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Sujet : Quel livre êtes-vous en train de lire ?
SaintLui
Niveau 9
23 mai 2024 à 21:51:10

Malheureusement, la collectivité te demande pas que ça. Si on me demande d'enseigner Babar, je le ferai pour nous faire bouffer moi, ma femme et mes gosses, et si je veux absolument enseigner autre chose autrement, j'enseignerai ailleurs.

T'es dans une posture ultra désobéissante, et tu dissocies radicalement le collectif de ses représentants. C'est pas mon cas. C'est sans doute pas un hasard si tu es protestant, et moi catholique dans mon approche. Pour la même raison je vais pas revenir sur Mathieu 10, parce qu'on lit pas de la même manière et que ma conception de l'évangélisation tient pour moi d'autre chose que de l'exégèse que je pourrais faire.

joelindien999
Niveau 32
23 mai 2024 à 21:54:16

Comme quoi c'est bien de voir tous les aspects d'un personnage car quand tu lis "conscience et violence" tu imagines pas du tout que Calvin ait une once d'humour, pourtant de ce que je vois, il y en a dans "le traité des reliques"

ProfesseurMINOS
Niveau 7
23 mai 2024 à 21:55:09

La liberté pédagogique a également un champ que tu ne peux pas - ou ne dois pas à mon humble avis - restreindre si facilement. On s'est battu pour et c'est un des seuls avantages réels de notre métier. On est pas des cracheurs de programmes ; on est des concepteurs de cours.

Je suis pas dans une optique de désobéissance pour la désobéissance ; je suis dans une optique de liberté totale qui implique (malheureusement ?) une responsabilité en accord, et notamment celle de ne pas brader ma compréhension de ce qu'est le vrai et le bon pour un pouvoir temporel.

Précisons simplement que ce n'est pas sur mon autorité personnelle que je base "mon" exégèse de Matthieu 10, on est pas dans la satire XII non plus.

ProfesseurMINOS
Niveau 7
23 mai 2024 à 21:57:34

Le 23 mai 2024 à 21:54:16 :
Comme quoi c'est bien de voir tous les aspects d'un personnage car quand tu lis "conscience et violence" tu imagines pas du tout que Calvin ait une once d'humour, pourtant de ce que je vois, il y en a dans "le traité des reliques"

C'est un comique agressif et féroce. Mais que ce soit dans le traité des reliques, le petit traité ou n'importe laquelle des lettres ouvertes, qu'il a d'ailleurs rédigées en français si je ne me trompe pas, à l'époque, il est impossible de ne pas y voir une utilisation du rire, même si polémique.

Quand il parle de Marie en vache laitière ou des derniers os de poisson du repas des Apôtres, c'est drôle.

SaintLui
Niveau 9
23 mai 2024 à 22:11:18

Je crois qu'on doit être des concepteurs de cours à l'intérieur des programmes. C'est ce que je crois être, et j'ai vraiment le sentiment d'avoir une grande liberté, à quelques "passages obligés" près, et à quelques règles officielles près, qui me pourrissent pas ma vie professionnelle. Je prends beaucoup de plaisir à enseigner je dois dire, et c'est pas parce que cirer les pompes de l'EN m'excite ou quoi.

Notre désaccord tient peut-être de mon relatif mépris du temporel (et je dis ça sans orgueil, je revendique rien), qu'on m'a beaucoup reproché même dans ma communauté. J'ai du mal à convoquer comme toi le vrai et le bon devant des problématiques pareilles. L'institution est telle, et ça me coûte pas grand chose de lui obéir j'avoue.

ProfesseurMINOS
Niveau 7
23 mai 2024 à 22:17:57

Je suis pas en désaccord vraiment avec ça. D'où mon message sur le fait d'ailleurs que l'écrasante majorité du temps je fais ce que je veux. Histoire de parler concret, en seconde mes intitulés de programme c'est littéralement rien de plus que des trucs du genre "Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle", faudrait être tordu pour pas trouver son compte avec un prisme aussi vague.

