers Zeres, tu pourrais peut-être nous être utile. Une sorte de remboursement pour ma mansuétude lors de ton passage remarqué à Libéria. »

— C’est lui a retourné tes gardes, pas moi, sembla-t-il bon de préciser en désignant Krastak.

« Peu importe. Je sais qu’au fond de toi, tu portes cette cité dans ton cœur, quoi que tu en dises. Et nous faisons peut-être face à un danger dont j’ai sous-estimé les conséquences. Il est possible que nous soyons la cible, bientôt, d’une offensive de la part de Zeres et de… et bien, disons qu’ils ont peut-être trouvé des alliés inattendus. Rien n’est certain, ce ne sont que des hypothèses. »

— Et tu veux que je te rapporte des informations.

« C’est ça. Je pense qu’une présence sur place pourrais nous aider. De plus, tes… compagnons ne sont en rien relié à Libéria. Ça pourrait nous être utile. Nous devons encore envisager la possibilité d’envoyer une délégation plus officiel sur place. En attendant, reste sur tes gardes, laisse trainer tes oreilles. »

— Compris… et va tu m’expliquer par quel miracle nous sommes en train de communiquer ?

« Non, du moins pas maintenant. Je vais devoir couper la connexion. Peut-être que lorsque tu reviendras à Libéria, je te présenterais l’homme qui rend tout ça possible. Plus puissant encore que ne l’était notre père, et avec, je dois le reconnaitre, un tempérament bien plus agréable. Prend soin de toi, petit frère »

Avant même qu’il ne put protester, la figure liquéfiée disparu, les laissant tout deux muet devant le baril d’eau qui ressemblait désormais… a un baril d’eau. Ils se regardèrent, perplexe. Krastak voulu prendre la parole, mais ne parvenait pas a mettre ses idées en place. Pour lui aussi, la composition inattendue de ce quintet avait été salvatrice. Le gamin a la crinière de feu ressemblait à une divinité égarée, venu prendre la température du monde mortel. Comme une évidence. Après tout ce qu'il avait enduré, ses traversées du continent de long en large, cherchant dieu savait quoi, apparaissait comme une nouvelle chance, une possibilité de remettre en marche une âme brisée. Il finit par éclaté d'un rire libérateur.

— T'es décidément le gars le plus fascinant que ce putain de destin à mit sur ma route !

— Je vais prendre ca pour un compliment. Je te dirais bien que c'est la chose la plus extraordinaire qu'il m'ait été donné de voir, mais je mentirais, lui sourit-il tout en se relevant promptement.

Au loin, il pouvait apercevoir Chane et Vizard revenir de leur tournée de prospection. Il bénissait, lui aussi, chaque jour un dieu inconnu d'avoir placé sur sa route ce quintet improbable qui représentait, aujourd'hui, sa vrai famille. La grande roue du Destin semblait s'être accélérée depuis peu, et l'idée de les avoir à ses cotés l'emplissait d'une force bienvenue. Alors qu'il ne pouvait plus attendre d'arriver a Zeres pour tenter de donner corps au renseignement qu'il avait reçu, voila qu'une envie tout aussi puissante de rentrer immédiatement a Libéria se faisait sentir. Il se recentra sur le moment présent et porta son attention sur Vizard, toujours accompagné du gros chat roux qui ne le quittait pas d'une semelle. Le gamin semblait en joie, et Chane, qui le suivait de près, affichait elle aussi un regard amusé, signe que leur tournée pour rameuter du monde en vue de la représentation qu'ils donneraient ce soir avait été un franc succès. Restait a espérer que leur prestation serait, elle aussi, a la hauteur. Une ambiance légère et chaleureuse s'installa dans le village. Krastak garda pour lui les dernières révélations de son compagnon de route, et le quintet se prépara pour ce qui resterait, avec le temps, l'une de ses plus belles performances.

Chocobo_3
Niveau 15
17 novembre 2021 à 18:06:18

Voila ou j'en suis arrivé concernant ce projet de suite :)

Si quelqu'un a envie de me faire un retour, que ce soit pour souligner les défauts ou les incohérences, vu que c'est un premier jet, je suis bien sur preneur :oui: Le tout a vocation a être retravailler plus tard, tout comme le "tome 1", pour que l'histoire globale soit la plus cohérente possible.

DocteurGreen
Niveau 8
17 novembre 2021 à 20:02:28

On ne peut pas nier une grosse prise de maturité dans la plume... après l'histoire je n'ai pas grand chose à dire, j'avoue 😕

Chocobo_3
Niveau 15
18 novembre 2021 à 18:31:34

Bah, de toute facon, elle est encore en phase de construction l'histoire^^

Mandoulis
Niveau 25
18 novembre 2021 à 18:47:44

Faut avoir lu l'anneau de commandement ou pas nécessairement ?

Chocobo_3
Niveau 15
18 novembre 2021 à 18:51:57

J'ai essayé de faire attention a ce que ce ne soit pas obligatoire, non.

Après c'est une suite, mais j'ai vraiment essayé de faire attention à ca. En essayant de me baser par exemple sur un bouquin que j'avais hésité a lire parce que j'avais pas lu le reste, et ou c'était passé crème.

Puis bon, ca se passe 40 ans après quoi.

