« -Les gars… ? avais-je tenté. C’est plus drôle maintenant, venez me chercher ! J’ai pas de lampe moi, vous êtes pas chic… Les gars… »
Le silence. Même pas d’écho. Je m’étais mis à pleurer, incapable de me gérer.
J’avais alors sentis quelque chose ramper contre ma cheville. J’avais bondis, animé par une peur incontrôlable. Mais incapable de voir les obstacles, je m’étais pris une parois, et j’avais rebondi sur le dos. Il y avait des grillons, par terre, sur mon corps. Cela me répugnait, ces êtres écœurants qui sautaient autour de moi, qui se glissaient dans mes vêtements… savoir que ces insectes me voyaient, alors que j’étais aveugle… J’en avais des sueurs froides.
« -LES GAAAARS !!! REVENEZ !!! »
Je n’en pouvais plus, mon souffle était court, je ne tenais plus droit, j’avais le tournis, envie de vomir, c’était insupportable. Il fallait que je sorte, sortir, il fallait que je sorte d’ici. Mais par où, où était la sortie ? J’avançais, les bras devants la tête, pour trouver la sortie. À droite ? non ! Plus à gauche alors… Non ! Je me cognais, m’éraflant les coudes, les poings… Je n’avais pourtant pas pu aller bien loin ! Je suffoquais, et ce noir, ce noir, je n’y voyais rien, c’était horrible. Tellement noir que je gardais les yeux fermés. Je me suis laissais tomber au sol, en sanglots et épuisé.
Je ne savais pas combien de temps j’étais resté dans cet état, par la suite j’appris que cela avait dû durer moins de cinq minutes, mais pourtant cela me parut avoir duré des heures. Je m’étais quelque peu calmé, étant arrivé à une conclusion simple : ils ne viendraient pas me chercher. Si je voulais sortir, c’était par mes propres moyen que je devrais y arriver.
Avec plus de lucidité, j’aurais compris qu’ils reviendraient, avec le sourire des gens ravis de leur blague, une fois que leur cruelle plaisanterie les aurait assez fait rire. Au lieu de ça, je me suis levé, enlevant le guano de mes mains et de mon visage, et j’avais avancé. Les bras tendus, déviant ma marche selon les obstacles.
J’avançais lentement, sans savoir où j’allais, ni encore si je retrouverais la sortie. Elle me faisait désespérer, cette sortie. Puis soudain, j’avais entendu un bruit. Un bruit différent de ceux que j’entendais dans ce silence bruyant : Le bruit léger d’un écoulement d’eau. Je m’étais dirigé par là, une sorte de renfoncement, dans lequel je descendis. Un mince filet d’eau coulait, invisible, mais là. Agenouillé sur la pierre, j’avais bu. Et alors seulement, je me suis dis que cette eau devait sortir quelque part.
J’ai donc suivis le bruit, l’eau, espérant ne pas être bloqué. Et cette chance, je l’ai eu. Après avoir longuement suivis, je déboucha finalement à la lumière. Et le meilleur, c’est que je savais où j’étais. Non loin de la maison, il y avait une chute d’eau, et c’était ici que j’avais atterri. Après avoir passé ce qui semblait une éternité dans le noir, la lumière était une sainte agression pour mes pupilles. Je ne me souviens plus si je pleurais de soulagement ou à cause de l’accoutument.
J’étais en bien piteux états, avec mes vêtements trempés et plein de crottes de chauves-souris, et mes éraflures sur le front. J’ai eu froid. J’allais rentrer, avec la ferme intention de tout dire à papa. Ah, il allaient voir, mon frère et lui !Sur le chemin, j’entendais crier, et c’était mon nom qu’on appelait.
« -Daniel !!! Daniel ! Mais bordel il est où ?!
C’était Marc, j’avais reconnu sa voix. J’avançais, tête basse, en espérant qu’ils ne me voient pas. Quand on me saisit par l’épaule.
-Marc ! Il est là, je l’ai trouvé !
Sans aucune réactions, je m’étais dégagé de l’emprise de Jean-Mi, et j’allais chercher mon vélo.