Même pour le bac de français où on nous impose de travailler sur oeuvre, je peux tafer sur Manon Lescaut, que je déteste pourtant, avec un angle intéressant exploitant le thème "personnages en marge et plaisirs du romanesque" qui me permet notamment de faire lire aux gamins en accompagnement des trucs aussi différents que Confession d'un masque, Paranoid Park ou de la littérature sud-am. En poésie j'en parle même pas je me suis régalé à foutre des trucs borderline comme la Mescaline de Michaux.

Mon mépris du temporel passe par une objection frontale brandie et sans conséquence une fois l'an dans des formations de merde ; le tien par une autonomie de battage de couille face à une structure distante.

On le verbalise pas pareil mais j'ai pas le sentiment qu'on fasse si différent au fond.

SaintLui
Niveau 9
23 mai 2024 à 22:21:45

C'est bieng comme conclusion.

HydreDeChambre
Niveau 15
25 mai 2024 à 14:09:15

Lu des Poèmes d'Emily Brontë. Une partie d'eux participe de l'univers imaginaire conçu par la fratrie, et parfois y fait référence, mais cela demeure peu imposant, voire anecdotique car les textes concernés peuvent tout à fait se lire indépendamment de ce contexte fictif particulier. Je n'étais pas spécialement en recherche de poésie romantique, mais celle-ci m'a semblé suffisamment imprégnée de mélancolie authentique pour que cela soit parlant. Une soif de délivrance souvent incarnée par la mort, la tentation tantôt de l'espoir, tantôt du désespoir, ou encore l'amour pour la lande et pour la rêverie, sont parmi les thèmes essentiels qui confèrent au tout une cohérence et une certaine monotonie qui pour moi n'a pas été synonyme de platitude. Il s'y révèle un caractère épris d'imagination et de liberté dont j’ai aimé entendre la voix. Bref j’ai trouvé ce petit recueil teinté de romanesque étrangement touchant et inspirant la sympathie, peut-être en partie parce qu'il touche à la dimension enfantine de la création d'univers et d'histoires.

J'ai commencé les Contes cruels de Villiers de l'Isle-Adam. Je les avais lus il y a bien longtemps, quand je commençais à regarder de moi-même du côté de la littérature, et c'est curieux comme certaines phrases étaient encore comme fraîches dans ma mémoire. C'est un style qui peut donner l'impression que l'auteur sème avec une certaine légèreté des noms ou des qualificatif massifs, comme par exemple dans "la tête adorée et divine". Je pense lire ça par intermittence parce que j'ai également envie d'un format plus long et d'un style différent.

blinkr
Niveau 24
26 mai 2024 à 07:18:05

Y a des liens directs entre les fictions des Brontë ? Je connais pas

HydreDeChambre
Niveau 15
26 mai 2024 à 12:29:37

J'aurais dû préciser, je ne voulais pas parler de leurs romans mais de l'univers imaginaire qu'ils créèrent collectivement dans leur jeune âge et qui donnera les royaumes fictifs de Gondal et d'Angria, qui seront matière à poèmes.
En ce qui concerne les romans des Brontë je n'ai personnellement lu que Les Hauts de Hurlevent et j'ai Jane Eyre de côté.

SaintLui
Niveau 9
27 mai 2024 à 20:54:55

J'en appelle à votre érudition.
Vous avez en mémoire des scènes de discours honorifiques bien bourgeois et bien gênants, du type de l'éloge de Catherine Leroux dans les comices agricoles de Bovary, type départ en retraite, merci pour tout, etc. ?
Ça doit se trouver mais j'arrive pas à en exhumer de ma tête.
Merci d'avance c'est pour la science.

ProfesseurMINOS
Niveau 7
27 mai 2024 à 20:57:19

Intuitivement le premier truc qui me vient c'est tout ce qui concerne la rosette / la fin de La Fortune des Rougon.

