- Je m’ennuie !
Lissa s’affala sur le rebord de sa fenêtre, contemplant l’horizon. Elle avait une très belle vue la citadelle, baignée dans le soleil crépusculaire. Il n’allait pas tarder à faire nuit. La pauvre Lissa n’avait quasiment pas quitté ses appartements royaux depuis sa tentative d’assassinat et cela l’agaçait au plus haut point. Lucina lui avait ordonné de rester dans sa chambre le temps que les esprits s’apaisent un peu. C’était une très bonne décision, certes, mais en même temps, Falcon devait déjà être au courant de cet échec et donc, il ne tenterait probablement pas de la tuer de nouveau, cela le compromettrait. Au final, la cour royale s’adonnait au jeu du chat et de la souris entre quelques non-dits et d’autres provocations. La malheureuse Lissa resterait donc sa chambre jusqu’à nouvel ordre.
- On peut rejouer aux cartes si tu préfères.
Samus était également présente dans la pièce, assise près d’une petite table ronde. Tout comme Lucina avait ordonné à Lissa de rester dans ses appartements royaux, elle avait également demandé à Samus de la surveiller. Depuis deux jours donc, les deux amies ne se quittaient presque plus, passant leur temps à discuter, plaisanter et jouer aux cartes.
Mais en entendant cette proposition, Lissa se retourna vers Samus dans un froufrou de robe, l’air maussade.
- Ah non ! S’emporta-t-elle tout en tapant du pied contre le parquet. Je refuse de jouer avec toi. Tu n’arrêtes pas de gagner, tricheuse !
Cette remarque amusa fortement Samus qui émit un rire mélodieux. Ces journées avaient beau être « ennuyeuses » comme le décrivait la reine du royaume Champignon, elles ne l’étaient pas pour Samus qui appréciait chaque instant avec Lissa. Et à vrai dire, même si cette dernière râlait de temps à autres, elle aimait passer du temps avec sa tendre amie. Lasse, Lissa vint s’assoir en face de Samus qui arrêta de battre les cadres d’un sourire amusé ; puis, elle colla sa tête contre la table dans un long soupir.
- Je m’ennuie, répéta-t-elle, exaspérée.
- Que veux-tu faire dans ce cas ?
- Danser ! S’exclama subitement Lissa en se relevant brutalement.
- Sans musique ? Très peu pour moi, murmura-Samus, embarrassée.
En réalité, les deux jeunes femmes voulaient l’une comme l’autre revivre la soirée du bal qui avait été extraordinaire du début jusqu’à la fin, du moins, sans compter la tentative d’assassinat … Elles n’avaient pas arrêté de danser sans jamais ressentir la fatigue, portées toutes les deux par un sentiment nouveau. Et alors qu’elle se remémora le bal, Lissa repensa à une personne qui l’avait particulièrement dérangée. Son visage s’assombrit d’un coup. Elle hésita à se confier à Samus mais de toute manière, elle n’avait rien d’autre à faire.
- En revanche, je n’ai pas du tout aimé la prestation de cette Azura … Maugréa-t-elle.
- Ah oui ? Fit-Samus, interloquée. Personnellement, je l’ai trouvée magnifique.
La capitaine de la garde royale n’avait pas pour habitude d’exprimer pleinement ce qu’elle ressentait ; elle avait même encore un peu de mal avec ses plus proches amis. Mais lorsqu’elle conversait avec Lissa, cette barrière de parole se brisait toujours, lui permettant ainsi de parler librement. Malheureusement, sa remarque au sujet de la beauté de la danseuse déplût fortement à Lissa.
- Je vois … Soupira-t-elle, énormément déçue.
Grâce ou plutôt à cause de la tristesse dans sa voix, Samus comprit qu’elle venait peut-être de dire une bêtise. Elle observa un instant Lissa, le souffle coupé. A cet instant précis, Samus réalisa qu’il y avait une certaine connexion entre elle et Lissa et qu’elle n’était visiblement pas la seule à ressentir ça. Plutôt que de réfléchir à comment elle pourrait rattraper son erreur, Samus laissa parler son cœur.
