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Sujet : [SF][Roman] Vertige Stellaire
--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:32:54

PARTIE IV.

8.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:36:11

« Accommoder. Tu dois accommoder. Tu ne peux pas te permettre de rester dans le flou. Il fait noir, tu as peur, et c'est normal. Tu n'es qu'un Homme après tout... Non ? Non, et c'est une évidence. Sinon, que ferais-tu là ? As-tu vu ce qu'ils ont osé te faire ? Ils disaient que tu étais un héros. Mentaient-ils ? Non, c'est sans doute plus compliqué. Tu auras la réponse, un jour, su tu parviens à sortir de ce « noir qui flotte » absolument partout. Tu aimerais croire que c'est le Rezo, qu'enfin, tu as pu dépasser le cap du monde physique pour te perdre dans cette nouvelle dimension, sans mort ni naissance. Ce serait si facile, si agréable. Il n'y aurait plus d'autre choix que de retourner vers Lui. Il t'attendrait, sous la forme de Sa révélation. Il t'affirmerait qu'Il est heureux de te retrouver, enfin, après les années de services dans le monde des Hommes. Il viendrait te consoler, t'adouber, et t'offrir la place qui t'échoie, dans Son panthéon à Lui. Tu deviendrais Son objet, Son fétiche, ton nom partout serait synonyme de gloire et d'exemple.

Tu n'es pas dans le Rezo.

Le froid a remplacé la tiédeur d'un monde utérin, rassurant. Le noir n'est pas plein, ou alors plein de vide, au mieux. Le vide s'est glissé dans l'espace, l'a violé, vidé, vendu. De cette chasse, qui reste ? Toi. Pieds et poings liés dans l'obscurité totale, regard aveugle, sourd, immobile et à jamais en mouvement. A toi seul, tu remplis le maigre espace disponible d'un paradoxe. La contrariété fait place à la contradiction. Tu es dans ce qui n'est pas. Tu deviens Mémoire.

Tu n'es pas dans le Rezo.

Ils t'ont mis dans un tube, c'est certain. Les cybernautes, si loin d'ici que s'en est une autre dimension, réparent ton corps, où t'achèvent. Seraient-ce là la porte de la mort ? Ils ne t’épargneront pas, tu les gênes. Tu as trop de voix, tu as trop crié. Même chez les Inquisiteurs, ta conviction entrave la bonne marche. Idéaliste, tu es et tu resteras. Si seulement tu étais resté sur Terre. Si seulement Gregor t’avait écouté. Tout de suite, là, tu serais bien mieux, mais...

Tu n'es pas dans le Rezo.

Tu as toutes les raisons du monde de croire que tout s'est joué sans toi.
Tu devrais leur dire, que tu es encore vivant. Essaye au moins.

Accommodes. Penche-toi vers la lumière. Ils doivent y être. »

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:37:37

Ils y étaient. Comme Cyrill l'avait pensé. A sa plus grande surprise, aucune entrave ne barrait ses bras ou ses jambes. On l'avait laissé libre. Libre d'actions, libre de pensée. Il se savait sain. Les messages d'alertes avaient disparu. Seule une honte fugace s'attardait encore, désagréable.

— Nous sommes là, major Beik.
— Général Reig ?
— Oui, major. C'est bien moi. Et le colonel Monsian, le lieutenant Evans, le capitaine Orvat.
— Que faites-vous ici ? Et où sommes-nous ?
— Dans un convoyeur, avec vous, afin de nous assurer que vous ne fuirez pas au moment fatidique.
— De quel moment fatidique...

Cyrill laissa la phrase en suspens. Une pensée le traversa.

— Vous avez fait évacuer Regor, c'est cela ?
— Oui. Nous n'avions pas le choix.
— Bien sûr que si...
— Major, une tempête a balayé ce qui restait de Port Moscou le matin. D'autres civils et d'autres soldats sont morts, faute d'avoir pu évacuer tout le monde à temps. Non, nous n'avions plus le choix. Je ne tenais pas à ce que davantage de monde ne meurt.
— Et moi ?
— Vous ? En stase, sous bonne garde. Lorsque la tempête s'est calmé et que nous avons pu évacuer sur les croiseurs, nous avons fait le nécessaire pour vous soigner. Déficit en neuro-transmetteur, syndrome frontal, choc septique. Vous avez eu chaud, major. Très chaud.
— Je vous remercie de vous occuper de ma santé... Mais à quoi bon ? Vous avez trahi la planète.
— J'ai repris un pouvoir qui vous encombrez. En réalité, même votre prise de pouvoir n'était qu'une jolie mise en scène.
— Vous plaisantez ? Des militaires m'ont suivi volontiers.
— Parce que j'en ai donné l'ordre. Parce que Klim devait céder sa place.
— Pourquoi ne pas lui avoir succédé ?
— Il devait en être ainsi.
— Cela n'a aucun sens... Vous êtes le plus gradé, après lui.
— On m'en donné l'ordre, major.
— Qui ça, « on » ?
— Ceux qui avaient prédit la catastrophe de Regor. Ceux qui nous ont demandé de ne surtout pas agir différemment du plan qu'ils avaient monté, pour survivre.

Reig marqua une pause.

— Ceux qui ont demandé que l'on vous livre à eux, major.
— Qu'est-ce que vous voulez dire...
— Ils sont puissants, Cyrill. Ils ont vu à travers le temps. Ils nous ont sauvé. Je ne pouvais pas refuser leur offre, même si certains sacrifices devaient être nécessaire.

Un sas s'ouvrit, derrière Cyrill. Doucement, la gravité diminua, les hommes se mirent à flotter, avant que leurs bottes ne se verrouillent sur la paroi. Sauf celles du major.

— Votre survie était la garantie de la nôtre.
— Attendez, général …

Reig fixa Cyrill, ému.

— Je suis fier d'avoir servi à vos côtés, major. Puisse le Dieu-Machine vous bénir.
— Attendez !

L'air siffla, disparut. Cyrill glissa, trop rapidement, et l'intérieur tiède du convoyeur fit place à la nuit glacial, atone, de l'espace. Un court instant, Cyrill pensa mourir.

La cale aussi froide que le vide le cueillit sans le bousculer. Il tomba à genoux. Une faible lumière éclairait un Cube. Son Cube. Brillant d'une aura qu'il ne lui connaissait pas.

— Qu'est-ce que...
— Cyr... Cyrill Beik ?
— Vous êtes qui ? Qu'est-ce que vous avez promis à Reig ?

Pas de réponse.

— Vous êtes qui, bordel !

A nouveau, le silence.

— Fais chier !

Cyrill avança jusqu'au cube, tenta de le toucher. Un éclair violacé s'en échappa, percuta sa main, noirci le métal.

— Cyrill Beik...
— Ouais, c'est moi.
— Tu vas … venir avec nous. Nous avons beaucoup de choses à mettre en commun.
— Comme quoi ?
— Cyrill Beik ?
— Oui, c'est toujours moi. Qu'est-ce que vous voulez à la fin ?

La voix se tut à nouveau. Cyrill s'éloigna du Cube, conscient du danger qu'il pouvait représenter.

Un flash. Un goût sur la langue, celui du sucre, qui rongea sa bouche en un instant.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Nous apprenons à te connaître, Cyrill Beik.
— Pourtant, vous m'avez réclamé. Vous devez savoir qui je suis, non ?
— Et toi, le sais-tu ?
— Bien sûr. Major Cyrill Beik, Inquisiteur de la Sainte Cléricature, serviteur du Dieu-Machine.
— Non, c'est faux. Ce n'est pas encore arrivé.
— Ça n'a aucun sens !
— Cyrill Beik ?
— Non, je ne répondrai plus...

Il s'éloigna davantage, dans l'obscurité. Le froid tirait la peau de son visage, engourdi. Reig. S'il le retrouvait, il le tuerait de ses propres mains.

— Cyrill Beik ?

A son tour, il resta silencieux. Un souffle tiède vint de l'extérieur des parois.

— Cyrill Beik, je ne suis pas votre ennemi.
— Personne n'est mon allié...
— Sauf le Dieu-Machine. Mais ce n'est pas encore arrivé. Le temps n'est pas révolu.
— Je ne comprends rien à ce que vous dites. Expliquez-moi.
— Nous ne pouvons pas. Nous n'en sommes pas capables. Mais nous pouvons vous aider. Nous comprenons votre combat.
— Contre la Terre ? Vous savez ce qui se passe sur Terre ?
— Nous avons senti la guerre. Nous sommes capables de cela.
— Et vous voulez m'aider ?

La voix se tut. Cyrill se releva.

— Nous souhaitons vous aider, Cyrill Beik. Pour que ce qui doit advenir advienne dans cet univers.

Cyrill ne répondit pas.

— J'imagine que, de toute façon, vous me tuez, sinon...
— Nous ne pouvons ni vous tuer, ni vous contraindre. Vous seul savez ce que la Terre cache.
— La pire vermine, la plus mauvaise.
— Nous vous aiderons, Cyrill Beik.
— Alors expliquez-moi tout. Depuis le début.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:38:46

L'écho de ses pas résonnait dans le vide de la structure. Il marchait depuis des heures, guidé par la même voix, sur un chemin rectiligne, comme infini. La voix lui avait promis de l'aide, il lui avait demandé ce qu'elle voulait dire, plusieurs fois, mais elle s'était tu. Parfois, elle se manifestait, lui indiquait le chemin, éclairait la pénombre qui noyait son antre. Le Cube, lui, flottait à quelques mètres de Cyrill, porteur de la même lueur étrange, orange et mat, qui ne pouvait pas le guider dans ce qui ressemblait de plus en plus à un dédale.

