Le 09 juillet 2024 à 11:31:49 :
Le 07 juillet 2024 à 18:46:51 :
C'est celui que j'ai le moins aimé des cinq ou six que j'ai lus de lui pour le moment.Il est mort cette semaine Kadare d'ailleurs
Je l'ai trouvé intéressant moi à plein d'égards, notamment dans sa manière d'envisager la fiction, comme subversion, fédération, émancipation, mais aussi en tension douloureuse avec la réalité la plus sérieuse et austère. Y a un dégoût du réel qui s'instille. C'est bien fait, en peu de pages, la rencontre s'est faite.
Après si t'as des titres à me conseiller en priorité, je suis preneur.
RIP. J'ai lu un bel hommage de Naulleau dans le JDD (pafacho, je lis tout).
Il est connaisseur en littérature des pays de l'est, on peut pas lui enlever.
Avril Brisé, Les Tambours de la pluie, Le Général de l'armée morte et Chroniques de la ville de pierre (sur Gjirokastër, ville natale de Kadare ET de Enver Hodja) sont tous des grands romans.
J'ai un amour particulier pour Avril Brisé (un homme qui doit être tué suite à une reprise de sang de vendetta et erre avec son foulard rouge sur le bras et qui a un mois de répit - d'où le titre)
Ok super je note.
Je pense au moins me taper Le Général et Avril brisé cette année.
Je le classerais pas non plus dans les meilleurs mais j'ai bien aimé Le Palais des Rêves, qui semble mélanger Kafka, la fable, le mythe, le surréalisme onirique, la destinée, l'esprit national, la guerre fraternelle... en même temps il sort du lot, en même temps c'est un condensé de ses influences et thématiques fétiches.
J'en ai lu quatre entre celui-ci, le Général de l'armée morte (mon premier, m'a paru énigmatique et profond), les Tambours de la pluie (mon préféré, dans un style éclatant et limpide), et le Pont aux trois arches (pas mal, mais un peu comme un fragment ou un épilogue d'une histoire plus large), et j'aurais tendance à penser qu'il n'y a pas de mauvais Kadaré.
Le 09 juillet 2024 à 16:08:59 :
j'aurais tendance à penser qu'il n'y a pas de mauvais Kadaré.
Ouais dès que je vois un retour sur un Kadare sur Twitter ça parle au minimum de "excellent roman", c'est cool ça en fait pas mal à lire. J'avais acheté son dernier à ma mère sur les variations de conversations téléphoniques de Staline à Pasternak ça a l'air pas mal du tout aussi faut que je le lise.
La notion de politique / théorie du partisan de Karl schmitt
Finito Les Jardins statuaires de Jacques Abeille, qui suit le cheminement d'un narrateur-voyageur au cœur d'une énigmatique contrée étrangère, depuis les domaines figés des jardiniers où poussent des statues jusque dans la steppe où vont et viennent les nomades, potentiels conquérants. C'est une œuvre que j'ai trouvée remarquable par différents aspects, malgré quelques points moins appréciés mais qui n'auront jamais découragé ma lecture.
Ce qui débute comme une sorte de carnet de voyage où sont rapportées les mœurs et autres curiosités du pays prend peu à peu une sorte d'ampleur mystérieuse qui pourra facilement évoquer Gracq, Le Désert des Tartares ou Les Falaises de marbre. Viennent s'inscrire une dualité entre l'ordre et la barbarie, entre la demeure et la mobilité, la rumeur d'une menace, le risque ou la tentation de l'errance, une spatialité imposante quoique beaucoup moins prégnante que chez Gracq par exemple, la rencontre avec le féminin... On y voit comment la légende anticipe et modèle le cours de l'Histoire, quelles peuvent être les différentes attitudes tenues face à l'événement qui veut bientôt fracturer le présent (défendre / survivre / se soumettre...), on découvre les micro rebellions et les libérations qui ont lieu dans des existences très codifiées.
Et c'est toujours un plaisir lorsque la qualité de l'écriture, fine et captivante, s'unit à une plongée assumée mais canalisée dans l'imaginaire, qui va refléter le processus de création littéraire dans la formation, partiellement maîtrisée, partiellement autonome et obscure, des statues.
J'ai trouvé certains passages mémorables (par exemple le parcours à l'aveugle dans l'enchevêtrement exubérant des statues dont la croissance déchaînée a pris le dessus, amas destructeur dont le cœur pourrissant donne une mare d'eau poisseuse).
Dans l'ensemble j'ai par exemple moins apprécié la tournure de certains dialogues / certaines rencontres (notamment ceux avec les personnages féminins), et j'attendais un peu plus de la dernière partie.
En bref, une enthousiasmante découverte.
Leurs femmes elles sont tellement casse burnes au pays des statues qu'on comprend qu'ils préfèrent leurs fétiches caillouteux, littéralement et symboliquement.
Même syndrome que chez Mérimée : la provinciale est disgracieuse et sans conversation alors autant se taper un morceau de bronze.
Nos pères nos frères nos amis. Dans la tête des hommes violents (Mathieu Palain).
Lecture ou relecture, je ne sais même plus, assez poussive du Purgatoire de Dante, qui demeure un livre me laissant un goût assez déplaisant.
Derrière son côté de faux miroir structurel de l'Enfer, puisqu'aux cercles de celui-ci correspondront les corniches ou paliers de celui-là qui dessineront une progression symbolique, l'ascension de la montagne du Purgatoire cache un commentaire ultra-référentiel et incompréhensible aujourd'hui d'une Italie de la Renaissance sur laquelle le lecteur moyen n'a aucune prise.
