Chapitre 40 :
Peach se perdit à scruter le ciel bleuté. Le soleil était à son zénith et il faisait particulièrement chaud dans ce désert sans fin. Partiellement adossée contre une dune de sable, Peach souffla un coup. Malgré son récent entraînement, son statut de mort-vivante la rattrapait chaque jour un peu plus. Elle était fatiguée mais elle tenait bon. Puis, Peach observa ses jambes fines, pâles, exposées au soleil brûlant. Elle avait revêtu l’uniforme rouge bordeaux des Sublimées mais se l’était elle-même taillée sur-mesure pour au final être habillée d’un haut sans manches, dévoilant le nombril, ainsi qu’un short assez court. C’était la tenue idéale pour combattre. Cependant, ses nouvelles consœurs gardaient leur longue robe rouge ainsi que leur masque accroché à leur ceinture ce qui rendait Peach remarquable comparée aux autres Sublimées ; du moins, presque toutes.
Lorsque l’ex-reine attacha ses longs cheveux blonds en queue de cheval, elle sentit un regard insistant peser sur elle. Parmi la vingtaine de Sublimées qui se trouvaient ici, derrière cette colline ensablée, Shantae la fixa de ses yeux perçants. Celle-ci agita une gourde d’eau sous son nez et Peach hocha la tête. Alors, la Sublimée la lui lança et Peach en but une gorgée.
- Merci, murmura-t-elle.
Si les autres femmes du groupe de tueuses parlaient toutes entre elles, il y eut un silence assez embarrassant entre Shantae et Peach. Elles ne s’étaient quasiment pas reparlées depuis leur combat sur la plage, en pleine nuit ; combat que Peach avait brillamment gagné, gagnant par la même occasion la confiance de ses camarades. Le trajet pour arriver jusqu’ici avait été particulièrement long, près de quinze jours de marche. Et pourtant, les deux femmes n’avaient échangé que des banalités. Mais alors que leur destination approchait à grands pas, Shantae brisa la glace. Elle s’avança vers Peach et s’assit à côté d’elle, tout en continuant de la fixer.
- J’aurais aimé qu’elle nous accompagne, avoua-t-elle la voix grave. Qu’elle nous voit réussir. Ça va être grandiose !
L’ex-reine acquiesça silencieusement. Comme promis à Jeanne, elle n’avait toujours pas parlé des vraies raisons de son départ au reste des Sublimées. Elle avait également décidé de ne rien dévoiler de Tabuu, du Printemps et du nouveau monde qui ne tarderait pas à se créer car cela ne la concernait en rien. Peach avait d’autres desseins plus personnels. Shantae haussa un sourcil.
- T’es sûre qu'elle ne t’a rien dit ? Lui demanda-t-elle, soudainement très douce.
- Non, mentit-Peach facilement. Elle est juste partie dans la jungle.
- Quand on aura conquit ce fichu royaume, elle reviendra ! Jeanne revient toujours ! S’exclama-t-elle, pleine d’espoir. Pas vrai les filles ?
Les Sublimées s’arrêtèrent brusquement dans leur conversation pour approuver les dires de Shantae dans un cri de ralliement. Peach les observa, un peu déboussolée. Qu’allait-il se passer pour elle ? Au même instant, elle se releva et escalada la dune de sable pour voir à l’horizon. Loin, très loin, elle put apercevoir la pointe de la plus haute tour du château de Sarasaland. Le royaume n’était plus qu’à quelques kilomètres. Mais l’œil de Peach s’attarda sur une silhouette toute de rouge vêtue qui accourut dans leur direction.
- Uyana revient, informa-t-elle à ses consœurs.
Alertées, l’ensemble des Sublimées imita Peach et elles grimpèrent la dune pour observer Uyana qui courait vers elles. Lorsque cette dernière revint enfin, elle ne fut même pas essoufflée. Ses longs cheveux noirs épais lui tombèrent sur le visage. Shantae s’avança vers elle.
- Alors ?
- J’ai trouvé un moyen pour rentrer dans le royaume sans se faire repérer.
- Et le château ? L’interrogea-Shantae, inquiète.
- Un vrai jeu d’enfant, ricana son amie.
L’ex bras droit de Jeanne et autoproclamée cheffe remplaçante de ce groupe de tueuses, lança un regard vers Peach avant de se diriger vers elle. Les deux femmes se dévisagèrent encore, comme à leur habitude. Après un nouveau silence, Shantae posa fermement ses deux mains sur les épaules de la nouvelle recrue.
- Bien, tu sais ce qu’il te reste à faire.
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- Aïe !
Luigi venait de tout juste de tomber à même le sol. Comme à son habitude, il prouvait bien qu’il était un peu gauche. Le roi de Sarasaland se releva et une petite bosse apparut immédiatement sur son front. Il tituba à moitié et dut se retenir aux murs de marbre blanc du couloir pour ne pas s’effondrer de nouveau. Sonné, Luigi remarqua pourtant un peu de sable à ses pieds. Lorsqu’il releva la tête, il aperçut une grande fenêtre ouverte.