— Par ici, Cyrill Beik.

Un immense pilier s'illumina, à sa droite. Il bifurqua, se retrouvant devant une porte ridiculement petite au regard des dimensions des couloirs qu'il venait d'arpenter.

— Là-dedans ?
— Nous sommes derrière la porte. Nous sommes derrière chaque porte, Cyrill Beik. Ceci est notre univers, vous en faîtes parti maintenant.

La manière que la voix avait de former ses phrases l'énervait au plus haut point. Il se taisait, par politesse, par crainte aussi. L'espèce capable de bâtir un tel vaisseau pouvait sans aucun doute le tuer sans force, d'une simple pensée. La promesse d'une vengeance contre la Terre le dissuadait fortement de tenter de mourir, d'une façon ou d'une autre.

— Quand répondrez-vous à mes questions ? J'ai besoin de savoir.
— Nous aussi, Cyrill Beik. Nous avons hâte d'entendre votre récit.
— Cela fait des heures que je marche.
— Nous savons, nous avons vu, nous avons provoqué cette marche. Nous avons besoin de vous connaître, Cyrill Beik. D'être sûr de ce que renferme votre corps.
— Attendez... Je ne suis pas sûr de comprendre.
— La porte. La réponse est derrière la porte, Cyrill Beik.
— Ah, oui, c'est vrai. La porte.

Cyrill la poussa. Ce qu'il trouva derrière l'étonna. Une chaise, une table, une sorte de lueur pourpre, au fond d’une pièce carrée, qui pulsait par intermittence.

— Asseyez-vous, Cyrill Beik.
— Qu'est-ce que c'est que ça ?
— Asseyez-vous, Cyrill Beik.
— Bien.

Cyrill obéit, s'installa sur la chaise. Quelque chose le dérangeait. La chaise elle-même était trop raide, mal proportionné. Elle était trop... trop parfaite. Il se demanda pourquoi. Le reste de la pièce, enfin, ressemblait davantage à un bureau d'interrogatoire qu'au lieu d'échange confortable auquel il s'attendait. « Ou bien tout cela n'est qu'une illusion ? Peut-être que je n'ai pas bougé... »
— Maintenant, que fait-on ?

— Nous voudrions commencer par vous remercier, Cyrill Beik. Vous avez accepté de nous aider.
— Ce n'est pas ce que vous avez dit au début ?
— Non, pas exactement, peut-être. Les idées changent.
— Je suis uniquement là pour retourner sur Terre. Vous avez promis de m'aider.
— En effet.
— Il suffit que je vous donne les coordonnées j'imagine ?
— Nous savons où se trouve la Terre. Depuis longtemps. Grâce à ce que vous appelez les Cubes.
— C'est vous, les Cubes ?
— Oui. Depuis longtemps.
— Si vous savez où est la Terre, pourquoi avoir besoin de moi ?
— Vous êtes indispensables, Cyrill Beik.
— Pas plus qu'un autre. Pourquoi moi, d'ailleurs ? Pourquoi avoir attendu ?
— Il le fallait. Vous détenez des informations qui nous sont utiles.

Cyrill ricana.

— Je crois que je viens de comprendre.
— Vous êtes perspicaces, Cyrill Beik, comme nous nous y attendions.
— Vous n'êtes pas humains.
— Notre nature échappe à la notion même de nature. Nous sommes ce qui est sans être. Nous existons, sans exister complètement. Nous sommes finis, et pourtant incomplets...
— Et vous parlez sans que personne n'y comprenne rien, coupa Cyrill.
— Si le sens vous échappe, n'y en-a-t-il pas ?
— Je m'en moque. Tout ce que je sais, c'est que vous vouliez m'aider. Mais je ne suis pas dupe. Vous avez besoin de moi pour une raison que j'ignore. Vous refusez de me dire pourquoi. Vous dites vouloir m'aider à retourner sur Terre faire un grand ménage, mais qui me dit que vous n'allez pas me tuer une fois que vous aurez ce que vous cherchez ?
— Le mensonge n'est pas utile, Cyrill Beik.
— Par contre, l'omission et le secret, oui.
— Certains concepts ne peuvent être intégrés par le cerveau humain. Nous le savons. Nous l'avons vu.
— Et j'imagine que vous avez essayé de m'implanter plein de petits espions dans l'esprit.

La lumière pourpre pulsa.

— La violence ne mène à rien.
— Dans ce cas, jetez-moi dans un cachot. Je suis persuadé du contraire.
— La colère non plus. Vous n'êtes pas sujet à la colère, Cyrill Beik.
— Qu'en savez-vous ?
— Nous avons eu accès à bien des choses, quand vous étiez endormi. Celui que vous nommez « général Klim » nous a confié votre histoire. Et vous n'êtes pas sujet à la colère. Simplement à la vengeance, Cyrill Beik. Voilà pourquoi nous avons besoin de vous : la vengeance sera votre moteur, et vous, vous serez notre moteur.
— Vous n'avez pas besoin de moi pour aller sur Terre. Pourquoi aller sur Terre d'ailleurs ?
— Corriger une erreur.
— Ou faire la guerre.
— La violence n'est pas la solution que nous pouvons sereinement envisager.
— Personne ne le peut.
— Si. Vous. Cyrill Beik. La violence, mais sans la colère.

Il explosa de rire.

— Ça ne veut strictement rien dire.
— Tout cela a un sens.
— Non.
— Tout cela a un sens, répéta la voix.
— Pas pour moi.
— Tout cela a un sens.
— Allez-vous faire foutre ! Ça ne prend plus.

La lueur déclina. La pièce demeura plongée dans une faible pénombre. Cyrill réactiva les correcteurs optiques.

— Nous ne pouvons vous contraindre, Cyrill Beik. Nous n'avons aucun intérêt à le faire.
— Bien. Dans ce cas, disséquez-moi. Que l'on rit un peu.
— Vous n'êtes plus sujet à la douleur physique.
— Bonne réponse.
— La contrainte n'a aucune influence sur vous.
— C'est normal. Vous avez sans doute remarqué que je n'étais pas un humain comme un autre.
— Vous êtes une évolution, Cyrill Beik.
— Mécanisation.

Il fit tinter son torse en le frappant de son poing droit.

— Le futur de l'Homme.
— Est-ce que vous croyez ?
— Vous devriez le savoir. Vous avez lu mon dossier.
— Les différences sont grandes, Cyrill Beik. Nous remarquons un décalage. Deux vérités. Deux conclusions.
— Laissez-moi deviner... Vous hésitez entre me tuer et me torturer. Mais aucun des deux n'est envisageable... Car il vous manque quelque chose. Quelque chose que moi aussi j'ignore.
— Nous ne voulons pas être votre ennemi.
— Et si je change d'avis ? Si, après tout, je ne veux plus attaquer la Terre ?
— Nous accepterons votre choix.
— Comme ça, sans contrepartie ?
— Nous vous laisserons aux mains de celui que vous nommez « général Klim ».
— Et la Terre ?
— Corriger l'erreur n'est pas acté dans le temps. Tout est possible. La relativité du temps n'est qu'une variable ajustable.
— Autrement dit, vous attendrez.
— C'est une vision correcte de votre réalité.

Cyrill se tut. Il réfléchit. La voix n'avait pas l'air agressive, encore moins violente. Elle semblait sincère. Mais la démarche, elle, le gênait.

— J'ai besoin de temps. Pour réfléchir.
— Devons-nous comprendre que le l'aspect du vaisseau vous est désagréable, Cyrill Beik ?
— Entre autre.

Un lourd silence retomba. Cyrill patienta, avant de répondre.

— Que fait-on ?
— Nous réfléchissons à une solution qui favoriserait nos deux parties. Nous croyons qu'effectivement, votre retour parmi les vôtres serait un bon compromis afin de ne pas rompre l'entente cordiale que nous souhaitons tisser.
— Faites donc.
— Vous en souhaitez pas rester ici ?
— A votre avis.
— Très bien.

Une nouvelle porte se dessina, à côté de l'endroit où avait brillé la lueur pourpre.

— Derrière la paroi, vous trouverez un vaisseau. Il vous ramènera à votre croiseur.
— Klim n'est pas parti.
— Nous avons demandé à celui que vous nommez « général Klim » d'attendre nos instructions. Nous ne pouvions envisager la rupture des relations de manière non amicale comme une solution viable.
— Prévoyant, avec ça.
— Nous attendrons votre retour, Cyrill Beik.
— Je ne compte pas vous abandonner.

« Les imbéciles », s'amusa Cyrill, en poussant la porte.

La voix n'avait pas menti. Il se retrouva dans un ovoïde parfait, juste assez grand pour le contenir. Un siège se moula sous lui. Confortable, parfaitement adapté à sa morphologie, et qui tranchait avec la salle précédente.

L'horizon devant lui n'était qu'étoiles. Une fraction de seconde plus tard, le temps d'un battement de cil, il se trouvait face à l'un des sas qui l'avait expulsé du croiseur.

— Ils ne vont pas être déçu de mon retour, s'amusa-t-il, tandis que l'ovoïde s'accrochait au vaisseau.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:39:56

Réveil. Cyrill avait du mal à émerger. Il lui semblait que quelque chose devait arriver. Quelque chose qui ressemblait à ce qui allait se passer. Une situation de déjà vu... Cela le déstabilisa. Depuis trop longtemps, son cerveau d'hybride effaçait ce type de défaut. Pas aujourd'hui.

— Major Beik ?
— Oui, c'est moi... Mais, général Klim, que faites-vous ici ?
— Nous attendions votre réveil, major. Votre... Votre crise. Elle a surpris tout le monde, moi le premier.
— Que devrais-je dire ? Ricana Cyrill. Je ne pensais pas que la guerre pouvait avoir cet effet là sur moi.
— Il y a une autre raison, en vérité.

