District de Yaqshid, Mogadiscio, Région de Benadir 
(À écouter avec ce post : http://www.youtube.com/watch?v=Yw3VkhTrK50&feature=PlayList&p=B5D3A60C787833D8&index=16 )
La façade de l’usine de pâtes alimentaire vola en éclats. De gros blocs de béton chutèrent au sol dans un énorme fracas. Il y’eu quelques secondes de silence, durant lesquelles le nuage de poussière soulevée par l’explosion se dissipa. La tourelle du char Léopard pivota et s’immobilisa. Des tirs provenaient d’une des toits du silo de l’usine. Le blindé ouvrit le feu. Le silo à grain implosa, déversant des tonnes de céréales au sol. Ce qu’il restait du silo chancela dans l’air, puis s’inclina dangereusement, avant de s’écrouler au sol dans un grand vacarme.
A l’intérieur de l’usine de pâtes alimentaires, un officier islamiste, le cheikh Tazad, observait la scène à l’aide de ses jumelles. Seuls ses yeux dépassaient d’une des fenêtres du troisième étage. De grosses gouttes de sueur perlait sur son front et, tout autour de lui résonnait les cris des blessés et les complaintes des mourants. Le troisième étage n’était plus qu’une vaste boucherie. Des corps mutilés et sans vies gisaient sur le sol ou contre les murs. Tazad se détourna de la fenêtre pour observer son escouade. Pas un seul de ses soldats ne s’en tirait sans blessure. Le caporal Radad ne pouvait plus se déplacer, l’adjudant Tezaoud avait un bras en écharpe, le première classe Alawi avait une blessure à l’abdomen, le capitaine Moussa avait perdu sa mâchoire inférieur et tous les autres étaient morts. Le cheikh était le seul en état de combattre. Il se risqua à passer la tête au niveau de la fenêtre pour observer les espagnols. Mais il se remit rapidement à couvert, lorsque plusieurs rafales le frôlèrent, venant ricocher contre les murs, autour de lui. Tazad s’empara de la radio qui gisait au sol, à coté de lui. Il régla la fréquence lui-même, et colla le combiné contre son oreille.
« - Ici la garnison de Yaqshid à commandement, je répète : garnison de Yaqshid à commandement. Demandons l’autorisation de quitter la zone ! »
La radio grésilla, puis une voix se fit entendre :
« - Négatif, garnison. Restez sur place. Pas de repli. »
« - Commandement, la position est intenable ici ! Je n’ai plus aucun homme en état de combattre ici ! Demandons l’autorisation de nous replier ! »
« Je répète, Yaqhid : Négatif ! Pas de retraite. Battez-vous pour la gloire d’Allah ! »
« - Êtes-vous sourds ? Nous ne sommes plus en état de combattre ! Nous n’avons plus de munitions, plus de vivres ! Nous ne pouvons pas continuer le combat ! »
« - Alors vous savez sans doute ce qu’il reste à faire. Commandement, terminé. Qu’Allah vous accueille en son sein. »
La radio grésilla une dernière fois, puis le contact radio fut coupé. Tazad resta immobile, hagard, durant quelques secondes. Il laissa retomber le combiné au sol, et s’appuya contre le mur. Il ferma les yeux. Il ferma les yeux et il pria. Il leva les mains au ciel, psalmodia quelques versets, puis se tut. Le silence se fit pendant plusieurs minutes. Au dehors, il n’y avait plus de tirs. La résistance islamiste avait été écrasée dans son dernier bastion du quartier de Yaqshid. En bas, Tazad entendait les soldats espagnols. Il les entendait aboyer leurs ordres. Il les entendait en train de tenter de forcer la porte de l’usine, qui avait été barricadée. Tazad adressa un dernier regard à ses hommes. Alawi était déjà mort. L’expression de son visage était restée figée. Un sourire se dessinait sur ses lèvres et ses paupières étaient mi-closes.
« Comme un enfant qui dort. » pensa Tazad. Il fouilla dans la poche de son veston et en sortit une grenade à main. Il l’observa et la fit tourner dans ses mains. C’était la seule solution.
Au rez-de-chaussée, les espagnols avaient réussis à détruire la portée principale. Ils investissaient les salles et étaient en train de gravir les marches menant aux étages supérieurs.
Tazad esquissa un sourire. Il porta la main à la goupille, prit une profonde inspiration et clama :
« - Je témoigne qu’il n’y a de dieu qu’Allah et Muhammad est son messager. Allah o akhbar. »
Il tira la goupille, puis serra la grenade contre son abdomen. Il était serein. Il allait rejoindre le Royaume. Son Royaume. Parce que tel était Sa volonté.
La petite pièce se transforma en un véritable brasier. Une expression de terreur et de surprise mêlée se dessina sur le visage des autres hommes de l’escouade. Leurs chairs et leurs vêtements fondirent sous l’effet de l’intense chaleur et du souffle.
Au sol, les espagnols se mirent à couvert en entendant une grande explosion. Ils se redressèrent. Les vitres du troisième étage avaient volés en éclats, et de la fumée s’échappait des fenêtres.
Yaqshid était tombée.
Empire du milieu 
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