- Mais tu l’étais bien plus encore, avoua-t-elle d’une voix très douce tout en posant sa main contre la sienne.
Surprise, Lissa sursauta presque et plongea son regard éberlué dans celui de Samus. La seconde d’après, elle lui offrit un sourire aussi gigantesque que sincère. Son cœur battit fort dans sa poitrine. Puis, pour apaiser la tension ambiante, pas forcément désagréable, Lissa vint rabattre ses mains sur ses deux couettes blondes qu’elle entortilla.
- Oui, je sais, je sais, ironisa-t-elle, malicieuse.
Après s’être de nouveau regardées, les deux femmes rirent aux éclats. Chaque instant qu’elles passèrent ensemble était source de bonheur et de joie. Au bout d’un certain temps, elles parvinrent à se calmer.
- J’aimerais que Luigi soit là avec nous, avoua-Lissa dans une fin de rire assez mélancolique.
Il y eut ensuite un silence pesant. Samus et Lissa s’en voulurent presque de s’amuser sans leur ami qui ne devait sûrement pas se trouver dans une situation des plus plaisantes en ce moment même. A vrai dire, depuis qu’elle était arrivée à Hyrule, la reine du royaume Champignon avait par conséquent perdu toute communication avec Luigi, car il n’y avait aucune chouette reliant Hyrule et Sarasaland. Elle était persuadée que son ami avait besoin d’aide.
- Je sais que ma nièce a beaucoup de soucis en ce moment, mais je n’ai toujours pas eu l’occasion de lui parler de Luigi … Penses-tu qu’elle serait d’accord pour l’aider ?
- Vouloir c’est une chose, pouvoir en est une autre, philosopha-Samus, soucieuse elle aussi.
- Tu ne pourrais pas aller lui parler toi ? Lui demanda subitement Lissa. Pour lui exposer la situation. C’est ma requête, certes, mais je suis confinée ici …
Samus fronça des sourcils. Elle parut réticente quant à cette idée. Sa première pensée fut à l’encontre de Lucina car elle ne voulait pas la solliciter davantage. Mais elle regretta immédiatement d’avoir pensé à cela. Son ami Luigi avait des problèmes et il était de son devoir de l’aider. Toutefois, elle n’apprécia pas l’idée laisser Lissa ici, même le temps d’une quinzaine de minutes. Deux gardes protégeaient l’entrée mais Samus, bien qu’ayant une grande confiance envers ses soldats, ne faisait confiance qu’à elle-même pour protéger Lissa. Cette dernière avait un regard si insistant que Samus fut presque forcée d’accepter.
- D’accord, acquiesça-t-elle d’un hochement de tête. Je vais la chercher si elle ne dort pas déjà. Nous parlerons toutes les trois, ce sera mieux.
- Parfait ! S’exclama-Lissa, requinquée. Et peux-tu m’apporter une tisane s’il te plaît ? Je meurs de soif !
Samus roula des yeux, toujours autant amusée par l’attitude de Lissa. Elle se leva de sa chaise au même moment où le soleil qui inondait la pièce jusqu’alors, disparut enfin. La nuit était là. Samus se dirigea vers la porte qu’elle ouvrit ; dans l’entrebâillement de celle-ci, elle informa aux deux gardes postés devant l’entrée qu’elle s’absentait quelques instants. Puis, elle se retourna vers Lissa et elles se sourirent mutuellement. Il y avait quelque chose de différent dans leurs sourires : ils semblèrent plus authentiques, plus véritables, presque amoureux.
- Je reviens vite, lui promit-Samus.
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La nuit était déjà là. Si à l’extérieur, les étoiles veillaient paisiblement sur la citadelle d’Hyrule, plongée dans le calme, ce n’était pas la même ambiance dans l’auberge de Dame Yña. Comme chaque soir, l’établissement était bondé de monde. Toutes les tables du rez-de-chaussée étaient réservées et occupées, le personnel s’attelait à préparer les boissons et les danseuses répétaient leurs numéros dans leurs loges.