Cyrill, comme surprit, tourna la tête de droite et de gauche.

— Vous ne me mettez pas aux arrêts ?
— Inutile de vous entraver, major. Nous savions très bien que vous étiez en mesure de recouvrer la raison.
— Vous avez tenu un pari risqué.
— Mais payant.
— J'imagine également que vous m'avez destitué de mes fonctions de gouverneur de Regor, organisé l'évacuation, et que nous sommes à bord d'un de nos croiseurs...

« Je ne devrais pas savoir tout cela », songea-t-il.

— Toujours aussi perspicace. Je m'étonne de vos capacités de déduction, et ce, en dépit de vos qualités d'Inquisteurs. Vous ne cesserez jamais de m'étonner...
— Attendez une minute... Il y a autre chose.
— Oui, en effet.
— Cela m'échappe...
— C’est bien normal, major, puisque nous ne vous en avons pas encore informé.
— De quoi donc ?

Klim se tut. Reig poursuivit, comme si la chose était naturelle.

— Un vaisseau d'une nature inconnue a surgi au-dessus de Regor, alors que nous nous apprêtions à quitter notre orbite. Un message nous a été adressé. Les xénos — nous ne savons toujours pas à quoi ils ressemblent — ont demandé à vous rencontrer, vous.
Naturellement, nous n'étions pas en position de négociation. Nous leur avons demandé d'attendre, ce qu'ils ont fait. Ils attendaient votre réveil pour qu'une rencontre s'organise.

— A notre bord ?
— Vous préférez vous rendre sur leur vaisseau, major ? Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne idée. Les proportions de la « chose » sont proprement stupéfiantes.
— Mais encore ?
— Il a plus de cent kilomètre de longueur, vingt de diamètre au plus large. Le blindage est opaque à tout scan. Le peuple qui a conçu ce bâtiment savait ce qu'il faisait. Et je pense qu'il vaut mieux éviter à la fois les provocations et les imprudences.
— Ils envoient un émissaire, c'est ça ?
— Ce que nous avons décidé, en effet mais... Mais comment le savez-vous ?
— Déduction, mon général, répondit Cyrill en s'adressant à Reig. Je suppose qu'ils ne veulent pas juste d'un contact holo. Puisqu'ils veulent me rencontrer, moi.
— Nous avons fait préparer une pièce, à côté d'un des sas. Ils nous ont simplement demandé de les prévenir, lorsque vous seriez prêt.
— J'imagine que je n'ai pas le choix ?
— Il vaudrait mieux ne pas les contrarier.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:40:21

PARTIE IV.

9.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:43:23

Regor n'était pas vide. Ils avaient menti, tous autant qu'ils étaient. Sur la surface, une tente de secours résistait, accrochées aux reste de l'astroport. Un vieil homme s'y tenait, chancelant, survivant des denrées qu'il avait trouvé en quantité dans les hangars pourrissant qui jouxtaient son abri de fortune. D'un coup de dent, il entama un sachet d'aluminium, et aspira avec avidité son contenue. Son regard, lui se perdait au loin, dans le désert.

Une pensée, fugace, lui revint en esprit. Des traits se dessinaient, il n'en comprenait pas le sens. L'idée lui échappait, mais il comprenait qu'elle ne pouvait qu'être essentielle. C'était pour elle qu'il s'accrochait. L'espoir de la revoir le caressait chaque jour. Et chaque fois que le soleil déclinait, qu'il retournait dans la sécurité relative de la tente, il pleurait, conscient d'avoir à nouveau oublié. Pourtant, à cet instant où la nuit croisait le jour, elle lui battait si fortement les tempes qu'il lui semblait qu'elle pouvait sortir à tout instant. Mais non. Elle refusait, pour toujours.

L'idée. L'obsession de sa vie. La réponse à sa présence ici. Une grande souffrance l'envahit, serrant sa poitrine. Il l'avait perdu, encore.

Près de son matelas de fortune, une lueur orangé et mat se distinguait à grand peine. Le Cube luisait de son éclat pulsatile, suivait son rythme. Monotone et perpétuel.

Le vieil homme, lui, continuait d'oublier.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 22:43:42

PARTIE IV.

10.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:07:18

Le brouillard avait fait suite à la bruine. Le ciel s'était comme écrasé, répandant son voile vaporeux entre les ruines aux courbes douces. Presque soyeux, l'éclat du soleil d'Alioth s'étranglait dans une fraîcheur et une humidité qui arrachèrent un frisson à Viltis.

— Il fait froid. Je peux rentrer, maître ?
— Nous avons besoin de ta présence, répondit Flinn.
— Mais j 'ai froid...

Le cyborg daigna sortir des observations projetées dans sa vision virtuelle. Il dévisagea l'adolescent.

— L'armure, encore ?
— Je ne sais pas pourquoi, maître.
— Les cybernautes l'ont vérifié quand la dernière fois ?
— Il y a trois jours, avant d'arriver ici.
— C'est étrange. Les systèmes de confort ne devraient pas lâcher comme cela... Viltis ?

Flinn le dominait de sa masse, dressé sur un piton qui surplombait la masse grise et informe qui noyait le site. Viltis le considérait, flou, distant de quelques mètres à peine.

— As-tu utilisé tes capacités ? Pour bouger une pierre, retrouver quelque chose ?
— Non, absolument pas.
— Tu n'as même pas essayé ?
— Pourquoi l'aurais-je fait ? Il n'y avait rien d'intéressant.
— Je ne sais pas... Pour t’entraîner,
— Je n'en ai pas besoin, maître. Je pense que … vous le savez très bien.

La remarque irrita Flinn. Viltis développait un don agaçant pour la suffisance et l'audace. Mais il ne pouvait pas le contrarier, pas encore. Il s'était montré par trop utile sur les autres chantiers de foules. Le dernier en date, un carré creusé dans le sol d’un canyon asséché, avait été le spectacle de sa maîtrise et de l’évolution toujours plus impressionnante de son don. Lorsque Viltis avait fendu une falaise haute de plusieurs centaines de mètres d'un seul coup d'œil, en détachant un morceau lourd de plusieurs dizaines de milliers de tonnes, avant de le remettre en place sans que rien d'un tel prodige ne soit visible, le Naneyë s'interrogea un court instant sur sa capacité à arrêter le garçon. Si quelque chose tournait mal.
Accepter ses piques n'était qu'un désagrément nécessaire, avec lequel il fallait bien s’accommoder.

— Eh bien... Bon, rentre. Je te ferais appeler quand nous en viendrons à la partie délicate de ce petit jeu.
— Drôle de jeu, n'est-ce pas, maître ?
— Oui, si on veut.

L'espace d'une seconde, Flinn crut avoir vu Viltis voler. Juste au-dessus du sol, si peu de temps qu'il se persuada qu'il ne pouvait s'agir que d'une illusion.

« Si mes yeux me trompent, les senseurs qui enregistrent l’activité électromagnétique, non ».

Viltis avait volé. De quelques centimètres.
Et il s'était servi de son pouvoir. Pour une action dont Flinn ignorait tout.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:08:37

Le hameau des tentes scintillait des lueurs de l'éclairage bleu des LED disposés pour guider les agents du chantier de fouille. Viltis considéra cet assemblage fantomatique, presque absent, se demanda s'il devait y aller ou partir. Il avait déjà pris sa décision en quittant le colonel, quelques minutes auparavant. Tout ici l'ennuyait. Le temps trop long, la pluie, le vent. Il ne trouvait rien à la hauteur de son désir depuis son exploit dans le site des gorges. Il ferma les yeux, sourit. Il pouvait revivre la sensation qui l'avait parcouru, grisé, lorsque la roche s'était séparé dans un bruit infernal, arraché au sol, avant de venir modifier la luminosité du site. Il s'était senti fier, important. Non parce que son mentor l'avait félicité. Mais au contraire, face à son silence, l'éclat noir de son œil vivant à son adresse, et la masse des émotions qui émanaient de sa personne. Ignorer un tel avertissement eut été imprudent. Jouer avec était des plus excitants. Et face à son ennui, Viltis avait choisi de faire feu de tout bois.

L'excuse de l'armure le sauvait temporairement de son statut d'observateur passif, attendant le bon vouloir d'autorités qui, de toute façon, n'y comprendraient jamais rien. Le service du Dieu-Machine se révélait plat, souvent sans intérêt, ponctué de discussions longues, presque stériles, où chaque décision devait s'arracher au prix d'un effort monumental contre l’immobilisme des décideurs. Il pouvait sentir l'équipe de recherche bouillonner intérieurement, et comme lui attendre que quelque chose de vraiment intéressant se produise. Le plus fébrile de tous était sans aucun doute Evan. Le cybernaute avait travaillé avec tant d'ardeur sur l'histoire des Naneyë se voyait refuser bon nombre de prérogatives. La haine envahissait son jugement, embrumait son psychisme. L'onde nette et brillante des processus de régulations des implants cybernétiques ne pouvait faire totalement disparaître l'impression tempétueuse qui se dessinait, et qui, doucement, entamait de corrompre le jugement du jeune chercheur.

Se sachant différent, Viltis s'en amusait, cruel.

Fébrile, il détourna ses pensées. Derrière le campement, à l'abri des regards, il y avait un vallon légèrement ovale, couvert de roches noire et dense. Un basalte extrêmement dur. Viltis l'avait repéré depuis qu'ils étaient arrivés, et s'était demandé s'il pourrait mettre à l'épreuve la dernière de ses idées. Calme, il avança jusqu'au centre de la cuvette, les mains dépliées, comme regardant le sol. Il pouvait sentir le froid pénétrer en lui avec violence, le rendre plus vivant, plus fragile aussi. La pierre n'était pas si inerte qu'elle le laissait à penser. Elle réagissait. Dense, mobile. L'idée se précisa.

