Chapitre 5 : Des contrées inconnues.
Dorcan Ume, qui dirigea l'association d'Unukor de l'an 2E 306 à 309 est mort. Et alors que l'on croyait qu'il s'agissait d'une simple attaque cardiaque, le grand magistrat a révélé qu'il a été tué par une magie étrange : une magie de contact. Immédiatement accusée, Elyse a été enfermée dans une des cellules du sous-sol de la base de l'association par Jicella en attendant de recevoir son jugement. Quelques jours plus tard, la cérémonie funéraire de Dorcan a lieu : la plupart des membres de l'association sont présents ainsi que ses amis et parmi eux, beaucoup sont des hommes et des femmes proches du seigneur. Enfermé dans un cercueil, son corps est enterré dans le cimetière d'Adroder. Le nouveau maître, Tordin Igran, alors que la cérémonie vient de se terminer, se met à genoux et pose sa main sur la pierre tombale. Il y lit : "Dorcan Ume (254-309), 25e maître de l'association d'Unukor." Sur la pierre sont également posées des fleurs de toute sorte, en hommage au vieil homme. Après quelques secondes de méditation, Tordin se relève.
Tordin : Merci pour tout, Dorcan. Il faut le dire : vous n'avez pas été le meilleur des maîtres, mais pendant toute votre vie, vous avez fait ce que vous pouviez. Vous étiez un véritable homme. Reposez en paix.
Tordin sait que son maître ne lui répondra et pourtant il lui parle quand même. A ses côtés se tiennent ceux qui sont moins gradés que lui à présent : les lieutenants Jicella et Korus.
Jicella : C'est fini. Nous ne pouvons plus rien faire pour lui.
Tordin : Nous pouvons le venger.
Tordin attend que le cimetière se vide un peu, que les gens tristes habillés en noir le laissent tranquille. Brad, lui, a essayé de s'éloigner de son nouveau maître le plus possible. Non pas qu'il ne souhaitait pas rendre un hommage à son ancien maître, mais il est perturbé par autre chose à présent : la femme qu'il aime est accusée du meurtre de Dorcan et il est persuadé de son innocence. Le nouveau maître est convaincu du contraire. Ainsi, Brad décide de quitter le cimetière et il réfléchit à une solution.
Korus : Comment ça, le venger ?
Tordin : Tu sais très bien ce que je veux dire, Korus. A présent, des nouvelles responsabilités m'incombent : je suis le 26e maître de l'association d'Unukor et je dois prendre des décisions et surtout, rendre la justice. Donc je dois venger Dorcan.
Korus : En vous en prenant à une innocente ?
Jicella rit avant de répondre avec force à Korus.
Jicella : Elyse, innocente ? Tu ne fais donc pas confiance au magistrat ?
Korus : Le magistrat n'a pas dit que Elyse était la meurtrière.
Jicella : Parce qu'il ne la connaissait pas ! Mais si c'est pas elle, c'est qui ? Qui possède une magie étrangère qui permettrait de tuer les gens au moindre contact à part elle ?
Korus : Je ne sais pas...mais une femme douce et gentille comme elle, pourquoi tuerait-elle l'homme qui l'a accueilli dans l'association d'Unukor ?
Tordin : Pourquoi ? Tu sembles oublier le nom de famille qu'elle porte, Korus...les Qurth sont des meurtriers, ils ont ça dans le sang.
Korus : Et vous maître, vous oubliez son prénom. Elle ne s'appelle pas Ibytrem. Elle s'appelle Elyse.
Tordin : Tu es têtu, Korus. Elle a beau avoir tué mon prédécesseur, tu t'obstines à croire qu'elle est toute gentille. Je vous avais prévenu qu'elle était dangereuse, vous n'avez rien fait, alors j'essaie de rattraper le coup. Je m'emparerai de sa tête et comme elle a de la famille au vieux continent, je la leur apporterai. Et si ils sont dangereux qu'elle, ils ne vivront guère.
Korus : C'est ça, ta conception de la justice ?
Tordin : Depuis quand tu me tutoies ? Pour qui tu te prends, Korus ? Tu dois respect et obéissance à ton maître.
Korus : Et qui te dit que tu es maître ?
Tordin : Absolument tout. J'étais le meilleur d'entre nous trois, je suis le plus méritant, j'ai des compétences, du talent et du charisme.
Korus : Tu n'étais peut-être pas le nouveau maître ! Dorcan est mort juste avant de le dire !
Jicella : Tu entends, Tordin ? Il veut t'usurper ta place !
Tordin : Tu veux que je te retire ton titre, Korus ? Sois déjà content d'être lieutenant, car tu ne le mérites pas forcément. Si tu te mets en travers de ma route, je n'hésiterai pas à te bannir !
Korus ouvre la bouche pour répondre mais rien ne sort, il ne sait pas quoi dire. N'ayant pas eu le dernier mot, il quitte le cimetière, de peur que Tordin ne s'énerve et ne veuille plus de lui comme lieutenant. S'il est triste pour la mort de Dorcan, il s'oppose totalement à ce que Tordin demeure maître.