Le spectacle d’Azura ne tarderait pas à commencer. Dans sa loge, assise sur un fauteuil luxueux, elle termina de se pouponner dans le miroir, fixant son reflet de ses yeux froids. Elle portait une élégante robe couleur bleu nuit, qui, à l’instar de ses très longs cheveux, lui arrivait au niveau des chevilles. La danseuse jeta un bref coup d’œil à sa gauche. Elle avait correctement replacé le coffre dissimulant cette mystérieuse trappe qui reliait l’auberge au château d’Hyrule. Elle n’avait pas eu le temps d’investiguer plus que cela depuis cette surprenante découverte. Elle se reposait sur son amie Phila.
Ayant terminé de se préparer et ayant un peu de temps devant elle, Azura décida d’aller voir Shigure, son enfant. La danseuse quitta donc sa loge, slaloma dans les couloirs pour arriver à la salle de représentation où grouillait un nombre incalculable de clients et d’employés. Afin de ne pas être repérée avant sa représentation, Azura se faufila discrètement à travers la foule et atteignit les escaliers en bois pour monter aux étages supérieurs, là où se trouvaient les chambres de cette auberge.
La chambre d’Azura était située au deuxième étage. Etant donné qu’elle travaillait dans cet établissement, sa patronne, Dame Yña lui avait accordé un certain loyer à un prix bien mon cher que de vrais clients. Elle marcha le long du couloir en parquet et arriva enfin à sa chambre. Azura s’avança dans la pièce et observa un nourrisson, confortablement endormi dans le fond d’un landau. Shigure dormait à poings fermés. Attendrie en voyant son enfant, la jeune femme vint caresser doucement ses petits bras potelés, un grand sourire sur son visage. Azura était certes décrite comme étant une personne froide, distante, impassible donnant souvent l’impression d’être désagréable ; c’est ce qui faisait son charme lors de ses spectacles. Néanmoins, en présence de son enfant, Azura devenait cette mère souriante, bienveillante, douce et profondément aimante.
- Maman revient te voir ce soir, lui susurra-t-elle à l’oreille après l’avoir tendrement embrassé sur le front.
Puis, la danseuse s’éclipsa sans faire un bruit et referma sa chambre à clef. Elle descendit les marches et arriva de nouveau au rez-de-chaussée, tentant toujours de ne pas se faire remarquer. Mais avant de regagner sa loge, Azura s’arrêta au bar et chercha une personne derrière le comptoir. Elle interpella son collègue : un jeune serveur aux cheveux roux, très bien habillé.
- Tifa ne travaille pas ce soir ? Demanda-t-elle toujours aussi froidement.
- Non, elle a demandé à être remplacée, lui répondit-il. Oh … Qu’est-ce que c’est ?
Le serveur s’était soudainement interrompu, ses yeux rivés au loin, à l’entrée. Azura l’imita. Les doubles portes venaient de s’ouvrir brutalement et contre toute-attente, des dizaines et des dizaines d’hommes et femmes pénétrèrent dans l’auberge ; ils semblaient tous armés. Ils arrivaient en masse, encore et encore, ça n’en finissait pas. Ils marchaient deux par deux, ayant tous une idée bien précise de leur destination. Certains des clients remarquèrent cette intrusion pour le moins inattendue mais cela ne diminua en rien au brouhaha dans la salle de représentation. Azura eut le souffle coupé lorsqu’elle s’aperçut que ces mystérieuses personnes venaient d’entrer les uns après les autres, dans le couloir menant à sa propre loge. Elle se retourna rapidement contre le bar, dissimulant son visage.
- C’est qui ces gens ? S’interrogea le serveur, suspicieux.
Azura ne l’entendit pas. Elle commença à comprendre certaines choses. Et si elle voyait juste, la citadelle d’Hyrule tout comme son château, courraient un grave danger, il fallait agir et maintenant.