Un grondement long de plusieurs dizaines de secondes rongea l'air ambiant. Dans la brume persistante, le sol se déforma, présenta un renflement qui devint monticule, puis boule. Viltis remonta ses mains au-dessus de sa tête, laissant à voir la taille de sa création. Trois mètres de rien, entre le sol et elle, puis trente mètres planes, parfaites, retravaillés à la simple force de sa suggestion.

— Es-tu si souple que tu refuses de l'admettre ?

Il rapprocha ses mains, lentement. Le froid disparut, la chaleur se fit presque mordante. L'air vibra, dans des harmoniques que ses oreilles ne pouvaient percevoir. Une force palpable l'envahissait, tandis que la sphère se mit à rétrécir. Sous la barre des vingt-cinq mètres, toute eau et matière incompressible en était sorti. Vingt mètres, et une lueur rouge, à peine décelable à l'œil, se manifesta. Quinze mètre, orange. Dix mètres, rouge. Les vibrations redoublèrent, inversant les harmoniques, basculant dans les basses. A cinq mètre de diamètre, le jaune céda la place au blanc. Trois mètres, et le bleu, puis un mètre, le violet. L'émanation devenait violente, surchargée. Viltis percevait les vagues d'ultraviolets qui s'échappait de la structure, vrillant la gravité localement. La roche pouvait être plus difficilement compacté.

« En modifiant la gravité, je pourrais voir d'autres effets... Créer une singularité ? Un trou noir ? Ça ne serait pas impossible. Ça ne ferait de mal à personne, puisque personne n'en saurait rien. Ils sont tous occupés, ou font semblant de l'être. »

L'idée lui plut aussitôt. Rien ne serait impressionnant, mais lui, il pourrait enfin observer le résultat de ses propres actions conscientes avec une telle acuité sur un tel phénomène que rien ne pouvait être plus motivant.

Il ferma brusquement ses mains. La lumière disparut totalement. L'émission d'ultraviolets creva les plafonds. Des senseurs de son armure crachèrent des messages d'alertes.

« Faire vite. Ils vont tous s'en rendre compte ».

La masse de l'objet s’accrut si fortement que la cuvette laissé par l'extraction de la matière se combla. Un horizon déformé se format devant Viltis. La sphère, à dix mètres de lui, n'était plus qu'une tête d’épingle noire. Un noir qui aspirait toute lumière autour de lui.

— Ça y est, murmura-t-il. Ça prend.
— Viltis ? Cria une voix en provenance du camp.
— Merde.

Avant qu'il ne puisse tenter quoique ce soit, une main puissante s'était posé sur son épaule. Ni agressive, ni intrusive, mais suffisamment présente pour l'inciter à stopper son expérience.

— Si j'étais toi, j'arrêterai ça, tout de suite. A moins que tu veuilles tous nous tuer d'ici... Trois minutes ?
— Je maîtrise la situation, Evan. Pourquoi t'inquiéter ?
— La nature des ondes qu'émet ce … machin est tellement caractéristique qu'il serait difficile de passer à côté.
— Tu es ridicule. Je croyais que tu aimais bien les expériences.
— Sauf quand l'expérience en question est un trou noir en puissance qui est tout sauf stable, et que je me trouve un peu trop près pour me sentir menacé.
— Dis-moi, tu penses que le peu de temps relatif que j'aurais passé à côté sera suffisant pour que je le ressente ? Cela fait combien de temps que tu es parti du camp ? Cinq minutes, ou trois jours ?
— Arrête ça, Viltis. Où je contacte le colonel.

La simple pensée d'un sermon désagréable suggéra à Viltis qu'il était sans doute temps d'arrêter ce jeu. Il était arrivé à son terme, ce qui restait le principal. Lentement, la masse de l'objet décru, tandis que Viltis le relâchait. Son volume augmenta rapidement, jusqu'à ne plus former qu'une masse blanche, large de vingt mètre, qui se répandit sur le sol en sifflant au contact de l'air.

— A quelle température se trouve la roche, Evan ?
— Dix millions de degrés Celsius... Viltis, tu es complètement malade ?
— C'était amusant, concéda l'adolescent.
— Tu aurais très bien pu tous nous tuer !
— Qu'est-ce que cela aurait changé ?
— Te rends-tu compte de la situation ?

Ana apparut, le visage couvert de rosé. Un éclat de peur brillait dans son regard.

— Ne lui dit rien, murmura Viltis à Evan. Elle dirait tout au colonel.
— Je devrais me gêner.
— S'il te plait.
— Très bien Viltis, mais ne considère pas l'affaire comme close.

L’adolescent acquiesça. Il sentait la chaleur de la roche en fusion se propager trop rapidement aux alentours. Il ne pensait pas avoir ce problème à gérer.

— Qu'est ce qui se passe ici ? Questionna Ana, en dévisageant les deux jeunes hommes.
— Viltis s’entraîne, concéda Evan. Comme d'habitude, quand il n'a rien à faire.

Elle leva les yeux au ciel.

— Tu devais rester avec le colonel.
— Je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi. Tu n'es pas mon mentor.
— Peut-être, mais tu n'as pas à me parler sur ce ton. Avec le brouillard qu'il y a... Viltis, c'est quoi derrière toi ?

L'adolescent se retourna. La chaleur restait trop importante. Il devait l'évacuer, ce qu'il fit en doublant le volume de la roche. Des poches d'airs apparurent, grésillant sinistrement au contact de l'eau.

— Rien. C'est un peu chaud, c'est tout.
— N'oublie pas que le colonel n'aime pas franchement quand tu fais cela sans son autorisation.
— Et après ? Qu'est-ce que tu vas faire ? Aller le voir ?
— Oui, je pourrais, répliqua Ana sans ciller. Tu sais très bien que c'est dangereux.
— Plus dangereux que de réveiller les souvenirs d’une civilisation morte ? Ça, c'est certain. Au moins, c'est un peu plus vivant.
— Viltis, modéra Evan.
— Non, laisse, je vais m'occuper de lui toute seule... Quant à toi Viltis...
— C'était un trou noir, Ana. De quelques microns de diamètres. Il était sur le point d'être parfaitement réel.
— Tu... Tu as fait quoi ?
— Tu as très bien entendu. Alors ne crois pas que tes petites menaces continuent à prendre avec moi.

Viltis commença à s'éloigner, le pas lourd.

— Et où vas-tu ?
— Je retourne au camp. Mais regardez bien la pierre. Regardez bien ce qui lui est arrivé. Elle avait un poids de plusieurs milliers de tonnes. Et considérez ce qui pourrait arriver si jamais vous vous avisiez à me faire la morale encore une fois...

Il les fixa, sourd à leur inquiétude, et satisfait de son impression, se retira dans les quartiers de Flinn.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:09:30

Tous les techniciens, les chercheurs, les scientifiques et les cybernautes s'étaient rassemblés, comme Flinn l'avait demandé. Pas sous la tente, mais à l'extérieur, car la place n'était pas suffisante. A la hâte, plusieurs projecteurs avaient été branchés, et profitant de la nuit sombre qui venait de tomber sur le camp, Flinn en avait profité pour peaufiner les derniers détails de sa conclusion. Compulser les données comme il l'avait fait depuis bientôt deux semaines l'avait épuisé. Même ses capacités cybernétiques lui semblaient avoir souffert du travail qu'il leur avait demandé. A sa plus grande satisfaction, il l'avait terminé, en temps et en heure. Et il pouvait voir la curiosité, l'attente, dans le regard de ceux qui l'avaient servi sans trop rechigner pendant le temps des fouilles.
Il se leva du siège où il avait patienté dix minutes. Une pierre dans la main, il commença à arpenter le sol autour des projections holos.

— C'était bien ce que je pensais, déclara-t-il, sans préambule.
— Et à quoi pensiez-vous, colonel ?
— Ne vous aurais-je pas fait part de mes connaissances, Mac Mullan ? Vous êtes toujours aussi bon observateur, à ce que je vois. Vos habitudes de vieux brigand ne vous ont pas lâchés.

Tout le monde rit doucement.

— A mon plus grand déplaisir, colonel, il semblerait que non.
— Voilà qui nous rassure !
— Blague à part, quelle était votre hypothèse de départ ?
— Elle tenait en une phrase : la race responsable de l'extinction de la civilisation aliothine est celle qui a fabriqué les Cubes.
— Comment en êtes-vous arrivé à une telle hypothèse ?
— Le savoir de mon peuple, son histoire, ses légendes, que j'ai repris, auxquelles j'ai réfléchi, avant de faire un parallèle entre ces vieux récits et ce que la Confédération a compris et observé des Cubes.
— Vos Sages vous auront bien guidé.
— Sans eux, nous n'aurions pu avoir les pistes de réflexion qui m'ont conduit à cela. Et sans vous, je serais encore en train de gratter quelques cailloux poussiéreux.

A nouveau, la foule se laissa aller.