Mandoulis
Niveau 25
18 novembre 2021 à 18:56:12

Je vais essayer de trouver mon courage alors :hap:

Chocobo_3
Niveau 15
18 novembre 2021 à 19:54:15

N'hésite pas à me faire un retour si tu le trouve :oui:

Mandoulis
Niveau 25
19 novembre 2021 à 13:50:00

Prologue

résonnait comme une mélodie agréable, apaisante alors que le reste de la description n’est que chaos. Ça colle pas

Absorbé par les perspectives que la nouvelle qu'il venait apporter pouvait signifier, l'orage résonnait comme une mélodie agréable, apaisante Dit comme ça, le "il" se rapporte à l’orage, ce qui m’a ensuite perturbé. Mauvaise tournure

Décidément, s’entraîner avec cet homme n’avait pas que des désavantages. Au fils des mois et des années, il poussa son corps et ses capacités physique toujours plus en avant. Hein ?

Bon je n’ai pas relevé toutes les fautes d’orthographe, y’en a trop mais elles ne sont pas très dérangeantes. Un prologue intéressant, une ambiance, on entrevoit un monde avec des espèces nouvelles et les conflits inhérents. Plutôt facile à lire.

Chapitre I

Le jeune homme a la chevelure de feu se tourna vers le gosse angélique T’as balancé un nom, utilise-le, là ça fait trop de périphrases

Tu sais que de ce que je me souviens :malade:

sa robe de la couleur de son jus de fruit préféré Non. Juste non :noel:

Une scène intéressante, les persos sont bien posés, niveau rythme et fluidité pas de souci. Découverte du monde ça va aussi tout doucement, rien à redire. Par contre t’as de ces tournures de phrases parfois… :( Tu te relis après ? Parce que certaines ne font vraiment pas naturelles, ou trop chargées, ou incompréhensibles…

Chapitre II
Rien à dire que je n’ai déjà dit.

Chapitre III

et même avancer au pas se relevait de plus en plus difficile. T’es vraiment sûr de te relire, juste avant y’a aussi entendit au lieu de étendit. C’est pas de l’orthographe là…

Tu le réutilises encore et ça m’avais déjà dérangé, mais quintet ça fait très groupe de musique. :(

J’ai… absolument rien biter à ce que tu racontes. Je plussoie, c’est incompréhensible

C’est exactement ça, ouais. On en reparlera demain, si vous y tenez. Sériously ? Il décide de leur en dire plus après quatre ans ensemble, balance un discours ultra-vague puis dit la sweet demain ? :noel:

Chapitre IV

Les sourires carnassiers et dents de requins qui reviennent sans cesse, c’est une caractéristique de l’espèce ? :question:

Si je peux me permettre, messieurs, ne devrions-nous pas consacrer notre énergie à dégager de possible solution au problème qui, manifestement, semble se rapprocher de plus en plus ? :malade:

La fin pleine de questions c’est non. T’aurais pu mettre un Vous le saurez au prochain épisode que ça aurait eu le même effet ! :noel:

Chapitre V

Le dernier paragraphe sonne trop comme une fin je trouve, faudrait atténuer ça.

Pour faire un bilan général, ça se lit plutôt bien, j’ai été emporté dans l’histoire sans souci. Le scénario en lui-même tient la route, les scènes aussi, et tu dévoiles peu à peu le background de l’univers. Mais tu ne dévoiles peut-être pas les bonnes infos au bon moment. Je vais rejoindre Veyli, y’a beaucoup trop de choses confuses par rapport à l’univers. Quand tu donnes une info, faut la donner clairement, juste balancer un blanchâtre ou peau colorée, ça n’aide pas à comprendre, ça ajoute de la confusion. Tout comme le discours ultra vague de Shô qui apporte plus de confusion que d’information. Niveau style c’est bien. Y’a quelques tournures vraiment moches, et pas mal de fautes d’orthographe, mais ça n’entrave pas tant que ça l’histoire.
Voilà pour moi, j’espère que ça t’aidera pour la suite :p)

Chocobo_3
Niveau 15
19 novembre 2021 à 20:05:59

Merci d'avoir lu Mandou :-)

Je prend tes critiques en compte, et je suis... assez d'accord sur la plupart des points soulevés. Je me relis, mais je retravaille quasi pas pour profiter du fait que j'écris assez facilement pour le moment. Comme je l'ai dit, c'est fait pour être réécrit par après.

Pour le discours de Shô, si tu comprend rien... c'est normal. Le lecteur, pour le coup, est censé être quasi dans la même position que ses interlocuteurs. C'est a dire ne rien comprendre. Bon c'est peut-être mal fait mais c'était l'idée :p) C'est aussi pour ca qu'au chapitre IV, l'un des perso s'énerve sur un autre et lui impose le silence lorsqu'il veut expliquer certaines choses. Tout ce qui concerne l'île, les "enfants rois" ou encore le rapport entre les Blanchâtre et la famille Maelys est au coeur de l'intrigue et j'ai choisis, alors peut-être a tord, de rester volontairement très vague pour le moment. Ca sera évidement expliqué par la suite.

Merci d'avoir prit la peine de lire le tout en tout cas :oui:

(Et Krastak est un humain "normal", il a juste des traits de visage et une allure très particulière^^ )

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Sujet : L'héritage des Maelys
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