- Je leur ai pourtant dit qu’il ne faut pas les ouvrir toute la journée, soupira-t-il d’une petite voix.
Luigi sautilla sur place, essayant de fermer cette fenêtre visiblement inaccessible. C’était comme si on lui faisait une farce de mauvais goût. Désespéré et dépité, le roi finit par abandonner. Ses bras retombèrent mollement le long du corps. Mais la seconde d’après, il sursauta.
- Oh non, la réunion ! Je suis en retard ! S’exclama-t-il.
Aussitôt, Luigi courut à toute vitesse et manqua de tomber une seconde fois. Il traversa un dédale de couloirs. Au bout d’un certain temps, il finit par arriver à sa destination. Il poussa deux grandes portes en bois et débarqua dans une grande pièce baignée par la lumière du zénith : il y avait des verrières sur tous les murs ce qui donnait une très belle vue sur le royaume et ses alentours. C’était la salle du Conseil. Six hommes relativement âgés et décrépis étaient rassemblés autour d’une table ovale. Ils dévisagèrent leur roi sans retenue. Celui-ci était littéralement en sueur, essoufflé et sur le point de s’effondrer. Ses six conseillers prirent soudainement la parole.
- Vous êtes en retard, remarqua l’un d’entre eux d’une voix sèche.
- Comme d’habitude, souligna un autre.
Les conseillers gloussèrent en chœur tandis que Luigi, impuissant, se contenta de s’asseoir tristement à sa place, en bout de table. Une fois les rires passés, le roi s’exprima.
- Peut-on me dire quelle est la nature de cette réunion je vous prie ?
C’était si poliment demandé que n’importe qui aurait pu lui répondre avec la même amabilité, mais pas ses conseillers qui lui vouèrent une haine sans faille. Les six hommes se regardèrent tous, médusés.
- Personne ne l’a prévenu ? S’interrogea un vieil homme grassouillet, comme si Luigi n’était pas présent.
- A quoi bon ? Il est là, c’est le principal.
- Alors informons-le.
Luigi soupira longuement sans que personne ne le remarquât. Il détestait ces réunions qui représentaient pour lui une véritable forme de torture mentale. Il était constamment humilié. Enfin, l’un de ses conseillers daigna lui répondre.
- Un membre éminent de votre famille royale a quémandé une audience ce matin même tout via une lettre, tout en gardant l’anonymat.
- Qu’est-ce que … Balbutia-Luigi sans qu’on ne l’écoutât. C’est insensé, tous les membres de ma famille sont décédés …
- C’est assez étrange quand on y pense, fit-remarquer un des vieux hommes qui ignora son roi. Pourquoi diable garder son identité secrète ? Serait-ce Toadette ? Aux dernières nouvelles, c’est elle qui est en charge du Royaume Champignon depuis que l’autre étrangère est allée prendre des vacances à Hyrule …
- Je vous interdis de parler de Lissa en ces termes, dit-Luigi de sa voix fébrile et tremblante.
- Impossible, l’ignora son conseiller, la signature du message n’est connue et n’est utilisée que par les membres de la famille du roi. Reine Daisy ?
- On n’a pas revu cette baroudeuse depuis bien longtemps.
- Et ce n’est pas avec le divorce prononcé par le roi qu’elle va revenir de sitôt.
Les six hommes s’interrogèrent et débattirent longtemps sur l’identité de ce mystérieux visiteur tandis que Luigi bouillonnait intérieurement. Ses conseillers avaient pour habitude de s’en prendre à Lissa autant qu’ils s’en prenaient à lui pour la simple et bonne raison qu’ils étaient en totale opposition avec l’influence grandissante de Chrom et de sa lignée à travers le monde entier. De plus, ils considéraient Lissa comme une opportuniste qui avait volé le trône au couple royal qu’ils adulaient. Et cela énervait Luigi au plus haut point. Mais il n’était pas dupe : il savait très bien que sa colère n’exploserait jamais. Il leur avait dit que s’ils continuaient à le persécuter de la sorte, il ferait appel à Lissa mais ses conseillers lui avaient ri au nez. La situation était désastreuse.
Quant à Daisy, Luigi pensait souvent à elle. Aujourd’hui, il n’éprouvait plus de sentiments amoureux pour elle, hormis un éternel attachement. Il était heureux de l’avoir délivré de cette prison dorée dans laquelle il l’avait lui-même placée. Lorsqu’il était rentré à Sarasaland après son séjour au Royaume Champignon, Luigi avait immédiatement acté le divorce. Son peuple avait très bien réagi mais pas ses conseillers qui avaient été enragés de ne pas pouvoir empêcher cela. Cet événement avait définitivement enterré le peu de sympathie qui restait entre Luigi et ses conseillers. Mais ça, le roi maladroit s’en contre-fichait, tant que Daisy était heureuse.