— Je suis très heureux d'avoir opéré à vos côtés, concéda Flinn. Vous m'avez été d'un grand secours.
— Nous aussi, colonel. Cela a été un honneur... Mais la question n'est pas réglée. Maintenant que vous savez qui a conçu les Cubes... Il serait peut-être temps de mettre un plan d'action en place ? Nous ne pouvons décemment pas vivre avec un telle menace au-dessus de la tête.
— Oui, c'est exact Mac Mullan. Néanmoins, il se trouve que les actions à entreprendre par la suite relève sans doute davantage de la sphère militaire que civile.
— J'ignorais que vous refusiez que nous combattions avec nos microscopes et nos pioches.
— Toujours aussi fin, Mac Mullan. Je crois que finalement, vous allez tous nous manquer en rentrant sur Terre.
— Quand le départ est-il prévu ? Demanda un autre scientifique.
— D'ici trente-six-heures. Nous nous reposerons un peu avant de quitter le campement. Nous devons repasser par la cité centrale. Je dois rendre quelques comptes.
— Vous n'oublierez pas de saluer votre père de notre part.
— Je n'y manquerai pas, Mac Mullan. En attendant... Profitez de la soirée pour terminer ce que vous avez à terminer. Et détendez-vous un peu, vous en avez tous bien besoin.

Il quitta la scène qu'il avait mis en place, laissa naviguer sur le Rezo local un dossier de conclusions à destination des civils, largement édulcorés de nombreux éléments dont lui seul avait connaissance. C'était déloyal, mais cela lui suffirait amplement pour bénéficier d'une paix bien mérité jusqu'à son retour sur Terre.

« Ils vont faire la fête quand nous allons au-devant de jours sombres. Ce sont bien des humains ». Secouant la tête, il s'en retourna dans ses quartiers, trop heureux de goûter au calme précaire dont il comptait jouir pendant les quelques heures à venir.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:10:32

L'aube les surprit alors qu'ils finissaient de ranger leurs affaires. La nuit avait été courte, plus courte que d'habitude. Seul Flinn avait veillé toute la nuit, du moins, c'était ce qu'il pensait. Lorsque la figure cernée d'Evan se présenta au seuil de sa porte, le Naneyë regretta presque aussitôt de n'avoir pas pensé à lui.

— Je me suis senti bien seul, cette nuit, commença Flinn.
— Vous n'avez pas … profité du repos du guerrier ?
— Non, pas vraiment, répondit l'officier en souriant. Et vous, Evan. Qu'avez-vous fait ? En avez-vous profité pour faire l'inventaire du voyage ?
— Oui, si l'on veut. J'ai compulsé les données, j'ai refait une synthèse. Je me suis payé le luxe d'attendre un peu aussi, quand il faisait bien noir, et d'écouter le silence que je n'avais plus entendu depuis des semaines.
— Êtes-vous un adepte de la méditation ?
— Je ne crois pas franchement que cela change grand-chose. Respirer un bon coup m’apaise. Mais cela ne va pas plus loin.
« Son regard est flou. Son esprit troublé. Ce n'est pas son comportement habituel ».
— Vous n'êtes pas venu là par hasard, n'est-ce pas ?

Gêne, Evan hésita à rester debout.

— Vous n'en parlerez pas, à qui que ce soit ?
— Souhaitez-vous vous confesser ? Je ne suis pas moine, ni prêcheur. Je n'ai pas de fonction religieuse.
— Mais vous êtes quelqu'un de droit et de vertueux, colonel. Vous étiez Inquisiteur.

Flinn l'invita à se rapprocher, à s’asseoir à côté de lui.

— Qu'est ce qui se passe, Evan ? Vous avez, entendu ou su des … situations qui n'auraient pas dû avoir lieu ? Ou bien est-ce la mission ? Quelque chose qui reste hors de votre compréhension peut-être ?
— Non, c'est bien plus ancien. Bien plus ancien et bien plus délicat.

Evan passa une main tremblante sur son visage, fixant le vide plutôt que son interlocuteur.

— Alors, qu'est-ce que c'est ?
— Vous vous souvenez de notre première rencontre ? De ce que vous m'avez dit à propos du Major Antelli ?
— Difficile de l'oublier. Même si nous n'avons accumulé aucune preuve contre lui, j'en avais bien assez pour me méfier de lui. C'était un fanatique aveugle. Pas un homme de science.
— Antelli a d'autres vues que l'exercice d'un pouvoir personnel.
— Quelle surprise...
— L'adjudant de Choire m'avait menacé, parce qu'il m'avait démasqué.
— Ça, je le savais. Vous deviez jouer double jeu. Qu'en est-il aujourd’hui ?
— Le major Antelli a réussi à s'en sortir grâce à l’intérêt que l'on porte aux Cubes. Mais il a d'autres ambitions.
— Lesquelles, Evan ?
— Viltis.
— Viltis ? Mais, cela n'a pas de sens... Oh, remarquez, si, bien sûr... Laissez-moi deviner : Antelli est de mèche avec la rébellion des Inquisiteurs qui ont refusé la Réforme. En connaissant la nature des pouvoirs du garçon, ils espéraient le comprendre et le reproduire. Je me trompe ?
— Pas du tout. Pendant un moment, j'ai envisagé de m'occuper de Viltis afin de recueillir un peu de son patrimoine génétique.
— Si vous venez me le dire, c'est que vous ne l'avez pas fait.
— Oui, colonel.

« Sa voix tremble, mais il a seulement peur. De quoi ? Je n'ai pas d’intérêts direct à le menacer. C'est le meilleur spécialiste en ce qui concerne la connaissance des Cubes, même si les informations que je cherchais, je les ai. De plus en plus étrange », songea Flinn, avant de reprendre.

— Pourquoi ?
— J'ai vu Viltis. J'ai vu de quoi il était capable. Je ne pouvais pas trahir ce que vous construisez avec lui. J'aurais pu être discret, que personne ne s'aperçoive de mes manœuvres, si je les avais appliqués. Même Viltis aurait tenu sa langue.
— Ça, je n'en doute pas. Il n'aurait pas pu comprendre les enjeux qui se tramaient derrière une simple expérience. Même si celle-ci aurait dû, je l'imagine, le mener à sa perte. En vérité, colonel, je crois que je viens de comprendre l'importance de la mission.
— Mieux vaut tard que jamais.
— Viltis est précieux, colonel. Son talent est hors du commun. Cela dépasse l'entendement.
— Nous l'avons tous vu, nous sommes bien peu à côté de ce qu'il est amené à devenir.
— Il mûrit. Mais il grandit aussi. Je ne devrais pas vous en parler mais... Il a fait des choses auxquelles vous ne pourriez songer. Et que vous ne souhaiteriez sans doute pas. Je ne pourrais pas en dire plus.
— Même si je menace de vous mettre aux arrêts ?
— Il pourrait tous nous tuer, colonel. Et je n'ai pas spécialement envie de mourir.
— Rien que cela ? C'est encore un enfant, grimaça Flinn.
— Je ne plaisante pas.
— Moi, si. La facilité avec laquelle il manipule la matière est bien au-delà de notre compréhension, humain, Naneyë, ou machine. Tout cela relève presque du domaine du merveilleux et du sublime tant cela nous dépasse tout entier.
— Colonel, l'équipe a eu peur. Beaucoup craignent le voyage du retour.
— Viltis ne pourra pas s'amuser à outrepasser la loi pour son amusement.
— Il n'a pas attendu votre autorisation pour le faire.
— Je m'en occuperai, rassurez-vous, Evan.
— Nous avons tous confiance en vous. Nous n'avons pas rediscuté vos ordres, même quand nous les trouvions contraires à nos habitudes.
— C'est la même chose que je vous demande là, à vous et à tous les scientifiques : ayez confiance.
— Bien.

Evan se leva, moins fiévreux qu'à son arrivé.

— J'espère ne pas me tromper en m'en remettant à vous, colonel.
— Soyez tranquille.

Le cybernaute quitta Flinn, qui fut heureux que l'entrevue se termine. Evan n'y pouvait rien. En enrobant son discours sous la douceur toute relative d'un vieux souvenir commun qu'il ravivait pour justifier sa loyauté, il avait peur. A juste titre. Viltis abusait de son pouvoir, il l'avait senti à plusieurs reprises pendant les fouilles. Flinn ne l'avait pas repris estimant qu'il pourrait se passer d'une énième séance de remontrance et de morale, qui n'avait absolument aucun impact sur l'adolescent. Tout ce qu'il pouvait espérer trouver était la colère, le mépris, et peut-être même le conflit. Un risque inconsidéré, à l'heure actuelle, alors qu'ils devaient retourner sur Terre.
« Qu'ils serrent les dents, même s'ils ont raison. Ils ne tarderont plus à retrouver leurs bonnes vieilles habitudes. Ils oublieront vite ».
Flinn ne sut pas à qui il mentait le plus mal, avec cette phrase.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:11:18

PARTIE IV.

11.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:11:49

Le passage par la cité principale fut l'occasion d'adieux solennels, sous les ors d'une brève cérémonie que le gouverneur avait organisé à la gloire de l'équipe de recherche. Tous furent chaleureusement félicités par le vieux Naneyë. Personne ne protesta, lorsqu'il se retira discrètement, accompagné de Flinn, sans autres explications.

— Je crois que c'est là que nous nous disons « au revoir ».
— Les coutumes humaines vous vont si mal, père. Nous n'avons même pas discuté de ce que j'ai trouvé avec les Sages.
— Tout est noté, indiqua Inuë en tapotant de l'index la partie robotique de son crâne. J'aurais tout le loisir d'éplucher ton dossier. J'espère seulement que tu n'auras pas eu l'audace de me donner le même que as adressé à tes civils.
— Père... Pour qui me prenez-vous ?
— Pour mon fils favori. Mon digne héritier, je l'espère.
— Ce n'est pas le moment. Et puis nous en avons déjà discuté.
— Oui, mais rassure toi, je ne comptais pas te refaire un sermon. Sache seulement que je resterai avec toi, quoi qu'il puisse arriver par la suite. J'espère que ton intervention auprès des Sages t'aura donné suffisamment de crédit pour qu'ils acceptent l'éventualité de ta présence, plus tard.
— La Terre ne sera pas prête à m'abandonner comme cela, père. Ils ont fait de moi un héros. Il serait indigne que je les abandonne.
— Oui, ils ne comprendraient pas. Tout comme je ne comprends toujours pas le sens de ce mot.
— Héros ?
— Cela m'échappe en profondeur.
— C'est pourtant simple.
— Pas pour tout le monde.
— Je reviendrai père, et vous le savez. En revanche, j'ignore l'échéance.
— Cela te laisse donc le temps de préparer convenablement ta venue. Et moi de régler les problèmes auxquels je n'ai pas envie de me mêler.
— Naturellement.