Mais il y en a tellement qu'on oublie. Claqué là mais je réfléchis.

ShieldMaster
Niveau 9
27 mai 2024 à 21:37:59

1984 de George Orwell, grand classique que je devais lire :hap:

--G--
Niveau 32
27 mai 2024 à 23:36:25

Le 27 mai 2024 à 20:54:55 :
J'en appelle à votre érudition.
Vous avez en mémoire des scènes de discours honorifiques bien bourgeois et bien gênants, du type de l'éloge de Catherine Leroux dans les comices agricoles de Bovary, type départ en retraite, merci pour tout, etc. ?
Ça doit se trouver mais j'arrive pas à en exhumer de ma tête.
Merci d'avance c'est pour la science.

Tout Son excellence le comte d'Abranhos de Eça de Queirós

blinkr
Niveau 24
28 mai 2024 à 00:37:59

Dans le Sang Noir de Guilloux t'as beaucoup ça, notamment la scène où ils décorent Mme Faurel, vers le milieu du livre. Le Déséspéré de Bloy j'ai le souvenir qu'il y a un peu de ça sur les scènes mondaines mais je suis pas sûr. Dans une forme différente y a le ballet qui clot le Malade Imaginaire qui me vient aussi en tête.

ProfesseurMINOS
Niveau 7
28 mai 2024 à 06:27:06

Le dîner chez les Dambreuse aussi dans l'éducation, ou les scènes avec le père roque.

Le début de Biribi de Darien avec la visite à la belle famille.

SaintLui
Niveau 9
28 mai 2024 à 17:23:40

Merci pour toutes vos refs. J'ai de quoi faire. C'est un motif qui me travaille en ce moment et j'avais envie d'approfondir mon regard dessus.

BennyProfane
Niveau 9
28 mai 2024 à 22:38:33

Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre
Pour voir les champs et la rivière.
Il n’est pas suffisant de ne pas être aveugle
Pour voir les arbres et les fleurs.
Il ne faut avoir aucune philosophie.
Avec la philosophie, il n’y a pas d’arbres : il y a seulement des idées.
Il n’y a que chacun de nous, pareil à une cave.
Il n’y a qu’une fenêtre fermée, et le monde entier au-dehors ;
Et un rêve de ce qui pourrait être vu si la fenêtre s’ouvrait,
et qui n’est jamais ce qui est vu lorsque la fenêtre s’ouvre.

Pessoa

Voilà pourquoi je ne lis pas de philosophie

ProfesseurMINOS
Niveau 7
30 mai 2024 à 12:13:18

Finito la Fête de Vailland, première lecture du gars en prose malgré une approche en anthologie.

Drôle d’histoire que la lecture de cette fête de Vailland, que j’ai pris quelque peu par hasard au boulot dans un temps mort à pulper et que j’ai attaqué sans grande conviction, bien que j’eusse déjà approché son taf de poète dans le cadre du Grand Jeu.

La Fête est un roman qui a, par défaut, beaucoup pour me déplaire. Il met en scène des artistes désabusés par l’épuisement des combats du XXe qui décident, en réaction, de vivre une vie de bourgeois jouisseurs et analytiques dans le retrait d’une campagne où seuls comptent comme notions la satisfaction de son désir et la compréhension de celui-ci, dans un libertinage introspectif et calme revendiquant une a-moralité (pas une immoralité) complète.

Duc, un écrivain arrivé au zenith de son activité, s’entiche de la jeune Lucie, une employée de bureau et épouse d’un de ses amis artistes. Sur le temps de dix jours, le roman nous donne l’occasion d’observer la manière dont Duc va procéder à son « attaque » (le mot est tiré du livre), qui conduira à la satisfaction de l’idylle entre Lucie et lui, sous les yeux de son ami comme de sa propre femme qui auront peut-être à y redire mais toujours dans la volonté de ne pas agir contre. Tandis que Duc mène cette aventure, il peine à la rédaction d’un nouveau roman qu’il comprendra finalement être une transposition de ce qu’il est en train de vivre ; et la dernière page du livre est identique à la première, refermant la boucle méta largement exhibée tout au long de l’intrigue.

