C'est un film qui est justement plein de recul selon moi, ou alors t'es passé à côté.
Je n'ai pas vu ce recul moi non plus, à part à quelques moments. Pourtant je l'ai cherché, l'attendant de quelqu'un comme Eastwood...
Moi je l'ai vu, quand on construit un presque (je dis bien presque) anti-héros, que la guerre a transformé en machine à tuer, alors c'est qu'on prend du recul. Et les moments où les soldats sèment le doute chez lui, genre son frère qu'il lui dit qu'il veut pas de tout ça, le mec qui lui demande en quoi il croit (dans la tente après la "réunion"), ou encore le soldat alité qui lui dit de ne pas repartir, c'est prendre du recul sur les positions de son héros. Puis même, ce type de film est une récurence dans le Cinéma américain, une obsession bien de chez eux, on l'a eu pour toutes les guerres (et plus particulièrement le Vietnam), c'est justement ce recul pris sur l'après-guerre, sur le pourquoi de la guerre. Enfin c'est gros comme un camion, ça les travaille, ou alors je fabule quoi. Et c'est un sujet passionnant le traumatisme, donc le recul pris sur ces conflits !
Yep totalement d'accord, il est plein de recul et de nuances ce film
Le recul se voit par quelques doutes dans le regard de Cooper (qui est pour moi l'atout principal du film), mais ça ne va guère plus loin. Le film reste du point de vue de Kyle (tout en l'édulcorant par rapport au témoignage original), et ne le remet jamais en question.
Ce recul, on le voyait bien plus chez Cimino par exemple, dans "The Deer Hunter" (auquel "American Sniper" est parfois comparé).
C'est justement là où Eastwood n'est pas grossier, dans son recul, c'est même très ambigu.
"et ne le remet jamais en question"
Je sais pas quoi dire là en fait.
Ne serait-ce sa femme qui est l'incarnation de la remise en question...
Là de façon extrêmement grossière justement. La femme qui ne fait que chialer et lui dit qu'il a changé...C'est vu combien de fois dans ce genre de film ?
Le 01 mars 2015 à 00:32:01 Lewul a écrit :
C'est justement là où Eastwood n'est pas grossier, dans son recul, c'est même très ambigu.
Ambigu...ou peu courageux. Ce qui permet à chacun d'y prendre ce qu'il veut. Dont ceux qui, aux Etats-Unis, l'ont justement pris totalement au premier degré...
Il faut parfois faire une différence entre soi-disant subtilité et frilosité. Eastwood a été plus courageux et plus subtil par le passé.
"Là de façon extrêmement grossière"
Et ? C'est la remise en question dont on parle, plus du recul (qui lui est subtil).
Ensuite le film est courageux, mais si les américains n'y voient pas le caractère ambigu, alors c'est qu'on a affaire à de bons gros beaufs. Tant mieux, ça fait le tri !
Je pense qu'il y a bcp trop de réflexion sur l'exemple donné ici au-dessus. Le pourquoi il ne tire pas sur l'enfant au RPG est simplement le fait que l'enfant n'amène pas sa main à la gachette du lance roquette. S'il l'avait fait il aurait tiré. Il a juste attendu le plus possible afin d'éviter au maximum de tuer (une nouvelle fois un enfant), mais si la main avait été portée à la gachette le gosse y passait.
En somme, il fait son boulot au mieux et ne tue que les "bad guys" comme il aime tant dire dans l'ensemble de ses réflexions personnelles dans le livre american sniper.
Personnellement j'ai adoré le film. Les scènes d'actions sont vachement crédibles, le choc post traumatique en revenant en Amérique est bien présenté (Cfr qd il regarde la télé éteinte et qu'il entend des bruits de tirs etc.). Et de nombreuses réflexions du type IRL sont présentées dans le film.
Le 01 mars 2015 à 00:54:49 Lt-Schaffer a écrit :
Pour l'exemple, à partir où Chris Kyle ne tire pas sur le gamin qui prend le RPG au moment où il touche l'arme, il y a une forme de remise en question, puisqu'en plus de prendre un risque réel (qui pourrait couter des vies) il trahit ce qu'on lui a appris. Le type mène un combat au fond de lui-même, mais c'est aussi compliqué dans la mesure où il est ignorant, ça reste un cow-boy du Texas. Pas méchant, juste ignorant. Donc déjà c'est un immense pas en avant cette séquence par exemple, par rapport à ce qu'on lui a appris, ce qu'il est censé faire.