Le père et le fils furent pris d'un éclat de rire commun, salvateur.

— N'oublie pas d'où tu viens et où tu vas, Flinn. Notre espèce a vocation à marcher avec la Confédération. Pas à en être le plus bel esclave.
— Ce sont des paroles bien nouvelles dans votre bouche, père.
— Tu apprendras vite à reconnaître ce qui est neuf et ce qui ne fait que se répéter. A présent, rejoins ton équipe. Ils attendent leur héros.
— Un jour, je vous expliquerai, père.
— J'en suis déjà impatient.

Ils s’étreignirent, en silence, puis Flinn sortit, triste, amer et heureux.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:12:50

Les contrôles de l'astroport suivaient la même routine, insensible aux enjeux qui animaient les passagers peu ordinaires qui s'embarquaient pour le lourd croiseur orbitant au-dessus de leur tête. La priorité leur était donné, ils devaient rentrer accomplir la dernière partie de la mission qu'on leur avait assigné. Au milieu de la bonne humeur générale, Evan et Ana se tenaient côté à côte, fatigués, nerveux, presque usés.

Lorsque Evan choisit de briser la glace, Ana consultait un paragraphe précis du dossier du colonel pour la vingtième fois. Les phrases perdaient de leur substance, elle les trouva longue, fatigante, inutiles, elle ne sentait plus en mesure d'en trier l'essentiel.

— Ana ?
— Quoi Evan ? Je suis occupé.

Puis, se ravisant aussitôt, elle bredouilla.

— Je... je suis désolé. J'ai beaucoup de travail. ? Je ne voulais pas être désagréable.
— J'ai parlé au colonel.
— Moi pas. Il devait me recevoir, il m'a visiblement oublié. J'ai passé la moitié de ma nuit debout, pour rien.
— Je pense qu'il devait être occupé mais... peu importe. Je lui ai parlé de Viltis. De tout ce que l'équipe en pensait.
— Il était temps. La mission va pouvoir se poursuivre avec sérénité maintenant, répliqua-t-elle, piquante.
— Il valait mieux tard que jamais. Et personne n'a eu le courage d'aller le rencontrer.
— En tant que cyborg, il y avait plus de chance pour qu'il te comprenne.
— Je n'ai pas son rang de mécanisation, ni son palmarès -à mon échelle— à accrocher chez moi. Pour lui, je ne dois être qu'un vulgaire gratte papier.
« Ce qui est un peu faux, mais elle n'en saura rien. Et elle n'a pas besoin de le savoir ».
— Et qu'a dit le colonel ?
— Qu'il s'en occuperait.
— Évidemment. Tu penses bien qu'il n'allait pas dire qu'il baisserait les bras, et que nous allions devoir gérer Viltis en plus de tout le reste.
— Je n'y peux rien.
— Tu as fait ton boulot, c'est le principal. Mais je ne comprends pas pourquoi s'escrimer à vouloir changer tout ça.
— Tu ne disais pas la même chose il y a deux jours, quand nous avions discuté de ça.

Il marquait un point. Ana songea à la scène qu'ils avaient vécue. Ils avaient discuté, longuement, à la nuit venue, de l'importance de prévenir le colonel du comportement de l'adolescent. Avant de se raviser le lendemain, pour qu'au final ce soit à Evan d'endosser cette responsabilité. Elle pouvait encore entendre ses propres mots glisser hors de sa bouche, convaincue. « Il est incontrôlable. Je ne suis pas prête à me faire tuer par un sale gosse, tout ça parce qu'il est capricieux ».

Puis, regrettant la dureté de ses propos, elle avait argumenté sur la solitude de Viltis, la brutalité martiale du colonel, sa rigidité de cyborg, les efforts qu'il fournissait pour faire exactement ce qui était attendu de sa mission. Puisque Viltis n'avait jamais failli, puisqu'il n'avait fait aucun tort à qui que ce soit, pourquoi le déranger ? Mais cela avait été plus fort qu'elle. Il était foncièrement différent. Il l'effrayait. Et malgré tous ses efforts, elle ne pouvait batailler contre ce sentiment, mur lisse et solide où sa volonté ne pouvait s'accrocher bien longtemps.

— Tu sais Evan... Je suis très partagée. Je ne sais pas si c'est à nous de devoir discuter de ça.
— Il faudra pourtant bien que quelqu'un règle le problème. Le mieux serait que le colonel s'en charge lui-même, ce que je souhaite sincèrement. Il est le seul à avoir l'envergure et le caractère assez solide pour recadrer Viltis.
— Mais tu voudrais qu'il comprenne combien nous avons des doutes. Combien tout le monde, au final, a des doutes. Et comment tout le monde a la trouille du pouvoir de Viltis.
— Il a créé un trou noir, Ana. Tu imagines ce que cela impliques ? Il pourrait s'amuser à le faire avec une étoile, les conséquences ne seraient pas les mêmes.
— Le jour où cela lui passera par la tête, j'espère ne pas être à moins de cent années-lumière de lui.
— Ce que je veux dire, c'est que tu pourrais lui en reparler.
— Moi ?
— Vous aviez l'air de bien vous entendre quand vous avez parlé de vos théories fumeuses.
— Comment tu peux...
— Je t'ai mis sur écoute. Tu devrais sécuriser ton réseau d'implant. Même un enfant de cinq ans aurait fait sauter les pare-feu aussi facilement.
— C'est dégueulasse, Evan.

Il haussa les épaules.

— Tu sais ce que je pense de la morale.
— Comme à peu près tous les cyborgs. Tous les mêmes amputés psychiques.
— Le compliment est flatteur.
— Peu importe. Tu m'as espionné.
— Et je ne le referais plus. C'est pour ça que je te demande cela. Tu pourrais essayer, pas vrai ? Sur le vaisseau, on aura le temps d'organiser tout ça.
— C'est risqué.
— Ça n'engage à rien. Ce serait juste pour parler du comportement de Viltis. Ce qu'il en fera après ne t'appartient pas.
— Alors, pourquoi s'embêter avec ça ?
— Tu sais très bien pourquoi.

Elle hésita, avant acquiescer.

— Je marche. Mais après cela, considère que nous n'avons plus rien à faire ensemble.
— Je ne suis pas à la hauteur du colonel Flinn. Tu n'as pas à craindre que je sois un amoureux transi et déséquilibré. Tu n'as pas assez de matière grise à mon goût.

Elle le bouscula.

— Tu es le pire des abrutis, aedificator Mavesrish.
— Vous me flattez, professeur Vassillievna.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:14:26

L'''Aber Wrac'h'' tressaillit, lorsque le saut transpatial entama le voyage à proprement parler. Pour l'amiral, cela n'était qu'une formalité de plus. Le signe qu'ils retournaient enfin sur Terre.

— Saut effectué, lâcha le second, d'une voix monocorde.
— Jillian, calculez la trajectoire retour jusqu'au prochain point de sortie du système.

L'astrographe se contenta de murmurer un juron, comme à son habitude, avant de retourner à son office.

— Vous menez vos hommes et votre vaisseau avec brio, amiral, constata Flinn.

L'homme lui adressa un sourire discret, silencieux, tandis que son regard cybernétique brassait un flot de données invisibles à l'œil profane.

— Il est encore occupé à manœuvrer, lâcha un des assistants.
— J'avais bien compris, répondit Flinn. Seulement, nous devions discuter de choses particulièrement important concernant une partie de la cargaison.
— Vous n'avez qu'à vous mettre sur le Rezo local. Peut-être qu'il acceptera de vous recevoir, comme cela.
— N'est-ce pas un peu cavalier ?
— L'amiral n'a jamais été un grand partisan de la rencontre réel. Pour lui, ce n'est qu'une perte de temps.

Flinn repensa à l'échec de leur première entrevue. L'amiral les invitant à venir le rencontrer puis, subitement, changeant d'avis, sans motif. La mécanisation de ce brave militaire n'avait sans doute pas arrangé une introversion naturelle, bien au contraire. Plongé dans le doux ronronnement des moteurs et des simulations du Rezo, il devait se retrancher loin derrière une ligne solide qui le séparait de tout contact affectif.
Mais Flinn n'avait pas le choix. Les deux Cubes qu'ils avaient trouvés devaient être confinés selon des paramètres qu'il se refusait à partager via le réseau de données du vaisseau. Il avait trop de risque.

— Basculez moi sur un canal physique, se contenta d'ajouter Flinn.
— Bien, monseigneur.

La procédure n'effraya personne. Ils la considéraient comme routinière. Flinn non plus ne la trouva pas désagréable où étrange, tout juste sentit-il la trode s'introduire dans nuque et basculer ses perceptions dans un monde fade, atone.
L'amiral Hij Leriba se tenait debout, à l'avant d'un vaisseau de colonnes carrées, et dont le volume et la hauteur devenaient irréelles et gigantesque vers la poupe. Ici, sur la prou, il n'y avait guère que des pavés où tenir debout n'était pas un problème.