Je pense que le même livre rédigé aujourd’hui (et j’ai lu d’affreuses merdes en littérature contempo’ chez POL qui idéologiquement pourrait ressembler à ça) me rendrait furieux, je pense également que si l’on croisait Duc dans la vraie vie on le prendrait pour une merde épouvantable - et je souhaite à Vailland de n’être pas tant un miroir de son personnage qu’on le dit. Je pense aussi que je vois avec une réprobation plus que forte les gens qui décident d’aborder les mœurs comme le font les personnages du livre et son protagoniste en tout premier lieu.

Mais en dépit de cela, je ne peux que difficilement nier l’attrait magnétique que le roman a eu sur moi, et que je peine en partie à expliquer. J’ai certes beaucoup d’affection pour la manière qu’a le livre de retranscrire une atmosphère des années 60 qui me fascine et me questionne, alchimie compliquée de d’indifférence, d’espoir libéral peut-être naïf et de rêve de la capacité de se déterminer ; d’ailleurs La Fête de Vailland est, par exemple, un grand roman d’examen de la sémiotique de la DS (la voiture). Mais cela ne suffit pas pour trouver la cause du plaisir intellectuel sincère qu’a été la lecture.

Je crois que j’aime dans ce livre de Vailland une approche stylistique de la psychologie, de l’introspection, qui passe par une maîtrise subtile d’un présent de description très sec décroché par instant en passé simple soudain quand la manière de comprendre sa vie dérape immanquablement dans la fiction de soi, tendance néanmoins combattue pour paraphraser Char.

J’aime beaucoup l’astuce et l’habileté avec laquelle l’auteur nous illustre la manière dont il paraît impossible pour des lettrés et des lecteurs de penser et surtout de se penser sans se vautrer forcément dans la narration de soi. Cette espèce de malédiction d’une littérature qui contamine tout (l’image du moi, la conception de l’autre, de son désir) a quelque chose de réellement fascinant.

Des personnages du roman conçoivent davantage Duc comme une sorte de moraliste qui excède l’écrivain, ce que le personnage - et donc Vailland ? - récuse ; pour autant, je crois que la grande maîtrise de cet ouvrage réside dans le fait de lire un traité d’anti-moeurs qui emprunte les codes sans les brusquer, voire même sans les subvertir réellement.

Vailland l’amoraliste.

SaintLui
Niveau 9
31 mai 2024 à 19:16:33

Lu Ce que je sais de toi un roman à succès paru l'année dernière et adoubé de partout depuis. La critique a raison de dire que c'est un roman structurellement très bien maîtrisé, macro et micro.

Le narrateur s'adresse à son personnage et essaye de reconstruire son passé par tâtonnement. Il s'agit d'un Egyptien, bien installé dans sa vie et dans la société levantine (petite communauté chrétienne du Caire). Une rencontre avec un jeune homosexuel va faire de lui un paria.

C'est un roman surtout qui raconte la quête des origines, la quête du père, reconstruit par l'écriture et par la fiction, besoin de fiction sans cesse en tension avec une soif de vérité souvent douloureuse tant elle est brûlante, souvent décourageante aussi tant elle semble inaccessible.

Après, la mièvrerie du ton, quoique justifiée par la complicité que cherche à créer le narrateur avec son personnage, est franchement pénible. L'intrigue homosexuelle est archi convenue et ça sent parfois le militantisme facile, la complaisance dans cette peinture de l'homo paria, rejeté pour ce qu'il est, et de tous ces drames qui auraient pu être évités si la société était autrement.

Je l'ai lu par curiosité, et parce que mon libraire me l'avait conseillé. Bon c'était moyen.

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