J'aimerais que nous abordions le problèmes des crises environnementales (elles débordent donc grandement uniquement le problème des changements climatiques) en acceptant les conclusions du GIEC, c'est-à-dire qu'il est extrêmement probable que les activités humaines de production de GES soient à l'origine des changements climatiques, d'une part, et d'autre part, que l'augmentation de la température moyenne terrestre aura des répercussions fort probablement extrêmes sur l'hospitalité des milieux sur lesquelles les espèces vivantes, dont humaines, vivent. J'aimerais que cette discussion ne tourne pas autour de la factualité, ou pas, de ces conclusions, car la réflexion philosophique et politique doit, jusqu'à un certain point, accepter la description du réel donnée par les recherches scientifiques, que nous allons nous embourber sur des détails techniques qui débordent notre compétence à tous (bien que vous ayez peut-être des contre-arguments originaux auxquels les scientifiques s'intéressant au problème environnemental n'ont pas pensé) plutôt que de réfléchir sérieusement à un problème. Je ne donnerai qu'un argument (négatif) selon lequel il faut accepter le rapport du GIEC comme pierre de touche : pour qui l'ignorerait, les rapports du GIEC sont en fait des synthèses de l'ensemble des recherches (pertinentes et revues par les pairs) sur le climat, tous, scientifiques comme non-scientifiques, peuvent ensuite critiquer le rapport préliminaire, qui devra ainsi être ensuite revu, ré-argumenté, qui sera enfin publié. J'ajouterai, pour défendre le caractère neutre du rapport, qu'entre les premiers et les derniers rapports, nous sommes passés de "Il est possible que l'activité humaine soit cause..." à "Il est extrêmement probable (i.e. certain) que l'activité humaine soit cause..." Si vous avez malgré tout la position que les changements climatiques sont un hoax, ou que la formulation actuelle vous semble fausse, "C'est l'activité humaine qui, etc.,", alors il vous faut savoir que, par définition, le consensus scientifique admis va contre vous.
Le sujet : Esr-il possible que le capitalisme passe au travers des crises environnementales, plus particulièrement de la crise climatique?
Quelques réflexions :
Vous connaissez ma position : Non. Particulièrement, car les crises environnementales ont pour cause majeure la surexploitation des milieux; le capitalisme ayant comme principe fondamental qu'il lui faut croissance et profit (sinon crises) qui se manifeste matériellement par une plus grande utilisation des ressources (réponse à un argument : "Mais, l'innovation (capitaliste) permet de mieux, plus efficacement, à moindre coût utiliser les ressources". Oui, mais selon un paradoxe bien connu, mieux utiliser relativement les ressources amène à utiliser plus de ressources dans l'absolu), donc le capitalisme est en contradiction avec les limites de régénération des milieux (c'est pourquoi le problème déborde grandement la crise climatique). Je dirai donc : Malgré le balais féérique des États pour ménager le capitalisme par rapport aux limites (absolus) des milieux, en faire un capitalisme vert, il ne sera pas possible de conjuguer croissance (donc condition nécessaire à un climat capitaliste vivable) et respect de ses limites.
Je pourrais formuler un ensemble d'arguments techniques sur ce dernier problème, qui lierait énergies (renouvelables et fossiles) à la croissance, je les ai déjà formulés ailleurs, mais ce n'est pas le coeur du propos.
Le capitalisme semble donc aux prises avec sa première rencontre avec une limite absolu. Il est possible d'appréhender le capitalisme comme étant, entre autre, l'intériorisation de toutes extériorités, d'où sa propension à vouloir avaler les "marchés" publics. En les crises environnementales, l'intériorisation capitaliste rencontre donc une extériorité absolue, peut-être la première, celle des lois naturelles, véritables altérités que le sujet ne peut pas faire à son image, du moins pas selon ses désirs. Les limites humaines, il a su les étirer, donner un peu en moments de crises (pour lui), reprendre graduellement sur des décennies, manager la révolte, mais on ne manage pas avec les lois physiques. Le capitalisme a bien des projets fous, aller sur Mars, faire de la géo-ingénérie afin d'éviter le problème, tout sauf se remettre en question.