— Amiral Leriba ? Je suis le colonel Flinn.
— Je sais très bien qui vous êtes, colonel. Ou bien vous préférez monseigneur ? A vrai dire, cela m'importe peu. Je m'en fiche pas mal.
— Cela a le mérite d'être clair. J'imagine que vous voulez également que je sois bref.
— Si possible.
— Les Cubes extraits d'Alioth sont actuellement stockés selon les protocoles standards établis sur Terre. Seulement, après le travail que nos équipes ont mené, il serait plus judicieux de les conditionner autrement.
— Les protocoles concernant les artefacts xénos sont complexes et rigides, colonel. Nous ne pouvons pas nous amuser à les changer simplement parce que vous pensez avoir trouvé quelque chose d'original.
— Je n'aime pas l'originalité.
— Vous êtes pourtant l'archétype du non conformisme.

Leriba se détourna de Flinn.

— J'ai un vaisseau à mener sur Terre. Et tant que j'officie, je suis le seul maître à bord. Donc votre supérieur, ordre du Très Saint Magister ou pas.
— J'en suis bien conscient, amiral. Seulement, essayez, au moins.
— Ce serait une perte de temps. Je ne peux pas me permettre une telle fantaisie quand je suis en fonction.

Flinn matérialisa une sphère lumineuse devant lui. Il la déposa au pied de l'amiral. Elle persista, fluide, et semblait ne pas vouloir se fondre dans la masse des données du croiseur.

— Mettez ça en sécurité dans vos secteurs privés. Quoi que vous en fassiez. Ce sont des données sensibles.
— Je ne saurais pas quoi en faire, colonel.
— Peu importe. Vous ne pouvez pas laisser ça traîner.
— Vous m'énervez, colonel !
— Écoutez, amiral... Soyez raisonnable, au moins une fois. Consultez-les.
— Sinon quoi ?
— Je ne pars pas d'ici. Et je vous regarde. Je sais que vous avez horreur d'être observé. Le contact physique vous répugne. Comme bon nombre de commandant de vaisseaux. Vous êtes tous les mêmes, finalement. La mécanisation est le plus beau cadeau que l'on puisse vous faire.

Leriba leva les yeux au ciel, soupira, agacé.

— C'est bien parce que c'est vous, colonel. N'importe qui d'autre aurait été raccompagné aimablement à ses quartiers, et je l'aurais fait bouclé pour le reste du voyage.
— Je vous remercie infiniment, amiral.
— Et après, vous partez ?
— Je tiens toujours parole.
— Je l'espère. Pour vous comme pour moi.

Leriba se saisit de la sphère, qui se déploya dans toutes les directions, révélant son contenu. Il la considéra en silences, de longues secondes, songeur.

— Comment être sûr que ces travaux pourraient être sans danger ?
— Le cybernaute qui les a conçus avec moi a tenu compte de toutes les spécifications de l'Aber Wrac'h.
— Simple question de bon sens. Mais il y a malgré tout quelques erreurs.
— Regardez bien, amiral.

Le plan pivota. Leriba zooma sur différentes parties qui le questionnaient. Il leva un sourcil, étonné.

— C'est novateur.
— N'est-ce pas ?
— Je n'aime pas la nouveauté, en dehors des combats. Sans test, je ne peux pas m'amuser à reconfigurer les cales sécurisées.
— Ça ne prendrait que quelques heures. Et cela éviterait sans aucun doute les problèmes qu'a connu le colonel Mac Mordan.
— C'est la hantise de tout amiral.

Leriba laissa son esprit décrocher de longues secondes, loin de son habituel rigidité. Il se souvint avoir eu une discussion, hors du Rezo, avec un autre de ses confrères. Il lui avait raconté la mésaventure, puis la peur de l'amiral qui avait convoyé les artefacts jusqu'à la Terre. Il s'était juré de ne pas avoir à vivre une situation aussi embarrassante. Se conformer au protocole, refuser toute nouveauté tant qu'elle n'était pas signée et approuvée par les autorités compétentes, avant de l'intégrer à son vaisseau en le passant au crible de ses propres contrôles logiques. Oui. Pour Leriba, agir en machine plus qu'en Homme apparaissait comme la seule solution viable face à toute défaillance. Les machines ne tombent en panne que si les Hommes ne s'en occupent pas. Mais jamais parce qu'elles ont un mauvais choix à faire.

— Justement. Je vous le répète, amiral : si vous écoutez et regarder ce que j'ai construit, vous comprendrez très vite que ce n'est que du bon sens.
— Et du culot comme on en voit rarement. Je ne suis pas de la vieille école. Je n'ai pas de guerre à mon actif. Je vous convoie parce qu'on me le demande. Mais je n'ai pas envie de céder.
— Bien.
— Vous savez que j'aurais le dernier mot. Il est inutile d'insister, colonel.
— C'est ce que je remarque.
— Maintenant, si vous le voulez bien, je resterai seul. Si j'ai besoin de vos services, je vous ferai appeler. Mes hommes connaissent bien leur mission, tout comme moi. Mais vous... Vous n'êtes qu'un passager. Un de plus. Un bruyant. Hors, j'aime le calme, j'ai besoin de calme pour mieux réfléchir.
— Ce qui est tout à votre honneur.
— Au revoir, colonel.

Une grille de données tomba entre Flinn et Leriba. La conversation se terminait de manière abrupte.

— Finalement, il n'est pas si odieux que ce qu'on m'avait dit. Même si un serveur informatique a son doute plus d'humour...

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:14:48

PARTIE IV.

12.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:19:04

Viltis avait rejoint Evan. Dans le maigre laboratoire qu'on avait daigné laissé à disposition du cybernaute, l'adolescent s'exerçait sur une série de cubes en métal, parfait, qu'il déformait et reformait sans cesse, les fusionnant et les explosant en fractales innombrables. Evan le regardait du coin de l'œil, fasciné, en oubliant quelques instants les travaux qu'il compulsait. Il repensa à sa discussion avec le colonel. Il pouvait bien changer d’avis, ici encore, retourner vers Antelli en croyant un minimum à la parole du major... Mais la victoire ne serait pas dans la rébellion que dessinait les dissidents de l'Inquisition. La vieille garde essoufflée devait être balayé par la réforme, ou s'y adapter.

Viltis le fascinait, cependant. Les capacités dont il usait devant lui relevaient presque de la magie, du merveilleux, de l'inexplicable. Une loi devait régir ce fonctionnement, même si pour l'instant, elle échappait à tous, y compris à Viltis. Ne restait alors que cette fuite en avant dans la maîtrise, à défaut de la connaissance, dans le savoir plus que dans la sagesse, et la peur plus que la confiance. Evan soupira.

— Fatigué ?
— Non, enfin oui... J'aurais besoin de repos.
— Je peux te laisser si tu veux. Je reviendrai déposer les cubes demain.
— Non, non... Tu peux rester. De toute façon, je n'ai pas fini.
— Bien.

Le message d'Ana tardait à venir. Elle lui avait pourtant affirmé qu'elle serait brève. Mais le temps passait, et aucun signe de la scientifique ne venait confirmer la fin de l'entrevue. Une impatience incertaine le tenait éveillé et vigilant face à l'adolescent, qui continuait son jeu.

Lorsqu’enfin le message arriva dans son terminal com, Evan soupira à nouveau. Un autre le suivait, plus pressant, plus grave aussi.

— Viltis, je crois que le colonel Flinn veut te parler.
— Encore ? Et maintenant je parie.
— Tout juste.

Viltis reposa les cubes sur la table, et traînant les pieds, salua sans un mot Evan avant de sortir. Seul, le cybernaute se replongea dans son travail de synthèse.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:21:46

— Que se passe-t-il, maître ?

Viltis se tenait debout, à la porte du bureau. Face à lui, Flinn, assis, resta muet, l'invitant à s’asseoir. L'adolescent obéit, la porte se referma et se verrouilla.

— Il se passe quelque chose de grave, n'est-ce pas ?
— Je suis très mécontent de ton comportement depuis quelques temps. J'ai vu et entendu certains propos qui me déplaisent fortement, et me laissent à penser que je devrais peut-être m'occuper à nouveau de ton apprentissage de manière plus soutenue.
— Vous me faites venir uniquement pour ça ?
— Viltis, je ne t'ai pas autorisé à prendre la parole.
— Peu m'importe, rétorqua l'adolescent en haussant les épaules.
— Tu n'as pas à faire des choses que je t'ai interdites, Viltis. Tu me dois obéissance et respect. N'oublie pas de la situation dont je t'ai tiré avant que tu exploites tes talents !
— Ah … L'excuse du passé, maître. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas entendu. Et après ? Vous allez me dire quoi ? Que je devrais mieux me tenir, ne pas céder à mes pulsions, être parfait... Ah, ça, vous savez bien me faire comprendre que je ne le suis pas, que rien n'est assez bien à vos yeux depuis un certain temps.
— Je n'ai jamais ne serait-ce qu'insinué cela. Tu inventes, Viltis.
— Laissez-moi finir. Après, vous pourrez encore me crier dessus, je ferais semblant d'écouter et de dire que je ne le ferais plus... Vous n'en avez pas grand-chose à faire, de ma situation. Je m'ennuie depuis des semaines, je suis venu vous trouver plusieurs fois à ce propos. Vous vous êtes engagé à m'autoriser à voir mes parents lors de notre retour sur Terre. Est-ce que ce sera encore un coup de bluff, comme les deux autres fois ?

