Chapitre 65 : Pure Folie.
Un cœur battait lentement dans un abysse lointain, épiant, sentant, touchant les âmes ayant pénétrés dans son tombeau, le lieu où le cœur se sentait le plus en sécurité…
Inamora entendait ce cœur battre dans les ténèbres, elle sentait l’aura de folie et de peur s’insinuant dans son âme par la brèche faite à son esprit, une brèche grande et qui fut ouverte pas des mains griffus blanchâtre.
La jeune femme avancée au côté de son père, il paraissait effrayant vu d’ici.
La peur consumait l’âme d’Inamora, elle la sentait dévorer chaque parcelle de raison qui lui restait en lui montrant ses morts. La hantant d’images et de sensations qu’elle voulait à tout prix oublier rapidement.
Inamora s’était faite dévorer par des créatures cauchemardesque, abominable, ignoble, hideuse, perverse. Dévorer corps et âme par des monstres aux yeux vitreux, s’ils en avaient, et des gueules garnis de crocs et d’une longue langue fourchue et sifflante tel celle d’un serpent.
Elle se revoyait encore mourir dans d’atroce souffrance, mourir la tête arracher ou couper en deux, mourir dévorer par des petites filles dont la tête n’était qu’une grosse bouche circulaire pleine de dents effiler comme des aiguilles. Des tentacules l’avaient saisi pour lui faire exploser l’estomac en y pondant des araignées hideuses et abominable, répugnante.
Ces imagines, ces moments, resteraient gravés à jamais dans son esprit et reviendraient la hanter dès qu’elle fermerait les yeux pour dormir.
Inamora avait peur, peur de tout et regardait autour d’elle d’un air scrutateur, méfiant, dément.
Plus rien ne lui paraissait accueillant ou sécuritaire, tout lui paraissait fou et dangereux. Même les tendres bras protecteurs de son père ne pouvait arracher, enlever, ce sentiment d’insécurité qui la frapper.
La peur la rendait constamment en alerte et prête à fuir, elle voulait vivre…pas mourir par la main d’une monstruosité.
-Inamora.
Elle sursauta quand elle entendit la voix de son père, elle tourna brusquement la tête vers lui et soupira en le voyant en chair et en os.
Mais allait-il devenir une masse informe de chair sanguinolente rampante comme Arthag ?
Inamora l’épia du coin de l’œil.
-Oui…papa ? Lâcha-t-elle, un ton légèrement méfiant.
Masse. Informe. Rampante. Mort.
-Je voulais simplement te dire que…tout ira bien. Je…tu l’as vu ? Bredouilla l’Argonien
-Vu qui ?
La fillette à tête de fourmi tenant Olga dans ses mains potelées ?
-Ta mère…Elisabeth…je…tu te souviens quand nous étions dehors ? Arthag ta menacer de la tuer si tu ne lui obéissais pas.
Cet instant paraissait lointain et confus pour Inamora, elle avait l’impression de voire une autre femme, une autre Inamora, l’Inamora éclairé par le soleil bienfaisant.
-Maman…elle était ici ?
-Oui…m’enfin…elle était là sans être là…une…une illusion…tu l’as vu ?
Azaelle se gratta la nuque.
-J’ai l’impression de devenir fou ma fille…j’ai…je vous ai vu mourir toute les deux…j’ai cru devenir fou et je crois l’être en ce moment même.
Il déglutit.
-Le pouvoir de cette Grande-Faucheuse semble bien puissant…selon Arthag elle est en sommeil, comment peut-elle avoir autant d’influence sur nous alors ?
L’Argonien tourna le museau vers sa fille, celle-ci semblait pensive et fixer le sol en grinçant des dents. Il sursauta légèrement, cligna des yeux puis soupira.
-J’ai…peur…papa.
-Moi aussi ma fille…tien bon…tout cela se terminera dans quelques temps.
Mais si cela ne se terminait jamais ? Et s’ils restaient prisonniers dans ce tombeau infini pour la nuit des temps ? Et si Inamora mourrait de la main d’un être cher ? Et si elle voyait quelqu’un qu’elle aime mourir sans qu’elle puisse faire quelque chose ?
Cette dernière question la terrifia, elle imagina Alrik mourir devant elle, sans qu’elle puisse faire quelque chose ; elle vit son père et sa mère disparaitre dans les flammes alors qu’elle restait immobile, sans rien pouvoir faire.
Rien, aucun geste, que des larmes devant l’anéantissement de ces êtres qu’elle aimait par-dessus tout au monde.
Inamora tremblota, ses propres pensées la torturer malicieusement.
La jeune femme leva une main devant son visage, scruta sa paume sale et terreuse.
Que pouvait-elle faire si son père se vidait de son sang ?
Rien, elle ne connaissait que trois sorts de soin de puissance variable, mais pas assez pour doper la production d’hémoglobines.
Que pouvait-elle faire si Alrik était sous l’emprise d’un puissant sort d’illusion ?
Rien, elle ne connaissait qu’un unique sort de rupture mais elle devait fournir un effort considérable pour stopper, ne serait-ce, qu’un sort d’illusion de puissance moyenne.