Je ne trouve pas. Il est prêt à lui tirer dessus, mais le gosse lâche le RPG. Il aurait tiré autrement (ce qui est compréhensible).
Mais au début du film, c'est la même chose. Il ne dégomme pas de suite le gamin qui prend la grenade. Il n'y a donc pas vraiment d'évolution.
Après, oui, ça reste un cowboy bas du front. Mais comme je l'ai déjà dit, je trouve gênant qu'Eastwood édulcore ce qu'était vraiment Kyle. Je me demande surtout pourquoi il fait ça. C'est aussi pour ça que j'aurais préféré un film du pure fiction, pas autant inspiré d'un personnage réel, mort il y a peu, et dont les motivations ne semblaient pas aussi "pures" que celles données par Eastwood. Pour moi, ça parasite en partie le film (sans compter d'autres défauts que j'ai déjà mentionnés, comme les scènes mille fois vues de la crise conjugale, ou "je téléphone en plein combat").
Et puis, il faut arrêter avec cette condescendance envers les Américains qui ont compris le film différemment de vous. Tous ceux qui l'ont aimé là-bas ne sont pas des rednecks plantés devant Fox News avec leur Bud dans leur roulotte au fin fond du Texas. Il y a des gens intelligents et cultivés, mais qui ont une véritable culture de droite réactionnaire, conservatrice, qui n'est pas si éloignée que ça de celle d'Eastwood (je rappelle sa participation aux côtés de ce public à la campagne présidentielle US, et ses propos sur Obama).
Kyle "édulcoré" ?
J'ai pas la sensation qu'on ait vu le même tant l'inverse saute aux yeux en fait.
Kyle déclarait qu'il aimait tuer tous ces "salopards". Dans le film, il n'a pas l'air d'aimer ça, il le fait seulement pour protéger ses hommes...Si pour toi, ce n'est pas édulcorer...
http://www.liberation.fr/monde/2012/04/08/chris-kyle-le-plaisir-de-tuer_809200
Dans le lien que j'ai mis, Chris Kyle dit : "J’aurai à répondre de beaucoup de choses devant Dieu, mais certainement pas des gens que j’ai tués à la guerre.»
Ce n'est pas un peu différent de ce qu'il dit dans le film ?...
Dans le film il est aussi fière de faire ce qu'il a fait, il voit les Irakiens comme des sauvages et aurait voulu faire plus. Donc non, ça n'entre pas en conflit avec la réalité, d'autant plus qu'on ne sait pratiquement rien de lui.
Il n'y a qu'à voit le passage du psy, où Kyle dit qu'il était fière comme si c'était plus pour persuader le psy et lui-même. Ce que font presque tout les soldats lorsqu'il rentre, et au front, parce que c'est plus simple. Pour ça que le psy n'essaye pas d'aller plus loin, et l'aide autrement en l'envoyant aider les vétérans.
Et faut pas oublier le plus important, le film montre surtout Kyle pendant la guerre, et le tout début de son retour. C'est à dire des époques différentes du moment où il a écrit son livre, où il était médiatisé, où il a reprit sa vie en la vivant tranquillement tout en ne remettant pas en question ce qu'il a fait. Ca parait évident que la façon de penser, ou de voir les choses, et de parler soit différente entre ces deux moments. Même si ça n'est finalement pas tant éloigné.
Faut quand même voir qu'à son retour, comme au front, on le traitait de héros, et arrivé à un point, en plus du fait de ne pas vouloir se dire qu'il a fait quelque chose de "mal", ça va finir par l'impacter, et le rendre encore plus fière de ce qu'il a fait. Donc c'est logique de dire qu'il aimait ça, surtout quand c'est dit quelques années plus tard, et qu'au fond le film ne montre pas qu'il n'aimait pas ça, puisqu'on le voit comme un drogué de la guerre qui veut sans cesse y retourner.
En fait le film ne montre pas le Kyle public que "le monde" connait à travers son livre et ses interviews. Comme justement il le connait, ça ne sert à rien de le montrer, ça le montre juste à d'autres moments. Mais ça n'entre pas en conflit avec ce qu'on connait de lui, ça peut totalement se compléter.