La danseuse quitta précipitamment le bar et s’empressa de prendre un autre chemin. Elle se dirigea vers la sortie de secours, à l’arrière du bâtiment, sans être repérée par tous ces individus qui ne finissaient pas d’entrer dans l’auberge. Elle courut quelques secondes, subtilisa un long châle sombre posé sur un porte-manteau, s’emmitoufla dedans et poussa violemment la porte de sortie. Lorsqu’elle arriva dehors, dans la ruelle mal éclairée, Azura se retourna et leva sa tête, au deuxième étage. Son fils était là haut, dans sa chambre. Son instinct maternel lui disait de prendre son enfant et de s’enfuir mais sa raison prit le dessus. Avec une immense peine mais aussi avec un grand courage, Azura décida de laisser Shigure à l’auberge où elle estima qu’il était bien plus en sécurité qu’à l’endroit où elle se dirigeait : le château d’Hyrule. L’amener là-bas représentait un énorme danger.
Azura se mit à courir à travers les rues de la citadelle, échappant aux dernières personnes qui pénétraient dans l’auberge. Tandis qu’elle courait à en perdre haleine, les quelques passants dévisagèrent cette amas de vêtements sans retenue. Et alors qu’elle déboula sur un carrefour, débouchant sur le long sentier menant au château, Azura entendit des cris de stupeur. La danseuse passa une énième habitation et se stoppa net.
Une vive lumière inonda les lieux ; elle était si intense qu’elle en aurait presque masqué la pénombre de la nuit. Devant elle, à une trentaine de mètres, un bâtiment brûlait de mille feux. Mais ce n’était pas n’importe quel bâtiment. Résidaient ici l’inspecteur Hershel Layton et tous ses hommes, employés à la protection civile et aux affaires internes de la cour royale. Les cris des citadins affolés n’étaient pas dus à cet incendie mais plutôt à ce qui se déroulait juste devant le bâtiment en flammes. Une dizaine de meurtriers attendaient à l’entrée pour pouvoir assassiner de sang froid les gens qui s’extirpaient de l’établissement. C’était un véritable massacre. Layton et le jeune Joker faisaient-ils partis de ces victimes qui continuèrent de tomber comme des mouches ? De là où elle se trouvait, Azura eut bien du mal à le savoir. De toute manière, la danseuse finit par détourner le regard, accablée par cette vision d’horreur et ces horribles cris. Puis, après avoir replacé son châle pour en en faire une capuche, elle poursuivit sa route, quittant enfin la citadelle en proie au chaos.
Azura courut sur le sentier en pente, menant au château d’Hyrule. Elle se demanda si son local avec Philadelphia, que leur donateur anonyme leur avait gentiment offert, était lui aussi, en train d’être réduits en cendres. Malheureusement, elle n’avait pas eu l’occasion de s’y rendre, ne serait-ce qu’une seule fois. Les regroupements sociaux qu’elle avait voulu organiser avec son amie, ne s’étaient jamais faits et ne se feraient jamais. Perspicace, elle se douta bien que son local était déjà perdu. Mais pour l’instant, ce n’était pas la priorité.
Au bout d’un certain temps, Azura finit par arriver au pont-levis du château, constamment baissé, qu’elle traversa immédiatement. Elle ne dut traverser qu’un couloir ou deux pour débarquer dans la salle des trônes dans un fracas de portes assez violent.
La danseuse, complètement exténuée par sa course effrénée, ne remarqua même pas que Claude et Lucina, tous deux présents dans cette pièce, avaient sorti leurs armes respectives, probablement sur le point de s’affronter. Azura pointa derrière elle, le visage fermé mais trahissant une certaine panique.
- Falcon … Ses hommes … Ils arrivent, ils vont assiéger le château d’une minute à l’autre … C’est un coup d’Etat !
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Voilà !
J'espère que vous avez apprécié ce chapitre !
Comme annoncé, on arrive à un tournant majeur de la fic ... ça va exploser
Idem pour le chapitre 36, où les choses devraient aussi prendre un certain tournant
Merci encore d'avoir lu !