Que pouvait-elle faire si sa mère chutait dans un canyon sans fond ?
Rien…elle ne connaissait aucun sort de chute ralenti.
Elle était faible, terriblement faible.
Le monde regorgeait de gens forts et habiles, de magiciens intelligents et de puissants.
Mais elle, elle n’était qu’une petite idiote quémandant de la puissance aux autres, une idiote faible, pathétique et stupide.
Inamora n’avait ni la puissance, ni la sagesse, ni l’intelligence ou la force ; elle avait simplement la chance et une aide divine de son côté.
Elle était pathétique.
-<< Tu es pathétique. >>
La Voix décidait de sortir de la torpeur qui l’avait frappée depuis la dernière « mort » d’Inamora.
-<< Tu penses trop Inamora, tu devrais plutôt me laisser prendre les rênes. >>
Prendre les rênes de quoi ?
-<< Aller…juste une petite minute, histoire que je puisse à nouveau sentir, voir et toucher. Que je puisse regarder avec tes yeux le sort qui vous attend. >>
-Nous allons mourir…je le sais. Murmura-t-elle à mi-voix
-<< Vous mourrez uniquement si tu ne me laisse pas sortir. >>
-Te laissez sortir ? Tu n’avais pas ma permission la dernière fois.
La dernière fois, au village où Arthag l’avait faite prisonnière et l’avait traîné comme une vulgaire esclave.
-<< J’ai tenté de forcer la sortie, en effet, mais au moins tu en es ressortie plus forte. >>
-Plus forte ? Je ne comprends pas.
-<< Evidemment que tu ne comprends pas puisque tu ne sais pas quoi ta rendu plus forte. >>
-La peur.
-<< Tu brûles…mais ce n’est pas ça. >>
-Pourquoi ce n’est pas ça ?
-<< Parce que tu ne l’as pas encore vu. >>
-Qui ?
-<< La Grande-Faucheuse. >> Ricana la Voix
Inamora déglutit, était-elle folle ? Surement, elle se parlait à elle-même et s’il faut, son père écoutait et se disait la même chose qu’elle. Un soupir las la prit et elle baissa la tête en la secouant négativement.
-Je suis folle…
-Tu as dit ?
Elle leva la tête vers son père.
-Rien papa, je parle toute seule.
Azaelle fut pris d’un petit rire.
-Tu es bien la fille de ta mère toi, elle aussi parle toute seule quand elle réfléchit trop.
-Je ne réfléchissais pas.
-Inamora…tu es ma fille et je te connais bien, tu es le portrait craché de ta mère et je la connais très bien elle aussi…pas autant qu’elle sur moi mais je la connais. Ricana l’Argonien
-Maman me manque.
-Elle me manque aussi Inamora…elle me manque beaucoup.
Le père fit une pause dans sa phrase, il caressait le manche de son épée, Noirlame, qu’il avait récupérer des mains d’un Possédés ayant la charge des armes de chacun, avec distraction et une pointe de soulagement.
-Tu sais Inamora…je suis content que ta mère ne soit pas venu. Elisabeth serait brisé psychologiquement à l’heure qu’il est ; elle n’est pas la plus résistante des femmes et les illusions de la Grande-Faucheuse l’aurait rendu folle.
-Et qu’est-ce que tu aurais fait si elle était devenue folle ?
-J’aurais fait tout ce qui es en mon pouvoir pour la soigner…je l’aurais emmené de la forêt à Hists au centre du Marais Noir et j’aurais demandé à genoux qu’ils la soignent.
-Et pour moi ? Tu aurais fait quoi ?
-Pareille.
-Et si j’étais dangereuse.
-Toujours pareille.
Inamora hocha lentement la tête, elle sentit le bras de son père l’entraîner contre lui.
-Jamais je ne vous ferez du mal, à toi ou à ta mère, j’en suis incapable…
-Hum…
-N’ait crainte Inamora, cette satané histoire d’illusions sera finie dans peu de temps, j’en suis sûr.
Et si la vie n’était qu’une illusion ? Et si Inamora n’existait pas ? Si tout ceci n’était que le rêve d’un schizophrène ?
Des dizaines et des dizaines de questions du même genre fusèrent dans le crâne de la jeune femme, son cerveau travaillait d’arrache-pied pour trouver une solution, une réponse qui la conviendrait, mais elle était incapable de fournir une réponse à des questions aussi dures, aussi vide de sens.
Inamora voulait simplement rentrer chez elle, dormir au côté d’Alrik, jouer aux Dames avec sa Mère, s’entraîner avec son père.
Mais sans cesse, une image de créatures cauchemardesques ou de mort apparaissait, comme un rappel. Sans cesse, elle imaginait une belle petite prairie pleine de fleurs et d’arbustes en fleurs, mais une petite fille à tête de fourmis se glissait dans ce paysage idyllique et lui offrait une mort lente et douloureuse.
Des larmes coulèrent sur ses joues, tombèrent en silence sur le sol de dalles grises, elle sanglotait en silence et au milieu de ces colonnes aux yeux scrutateurs, vicieux.