-Daniel t’étais où ?! Réponds moi merde ! Pourquoi t’es partis ? Pourquoi t’as pas attendu qu’on revienne, hein ?! Qu’est-ce que tu fais ? me questionna Marc.
-Je vais tout raconter à papa, avais-je marmonné en dégageant mon vélo. Il m’avait alors attrapé les poignets. J’avais réussi à lui faire lâcher prise, lorsqu’il me plaqua au sol, en m’immobilisant.
-Tu diras rien à personne !Tu as promis ! Hein, t’as promis de rien dire du tout !
C’était vrai, j’avais promis. Et à cette âge là, comme c’est important une promesse !
J’acquiesça, toujours en évitant le regard.
Ils m’avaient ramenés à la maison, sans un mot. Pour expliquer ma tenue déplorable, ils ont dit que j’avais joué à la rivière. Ce qui me valu d’être privé de dessert. Mais ça ne m’avait rien fait. J’étais vide. Quand je me suis couché, j’ai gardé la lampe allumée. Les yeux grands ouverts, captant le maximum de lumière. Maman trouvait ça bizarre, papa me dit que j’étais une chochotte. Marc, lui, ne disait rien. Moi non plus.
Voilà. Voilà pourquoi, depuis que j’ai huit ans, j’ai horreur de l’obscurité. Je ne pouvais plus dormir sans lumière. Incapable de chercher un objet à la cave, tétanisé quand la lumière disparaissait… Ça me valu des moqueries, de surnoms… Dur d’être obligé de dormir avec une veilleuse en colonie de vacance, hein ? Mais j’en avais besoin, j’étais terrorisé sans.
Puis, à quinze ans, j’en eu assez. Il fallait que ça cesse, je ne pouvais plus vivre ainsi.
Pourquoi, subitement, je me suis décidé ? Moi même je ne sais pas. Peut-être attendais-je simplement le moment pour être fort.
J’étais allé devant le trou monstrueux, équipé d’une lampe torche. Je n’avais rien dis à personne, c’était un combat que je devrais mener seul, contre moi même. Allumant la lampe, j’étais descendu, la boule au ventre, dans la grotte. De ce que j’avais eu le temps de voir, ça n’avait pas changé. Je reconnu le chemin que j’avais emprunté. Voilà, j’étais dans cette salle, où était né mon plus terrible cauchemar. Mais avec de la lumière, ce n’était qu’une voûte banale, comme on en trouve dans toute les grotte. M’asseyant à même le sol, je contemplais tout autour de moi. J’étais calme, j’aurais cru que ça aurait été plus difficile pour moi de revenir ici. Et je su. Je su que c’était comme ça que je vaincrais. Brave, j’éteignis la lampe.
Quand je ressorti, il faisait nuit noire, une nuit sans lune. Combien de temps avais-je passé là-dedans ? Papa et Maman devaient s’inquiéter, j’allais sûrement me faire punir… Et je fus frappé, frappé de constater que je devrais rentrer dans le noir, et que cette idée ne m’effrayait pas. Je revins donc chez moi, contemplant les étoiles, brillants points blancs dans la noirceur.
Depuis ce soir là, ma peur à été vaincue. Ce n’est pas le fait d’être revenu, je ne pense pas ainsi, mais plutôt comme le sentiment d’acceptation que ce lieu à refait surgir en moi.
Si, à huit ans, je suis sortis brisé de cette grotte, à quinze, j’en suis sorti, arborant mes cicatrice, tels une preuve de ma victoire.
« -PAPAAA !!! La lumière !
Aujourd’hui, j’ai trente cinq ans, et une fille de quatre ans. Et à cet âge là, il est tout à fait normal d’avoir peur du noir.
-J’arrive.
Je la pris dans mes bras, essuyant ses yeux bleu d’où roulait de grosses larmes.
-Tu sais, tu n’as pas à avoir peur du noir, il n’y a rien d’effrayant…
-Si ! ça me fait peur…
-À moi aussi.
Elle me regarda, étonnée. Quoi ? Son père pouvait avoir peur ?
-Mais j’ai appris à voir le bon coté dans le noir.
La portant dans mes bras, je sortis dehors.
-Car, on ne peut admirer la beauté des étoiles que dans le noir…