Enfermée depuis plusieurs jours, Elyse est seule dans une cellule sombre et humide. Quelques jours plus tôt, Brad lui avait dit que certains prisonniers qui avaient des peines légères étaient incarcérés là et que les derniers prisonniers avaient tous purgés leur peine. Elle se sent seule, terriblement seule et surtout, elle regrette. Lorsqu'elle rêve, c'est à chaque fois des visions du passé, lorsqu'elle était une noble fille de la cour, lorsqu'elle était respectée par sa famille et avait plein d'amis, avant que le nom de Qurth soit synonyme de malheur. Elle était sur le point de devenir une véritable citoyenne de Déra, elle était quasiment pardonnée, elle se faisait de nouveaux amis, une nouvelle vie s'offrait à elle : mais on a tout gâché. Aujourd'hui, Elyse est une prisonnière, une déchue, une meurtrière. Elle avait eu vent du sort du dernier homme qui tua un maître, à savoir Jerrick Jeatrem : on lui a coupé la tête. Accusée du même type de meurtre, le même sort l'attend sûrement, mais la différence est qu'elle est persuadée d'être innocente. La mort de Dorcan l'a aussi surprise que les autres et les sentiments qui régnaient chez elle lorsqu'on l'a arrêté était la peur et l'incompréhension. D'ordinaire, un garde la surveille de loin, mais ce jour-ci, il est à l'enterrement de Dorcan. D'ailleurs, Elyse voulait assister à cet enterrement, car elle est triste pour ce vieil homme qui l'avait accueilli auparavant. Plongée dans la solitude, elle ne fait qu'attendre sa mort. Et pourtant, elle aperçoit une silhouette : une des femmes de l'association avec laquelle elle s'est liée d'amitié, Rytha Voluntiis. Avec un crochet en main, elle s'approche de la cellule.
Elyse : Rytha ? Qu'est-ce que tu fais là ?
En réponse, Rytha lui dédaigne un sourire.
Rytha : Quelle question ! Je viens te libérer, bien évidemment !
Elyse : Tu n'es pas censé être à l'enterrement ?
Rytha : L'enterrement de ce vieux croûton que j'aimais pas ? Désolé mais je n'aime pas les enterrements, surtout quand c'est un enterrement de vieux...bon, d'accord, Lantan m'a dit que j'étais malpolie, mais je ne veux pas qu'on me force !
Rytha se rapproche de la cellule, glisse son crochet dans la serrure, le tourne dans tous les sens mais ne parvient pas à ouvrir les barreaux.
Rytha : Allez, je peux y arriver !
Elyse : Ce n'est pas la peine de te donner autant de mal...
Rytha : Tu ne mérites pas d'être enfermée ! Je vais te libérer !
Rytha force de nouveau : cette fois-ci, le crochet se brise en deux.
Rytha : Oh, non ! C'est pas vrai ! Je croyais que j'étais bonne en crochetage ! Je me suis suffisamment entraînée ! C'est pas parce que ces barreaux sont solides que le crochet doit casser !
La jeune femme jette les deux bouts sur le sol puis exécute quelques pas.
Rytha : Je vais chercher un autre crochet ! Tu vas être libre, crois-moi !
Elyse : Ne me libère pas, je t'en prie. Si je m'échappe, je serai poursuivie partout et tu seras punie !
Rytha : Ah non, je ne veux pas retourner en prison ! Mais je ne veux pas rester sans rien faire non plus ! Que faire ?
Elyse : Je ne sais pas. Continue à vivre ta vie. La mienne va se terminer...
Rytha : Tu ne peux pas mourir comme ça ! Personne ne te laissera mourir !
Elyse : Tu crois ?
Rytha : Beaucoup te croient coupables, c'est vrai, mais beaucoup te croient innocente ! Brad est le premier à avoir pris ta défense et comme Tordin croit que tu le manipules, il a refusé qu'il vienne te rendre visite.
Elyse : J'étais sur le point d'être avec lui ! Nous étions faits l'un pour l'autre, il m'avait pardonné, il m'aimait, et je risque de ne plus jamais le revoir...
Rytha : Il te défendra. Je te défendrai. Tu auras un procès équitable. Tu es presque aussi belle que moi, tu ne mérites pas ce qui t'arrive !
Elyse : Mais qu'est-ce qui m'innocente ? J'ai l'impression que c'est un coup monté : tout porte à croire que je suis coupable.
Rytha : Ta parole. Ta foi. Tes amis. Si il n'y a que Tordin et ses bêtes partisans qui te croient coupables, tu ne risques rien.
Elyse : Je n'en suis pas sûre...
Rytha fait quelques pas en arrière et appuie son dos contre le mur entre deux cellules, en face de celle d'Elyse.
Rytha : Je crois que toi et moi, nous nous ressemblons...
Elyse : Ah bon ? Explique.
Rytha : Nous nous sommes toutes les deux liées d'amour avec celui qu'on croyait être notre ennemi, nous avons toutes les deux finies en prison et nous sommes toutes les deux sacrément belles.
Elyse : Tu as été accusée de meurtre, toi aussi ?
Rytha : Non ! J'ai été en prison parce que je volais des riches...
Elyse : Alors, nous ne nous ressemblons pas. D'autant plus que je ne considérais pas Brad comme mon ennemi et si il n'avait pas tué mon grand-père, il aurait détruit Déra.
Rytha : Ce doit être un lourd fardeau à porter. Si seulement je pouvais t'aider...
Elyse : Vous avez tous essayé de m'aider. J'ai essayé de vous aider. Et voilà comment je finis...
Rytha : C'est injuste. Nous devons te sauver.
Elyse : Essayez, je vous en supplie...
Rytha aurait voulu employer d'autres mots pour rassurer son amie, mais elle se contente de la saluer et de revenir à la salle principale de la base, se maudissant de ne pas avoir pu la libérer et espérant un avenir heureux pour Elyse.