Viltis touchait un point sensible. Flinn lui avait promis deux visites, qu'il avait annulé en dernier lieu sans autre motif que son entraînement. En vérité, Flinn craignait que le contact de son apprenti avec ses parents ne le rende plus humain, moins dur, et finalement moins docile. D'une autre façon, une jalousie primaire et brute l'étreignait au fond de lui, comme si l'interdiction pour Viltis de connaître parfois un semblant de normalité lui permettait de faire un deuil par procuration de sa propre séparation d'avec son père.
La situation se dégradait fortement, et il avait pleinement conscience de l'avoir laissé se déliter sans réellement chercher à intervenir. Viltis avait l'âge de prendre des décisions seules, tout en acceptant ses ordres sans broncher. Mais il n'était pas un militaire. Il n'avait pas envie de l'être, non plus. Il restait libre, bien au-delà de ce à quoi Flinn le contraignait.

— Tes parents … te manquent certainement, commença le Naneyë avec maladresse.
— Vous croyez ? Cela fait plus d'un an que je ne les ai pas revus. Comme au Trocadéro, vous allez me ressortir le couplet sur la Foi ?
— Non, bien sûr que non.
— Évidemment. La technique est trop grossière.
— Je ne t'ai pas menti ce jour-là.
— Comme les autres ?
— J'ai été trop peu vigilant ces derniers temps, je ne peux pas le nier.
— Oui, c'est vrai... Après tout, vous ne me devez rien... Ce n'est pas comme si je vous avais sauvé la vie après tout.
— Je t'ai déjà remercié à ce propos Viltis. Tu sais que je ne peux pas faire grand-chose de plus.
— Laissez-moi respirer, maître. J'ai besoin d'air ! Je ne suis pas juste une machine. Pas encore. Pas comme vous, ni comme Guilhem.
— Guilhem n'a rien à voir dans cette histoire.
— Il était votre apprenti. Alors oui, il était jaloux de ce que je pouvais faire, mais il n'empêche qu’au moment où il a commencé à devenir gênant, vous l'avez rejeté. Et quand cela n'a pas suffi et qu'il a voulu se venger, vous l'avez tué.

Excédé, Flinn se leva d'un coup.

— Je t’interdis de parler de ça avec autant de légèreté ! Guilhem était un traître, Viltis, tu comprends ?! Il a refusé des ordres, il a fini par me menacer. Tu penses que j'aurais dû me laisser tuer ?! Que savais-tu de tout cela, avant de venir fouiller dans ma mémoire ?
— Fermez vos souvenirs, maître. Je ne suis pas responsable de vos pensées.
— Viltis, tant que tu resteras sous ma responsabilité, je ne peux pas te laisser dire et faire ce que tu veux. Tu as le droit d'être en colère, tu as le droit d'être triste, tu as même le droit de me haïr. Mais tu es trop important pour que tes choix et tes actes te menacent.
— Alors... Ça y est, enfin ? Vous finissez par cracher le morceau ? Donc je ne suis qu'un outil. Bien.

La salle vibra très légèrement.

— Viltis ?
— Vous pensez que je ne vaux pas mieux qu'un calculateur, qu'un champ de force, qu'une arme. Je suis... je suis ravi, maître, de vous l'entendre dire. A un moment, je vous admirai, au début. Quand vous étiez humain. Même après, vous saviez me comprendre. Mais depuis votre mécanisation, c'est comme si je n'étais plus qu'une donnée, malléable à souhait. Comme si ma voix ne comptait plus, n'existait plus. Vous imaginez que je le prends bien ? Vous vous trompez.
— Viltis, ne sois pas stupide et calme toi.

Un fauteuil décolla du sol. Sa matière se délitait en une fine poussière.

— J'ai eu tort de croire que vous pouviez m'apporter quelque chose de positif, depuis votre retour. J'ai eu beau veiller à votre chevet tout ce temps, vous n'en aviez, au final, plus grand chose à faire. Le jouet avait fait son temps, il n'avait plus d’intérêt. Mais je crois que tout ceci est terminé, maître. Il est temps que je prenne mon indépendance, que cela vous plaise ou non.

Le fauteuil acheva de se décomposer. Viltis, se détourna vers la porte. Un souffle vif, puis l'éclat et le grésillement du sabre ionique de Flinn lui barrèrent la route.

— Ça … suffit, Viltis. Tu ne gagneras rien du tout. Si tu ne veux pas t'arrêter, je m'occupe de ton cas d'une manière que j'aimerai éviter.
L'adolescent ne répondit pas. La tension qui s'était emparé de la pièce retomba.
— Bien. Puisque vous croyez que la force va m'effrayer.

Flinn posa genoux à terre, son sabre se rétracta. La mâchoire crispée, il luttait de toutes ses forces pour tenir ainsi, au lieu de s'effondrer.

- Vous êtes un lâche, maître. Vous n'avez eu de cesse de penser à votre intérêt, et seulement à lui. L'avenir de la Confédération ne vous intéresse pas. Même les Sages ont senti cette tendance. Voilà pourquoi ils ont accepté de vous confier une charge qui ne vous revient pas. Et encore... S'il n'y avait que cela...
- Viltis, arrête !

« Vous m'avez considéré de la même manière que Guilhem. Mais si Guilhem a échoué à vous renverser et à vous tuer, c'est parce qu'il souffrait de sa propre force. Ses idées le retenaient face à vous. Plus d'une fois, il aurait pu vous trancher la gorge sans que vous ne réagissiez. »
« Guilhem est mort. Je l'ai tué ».
« Comme vous tuerez tous ceux qui vous gênent. Comme moi, peut-être. »

L'assaut redoubla. Ivre, gonflé par la douleur, l'esprit de Flinn se libéra d'un seul coup de l'emprise de Viltis.

« NON. TU N'AS PAS IDÉE DE CE A QUOI TU TOUCHES, VILTIS. LE SEUL MAÎTRE ICI, C'EST MOI. EST-CE CLAIR ? »

Viltis était tombé au sol. Son esprit tentait de fuir les griffes en feu qui le retenait dans un carcan de peur et de douleur. Il aurait voulu pleurer, mais même cela, Flinn le lui interdisait.

« EST-CE CLAIR, VILTIS ? »
« Maître ! »
« Tu ne peux pas gagner à ce jeu-là. J'ai encore des ressources, bien plus que ce que tu peux en pressentir. Avise-toi une seule fois de me menacer à nouveau de la sorte, et je règle ton compte de manière aussi définitive que Guilhem. »

Il relâcha son étreinte. La réalité ressurgit parfaitement. Le maître et l'élève au sol se regardèrent, presque incrédules.

— Ne joue plus à ça... Jamais, Viltis.
— Je... je...
— A partir de maintenant, je vais être plus attentif, je te le promets. Et rien ne me ferra revenir sur cette promesse. Mais, pour nous deux, parce que trop de choses sont en jeu, ne t'avise plus de me refaire un coup comme celui-ci.
— Je ne sais pas ce qui m'a pris, bredouilla l'adolescent.

Des larmes coulèrent sur ses joues. Flinn se rapprocha, s'assit à côté de lui, saisit sa main droite avec sa pince, et la serra très doucement.

— Je veux être un père pour toi. Même si je ne remplacerai jamais tes parents.
— Je suis tellement désolé, maître...
— Tu iras les voir. Lorsque nous arriverons, je te laisserai quelques jours avec eux. Je pourrais me passer de toi. La Confédération aussi. Nous te devons bien ça.
— Vous... Vous avez raison... maître... Je deviens comme Guilhem.
— Vos talents et vos dons sont les mêmes, mais vos esprits sont trop différents.
— J'aurais pu vous tuer !
— Tu ne l'as pas fait. Si jamais tu avais voulu, tu aurais su où frapper.
— Mais... Pourtant...
— Tu m'as poussé à la défense. Je n'ai fait que répondre. Et ce sera la dernière fois, je l'espère, que j'aurais à t'y contraindre de la sorte.
— Je vais écouter vos conseils, maître... Mais je m'ennuie tellement. Personne n'a l'air de vouloir de moi.
— Tu es différent, de tous. Tu effrayes aussi. Par tes talents, ta langue acérée, ton attitude. La confiance n'est pas une amie qui se prête à tous.
— Je me suis senti si seul...
— Si tu as besoin de moi Viltis, tu sauras où me trouver. Puisque tu as accès à ce que je pense, il est ridicule que tu ne puisses pas non plus accéder à mes quartiers. Je vais te fournir les codes de mon bureau, de mes serveurs, et une partie de mon identification Rezo.
— Mais... Maître ? Et si jamais...
— Je n'ai pas su te faire confiance, et voilà où je nous ai embarqué. Nous avons frôlé la catastrophe. Peut-être est-il temps que je te considère vraiment comme un homme, plus comme un enfant.
— C'est trop. Je ne peux pas accepter.
— C'est pourtant ce que tu vas faire.

Sans laisser le réfléchir plus longtemps, Flinn glissa une de ses trodes dans l'armure de l'adolescent.

— Puisque tu auras probablement un rôle à jouer avec cette saleté d'espèce xéno dans un futur proche, tu vas prendre connaissance de mes travaux. Pas ceux que j'ai confié à l'équipe, mais les miens. Complets. Avec mes notes et mes remarques.
— La responsabilité...
— Tu vas devoir apprendre à composer avec. En attendant de devenir pleinement propriétaire de tes talents. Tu es intelligent, Viltis. Je suis certain que tu sauras mener à bien ce que je te demande. Et je saurai me montrer généreux.
— Je...
— Ne dis rien. Pour le moment, va seulement te reposer. Quand tu te sentiras plus en forme, reviens me voir. Nous aurons tout le temps de reprendre cette discussion.

--crazymarty--
Niveau 10
13 septembre 2017 à 23:22:02

PARTIE IV.

13.

Sujet : [SF][Roman] Vertige Stellaire
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