La Belette (partie 4) :
1250, France, région Lyonnaise…
La lame de Fenn s’abattit. Elle heurta le sol avec fracas et s’enfonça dans le parquet comme dans une motte de beurre. Le tabouret, fendu en deux, tomba en arrière et les deux morceaux rebondirent par terre.
La Belette continuait à mâcher tranquillement son bout de pain sec… sur le tabouret d’à-côté.
Fenn hoqueta de surprise, ne pensant même pas à retirer son épée du sol.
La Belette étouffa un rôt et termina sa miche de pain d’un geste rapide. Il tourna la tête vers Fenn.
-Je peux savoir qui tu es, toi ?
-Fenn Jalmar.
-Hum… Cette tunique… Ce symbole sur la garde de ton sabre et sur ta capuche… Un Assassin ? Non… Le maire et le préfet de Lyon ont fait appel aux Assassins pour avoir ma tête ? Ha ! Ha ! Excellent ! Je ne m’y attendais pas !
-Qu…
-Je comprends ta surprise, mais j’ai déjà eu affaire à ton Ordre et à celui des Templiers, il y a longtemps. Une vieille histoire, trop longue pour être racontée. Enfin, c’est du passé. J’en garde néanmoins un goût amer.
La Belette s’apprêtait à dégainer son épée quand elle interrompit son geste et se mit à réfléchir.
-Mais, attend… Comment as-tu su que j’étais ici ?
Fenn essuya la sueur qui coulait sur son front. La pression que lui imposait le chasseur de prime était terrible. Il était essoufflé, alors qu’il n’avait presque pas bougé. Et le pire, c’était que la Belette, elle, était assise, tranquillement, et que son épée était encore dans son fourreau.
-Fernand Beglam, dit Fenn.
-Il m’a balancé ?
-C’étaient ses dernières paroles.
-Ah… Hum… Je suis très attristé. J’avais pris ces deux péquenauds sous mon aile et je prévoyais d’en faire des hommes. M’enfin. C’est comme un cheval. On le pleure les premiers jours, et puis après, on en achète un autre et on oublie l’ancien, voila tout.
Fenn haletait.
La Belette repoussa lentement son tabouret et se permit le luxe de s’étirer, en grimaçant à cause de ses os qui craquaient. Puis, il se leva et tira sa lame d’un geste sec. Il déposa son fourreau sur le comptoir et se tourna vers Fenn.
-Finissons-en. Je suis fatigué. Je vais aller me coucher.
-Fils de pute, grogna Fenn.
L’Assassin s’élança, comme à son habitude.
Un assaut vif et puissant, un coup rapide et précis, qui tuait sa cible à tous les coups. Il n’effleura même pas la Belette.
Le chasseur de prime écarta les jambes et, bien campé sur sa position, balança sa lame dans la direction de Fenn. Son mouvement, d’apparence négligé et jeté au hasard, était en fait redoutablement calculé et dévastateur.
Fenn para in extremis et fut littéralement projeté en arrière. Le chasseur de prime avait une force étonnante, pour sa carrure squelettique.
Il se lécha les lèvres et s’approcha en chantonnant.
Les clients de la salle s’étaient tous écartés brusquement pour lui laisser la place. Fenn fit tournoyer son épée et exécuta une demi-pirouette sautée, tout en envoyant un coup d’estoc dans un angle mort du tueur, en plein vol.
La Belette se décala souplement et la pointe de l’épée de Fenn le frôla, ne lui traçant qu’une fine coupure sur la joue au lieu de lui transpercer la tête de part en part.
La Belette fronça les sourcils. Fenn n’était même pas encore retombé au sol que le coude du chasseur de prime s’enfonçait dans ses côtes et le projetait contre un mur. Le souffle coupé, plusieurs côtes cassées, l’Assassin se plia en deux en toussant et lâcha son arme.
Même pas un coup d’épée. Un simple coup de coude, venu de nulle part. Fenn venait de se faire corriger comme un vulgaire morveux.
Il fallait dire que le coup du tueur n’avait rien d’ordinaire. Il était parti comme un boulet de canon et Fenn avait eu l’impression de percuter un taureau au galop. De plus, le chasseur de prime avait visé à un endroit sensible où les nerfs affluaient et se croisaient.
L’Assassin ne ressentait plus que la douleur, intense, et ses côtes en morceaux qui lui déchiraient la peau sous sa tunique. Celle-ci s’imbibait lentement de sang.
La Belette écarta le sabre qui gisait au sol d’un coup de pied nonchalant.
-Vas-y, cracha Fenn. Achèves-moi, sale chien.
-T-t-t-t-t-t. Le petit Assassin mérite une correction, à ce que je vois.
La Belette enfonça son épée dans le sol et s’approcha. Fenn ne vit même pas son poing arriver. Dur comme l’acier, il lui heurta violemment l’arcade sourcilière et le fit voler sur le côté. L’Assassin avait la vue brouillée par le sang qui coulait à flot sur son visage.
Il s’écroula, sonné.
Le pied du tueur s’écrasa sur sa main gauche. Un craquement sec retentit et Fenn hurla, les phalanges explosées. Des morceaux d’os ressortaient de sa main en charpie.
Le pied se leva de nouveau et retomba sur le visage de Fenn. Sa tête rebondit au sol avec un bruit sourd. Fenn eu l’impression que le monde s’inversait autours de lui. Ses oreilles sifflaient et la douleur, foudroyante, l’aurait fait crier s’il n’avait pas la mâchoire dans un état aussi sale.
Une humiliation totale.
La Belette contempla l’Assassin qui gisait à ses pieds, comme un insecte à moitié mort. Il soupira en enlevant lentement sa ceinture de son pantalon.
-Ah, là, là. Les petits jeunes comme toi qui se croient fort, j’en ai croisé beaucoup dans ma vie, et ça me fend toujours le cœur de briser tous leurs espoirs. N’ai pas honte, Fenn Jalmar. La fougue et la vantardise sont l’apanage de la jeunesse. Cependant, il est de mon devoir d’adulte de punir les enfants turbulents. Que ça vous serve d’exemple, à vous autre.
Les clients de la salle reculèrent instinctivement en déglutissant. La Belette passa son regard sur eux d’un air morose, presque déçu que personne n’ait le cran d’intervenir.
Fenn hoqueta et toussa en crachant du sang, au sol.
La Belette caressa sa ceinture, la leva au-dessus de sa tête, et l’abattit. Elle claqua, tel un fouet.
Fenn gémit au premier coup. Il tressauta, au second, comme secoué de spasme. Le troisième le fit hurler, malgré ses lèvres éclatées et sa mâchoire endolorie. Le quatrième le laissa inerte. Un voile noir apparut devant ses yeux, au cinquième. Il s’évanouit au bout du sixième.
Il ne sut jamais combien de temps la Belette s’acharna sur lui, et pourquoi elle ne le tua pas.
Voila, voila, destroyer, tu peux me corriger sur cette mission vu qu'elle est terminée /