Et le seul passage qu'on a de Kyle à l'époque des interviews et de son livre montre d'autres facettes de lui (comme le retour à la vie de famille heureuse), et est surtout là pour amener sa fin.
Tu parles du passage chez le psy, mais c'est justement le moment fondamental, celui où, selon Eastwood, il dit en substance que seul Dieu le jugera pour chacune des personnes qu'il a tuées. Ce n'est pas ce que Kyle semble avoir dit pourtant, bien au contraire, si l'on suit l'article dans Libé (qui date de 2012 et ne fait donc aucune référence ou comparaison avec le film).
Il y a une énorme différence entre dire qu'on répondra seulement devant Dieu de chaque mort qu'on a fait, et dire qu'on répondra devant Dieu de bien d'autres choses, mais pas de ça. Et cette différence résume bien le choix d'Eastwood de nous livrer un Kyle bien différent de ce qu'il était. Je sais, c'est une fiction, mais quel est le but du réalisateur de quasiment donner d'un personnage réel l'inverse de ce qu'il pensait ?
Dans le film, Kyle est obsédé par son devoir de protéger ses compatriotes, c'est ça qui le guide, pas le plaisir de tuer les sauvages.
Ou alors tu penses qu'Eastwood a mieux compris Kyle que Kyle lui-même ?
Par "édulcoré" je pense que tofraziel entend ça:
"Mais ce qui m’embête le plus, c’est qu’American Sniper est bien trop prudent quand il s’agit de traiter du fait de tuer, bien plus prudent que ne l’étaient le vrai Chris Kyle et les gens avec qui j’ai parlé.
«J’adorais tuer des méchants», écrit Kyle dans son livre. «Wow ça va être bien, je me disais», écrit-il aussi, quand il apprend qu’il va à Falloujah. «On va tuer des tonnes de méchants.» Les gens qu’il tue sont uniformément «mauvais». Certaines fois, il se vante de «massacrer des sauvages». Et tuer est la «revanche» pour les attaques ou les menaces contre l’Amérique, malgré le fait bien établi que l’Irak n’avait rien à voir avec le 11 septembre 2001. Sa certitude est absolue.
«Tous ceux sur qui je tirais étaient mauvais, écrit-il. Ils méritaient tous de mourir.»
Pour ceux qui n’ont pas fait l’expérience du combat, ces mots semblent macabres et sanguinaires. Mais pour Chris Kyle comme pour beaucoup d’autres anciens combattants, ils sont le reflet verbal du monde dans lequel ils vivaient, combattaient, tuaient et mouraient pendant des mois voire des années."
Extrait d'un article de Slate écrit par quelqu'un qui a lu l'autobiographie de Kyle et qui a enquêté auprès des vétérans d'Irak. Autre extrait:
"Même ceux qui en ont fait l’expérience à de nombreuses reprises et qui ont eu des années pour y réfléchir ont parfois du mal à définir les sensations dont s’accompagne le fait de prendre une vie.
«Quand on tue quelqu’un, il y a une certaine excitation sur le moment», dit Brian Chontosh, un Marine récemment retraité qui a reçu la Croix de la Navy pour avoir mené une embuscade en Irak en 2003 et plus tard commandé une compagnie dans la bataille de Falloujah.
«Qu’est-ce que c’est? Une poussée d’adrénaline? Est-ce que l’adrénaline vient de ce que vous avez pris du plaisir à tuer une personne? Je ne sais pas. Est-ce que l’adrénaline vient du fait que vous éprouvez une certaine satisfaction professionnelle, vous l’avez vraiment fait, vous avez passé le test, vous êtes en vie et pas lui? Je ne sais pas. Oui? Peut-être. Les deux? Peut-être.»
Le film omet la perspective de Chris Kyle à ce propos, présentant son service et ses exploits comme un effort pour protéger ses compagnons d’armes et les Américains en général –pour être le chien de berger que son père espérait qu’il serait. "
Si Kyle est édulcoré comme les autres soldats, c'est qu'on ne ressent pas ça chez lui, juste la volonté de protéger, le film ne montre pas plus de choses lorsqu'il tue.