Pour qui est capitaliste, capitaliste raisonnable disons, la crise climatique est donc un problème sérieux. Je constate par contre plutôt que les capitalistes ne l'abordent pas sérieusement : ou bien plans fous, ou bien jargonnage scientifique de pelleteurs de nuages (voir par exemple le consensus économique orthodoxe, selon lequel une augmentation de plusieurs degrés risque, au pire, d'affecter la production alimentaire, qui représente un maigre 3% du PIB, et donc de ne pas affecter plus que ça le PIB mondiale; alors que qui y réfléchit 3 secondes réalise que si la production alimentaire mondiale est affectée, ce qu'on risque, c'est la famine, des émeutes), ou bien mesurettes qui ne règlent pas le problème. Bref, les capitalistes ne sont pas sérieux.
Pour qui est anti-capitaliste, c'est une occasion unique, car enfin l'ordre du monde marchand rencontre une limite absolue, une limite qui dévoile hors de tout doute son irrationalisme, sa folie, son dogmatisme, son manque de sérieux. Le rapport de force change donc grandement. Il y a deux choses : d'une part, les êtres humains devraient donc saisir cette chance pour attaquer le capitalisme, proposer d'autres organisations sociales; d'autre part, s'il est vrai qu'un monde capitaliste est impossible, car la croissance est impossible, dans le monde à venir (du fait des contraintes énergétiques, des resssources stratégiques limitées non dans l'absolu mais dans la facilité de prendre possession) alors il risque de s'effondrer (très lentement) dans des crises de plus en plus intenables, alors que la température moyenne augmentera, que les eaux océaniques monteront, que les catastrophes naturelles deviendront de plus en plus habituelles et puissantes, qu'il y aura des problèmes pour l'agriculture, l'accès à l'eau potable, etc. (Aparté : Avant qu'on m'en fasse le reproche, vilain épouvantail, je ne crois pas qu'il y aura l'effondrement soudain du chateau de cartes, si l'on tient à parler d'effondrement, c'est l'image du chateau de sable, lentement grugé par la marée montante qu'il faudra mobiliser : les activités de la vie deviendront simplement de plus en plus difficiles).
(Réponse à une attaque personnelle lancée par UnEnfant : "Tu n'es qu'un écolo-fasciste-PostModerne-NéoQuantique-NéoPositiviste" : Blabla. Cette abstraction n'est pas un argument; et ne répond pas au fond du problème : que fera le communisme pour ne pas sombrer dans le productivisme? Ou peut-être n'y a-t-il aucun problème de dépassement des limites? (ce qui arrangera bien le capitalisme) ou bien aucun problème de dépassement des limites avec le communisme? En quoi, on ne sait pas...). Si, par contre, on peut me démontrer, poliment, que c'est un faux problème, que nous pourrons, sous le communisme, augmenter ad vitam aeternam notre niveau de vie, j'en serais bien content. Comme chacun, ou presque chacun, avoir plus est un miel sur mes plaies.
Je croyais que résoudre le problème climatique serait simple. Ce ne serait pas l'anthropocène, pas l'Anthropos mais celui qui est riche : c'est le capitalocène (Le 10% produit en effet 10, 20x, et plus, de GES que la classe moyenne; le 1%, 190 fois plus). On m'a objecté que le problème que le problème était le Productivisme, et aujourd'hui je suis complètement d'accord. Deux choses : le mode (au sens spinoziste réactualité) du Productivisme est aujourd'hui capitaliste, et pire le capitaliste est intrinsèquement, il ne peut que l'être, que productif, produisant plus et donc utilisant plus; cette objection, en fait, n'attaque pas ma position, mais la renforce : le communisme (orthodoxe) s'il reste un avatar du Productivisme, ne sera pas une solution (théorique comme pratique), ce qui ne renforce que l'impasse. Il reste donc à penser un partage des ressources qui respecte les limites terrestres et/ou une décroissance, qui devra nécessairement affecter massivement les plus riches. (Aparté : En fait, lorsqu'on parle décroissance, on parle, pour que l'ensemble des êtres humains ait un niveau décent de vie, d'un niveau de vie équivalant à celui des années '50 en France. Ce n'est manifestement pas l'âge de pierre. De plus, lorsqu'on parle de décroissance, on ne parle pas (nécessairement) d'une décroissance de tous les secteurs : troquer sa voiture pour un cocktail de moyens de transport (énormément le vélo, un peu de bus/métro, parfois le train), ce n'est pas la mer à boire, mais nous pouvons collectivement nous entendre pour dire que certains secteurs, hospitaliers, éducatifs, scientifiques, etc., devraient rester à la fine pointe).