Il y a quelque chose d'intéressant dans la manière dont l'expérience voyeuriste qu'était l'Enfer est infléchie ici en une approche plus réflexive qui devra ouvrir vers la repentance finale, avant d'aller explorer à la suite des cercles et des corniches les cieux de la troisième partie, mais tout paraît laborieux. C'est certes un des objectifs du livre qui cherche à transcrire l'expérience du regret et d'une abnégation patiente plus que l'expérience de la douleur de l'Enfer, mais ce monde terne d'alpinisme et de tortures affadies mélangées me laisse toujours quelque chose d'assez boueux au fond des papilles.
Je passe bien sûr l'opposition théologique absolument totale que j'entretiens avec le livre ; mais enfin quand on voit la gueule des médiocres commerçants florentins que Dante "sauve" dans cette partie II par rapport à ce qu'il réserve à des génies d'en bas, on se dit que le bouquin a un faux air de vrai CSC contre ce dogme.
Quel dogme ?
J'allais dire celui du purgatoire à sa racine même mais en fait c'est tout le discours catholique de l'après-vie que je récuse et qui me gène.
Je trouve qu'on peut encore pardonner à l'Enfer, dans la divine comédie, d'être quelque chose de nettement plus graphique que théologique, dans le goût pour une peinture et un style qui rappellent assez clairement ceux des apocalypses apocryphes (de Baruch, d'Abraham, de Judas etc). On accepte la licence poétique et on ne prend pas ce discours trop au sérieux - puisque l'idée même d'un enfer de tortures est aberrante à mes yeux de protestant.
Mais avec le Purgatoire on entre dans une vision complètement schizo à mon avis de la punition, définie par des arbitraires étranges et soumise à des conditions foireuses et changeantes entre les mains de mortels qui ont le pouvoir d'en moduler la durée et la nature - d'ailleurs on demande souvent dans cette partie à Dante de faire boîte postale des vivants.
Globalement le fait que l'Enfer et le Purgatoire partagent une structure commune t'amène forcément à dresser des parallèles entre les personnages "victimes" que Dante côtoie et les plus grandes figures de l'Antiquité vont se faire niquer au profit de random branleurs (dans tous les sens du terme) qui étaient juste les poto de Dante et qui ont trois gamines restées sur terre pour les prier.
Je trouve ça d'un ridicule tout à fait achevé, et globalement (je veux pas provoquer en le disant) si on me présentait l'eschatologie de ma religion comme Dante le fait dans ce passage, j'aurais des réflexes très athée crétin de base qui ricane de ce que la foi peut sembler avoir d'improbable.
PS : je lis un Diderot là et une fois n'est pas coutume je trouve ça bien (pour des raisons détournées quand même), faites pas mon takfir à cause de cet enchaînement je suis toujours chrétien.
PS2 : En réalité j'arrive pas à concevoir qu'on puisse même croire au Purgatoire. Je le reconnais et ça n'aide pas. Mais c'est pas tant la théologie du truc qui m'embête là que la manière dont elle forme un projet littéraire qui ne marche pas à mon goût.
PS3 : mdr abon twa
J'y connais rien en sotériologie ou en Dante, mais je ne sais pas si son œuvre est très représentative de l'au-delà catholique. J'en doute un peu, au delà des trois Enfer/Purgatoire/Paradis, mais je peux voir en quoi déjà ça te gêne.
T'es calviniste ?
mais je ne sais pas si son œuvre est très représentative de l'au-delà catholique
Elle se veut l'être de plus en plus en fait, d'où le fait que dans mon message je précise bien que ce reproche pourrait être faisable à l'Enfer mais que c'est un cadre dans lequel ça me "choque" moins, dans le sens où la divine comédie dans son ensemble a un projet apologétique qui dépasse l'intérêt poétique simple.
Entendons-nous d'ailleurs. Je ne fais pas le procès à une oeuvre d'apologie de n'être pas de la théologie, ce ne serait pas honnête ; mais je n'aime pas et je tiens pour faux les sous-basements théologiques qui fondent cette apologie.
Le contre-exemple parfait c'est Chesterton, qui fait également de l'apologétique, également basée sur des concepts très catho en soi, mais avec lesquels j'ai une familiarité de pensée accrue qui me fait mieux accepter la manière dont sa fiction est censée transmettre un message religieux, en demeurant fiction. Pareil pour CS Lewis.
Je ne suis pas calviniste non, bien que Calvin soit le théologien que j'ai le plus pratiqué personnellement. Il m'attirait quand j'étais un converti jeune en besoin de légitimité et donc en besoin de zèle plus agressif. Maintenant je suis tranquillisé dans ma posture et j'ai d'autres maîtres.
Finito donc Le Rêve de D'Alembert et sa Suite, deux brefs textes oscillant entre le dialogue philosophique comme chez les Anciens - à la Lucien par exemple - et le drame bourgeois, livre avec lequel j'ai eu une expérience de lecture un peu symétrique avec celle du Purgatoire décrite plus haut.
Philosophiquement, je ne suis en accord avec à peu près aucune des opinions posées par le livre. Le dialogue des personnages relève d'une profession de foi matérialiste stricte au sens restreint, puisqu'il postule de la limite du monde à la matière. Le dialogue est sensualiste, à l'anglaise, dans la mesure où son principal questionnement réside dans la manière dont les agitations sensuelles des organes percepteurs sont à l'origine de la pensée. Le livre tente de renouveler l'atomiste en interrogeant la façon dont la matière (et ses mutations monstrueuses) résulte d'une continuité ou d'une contiguïté de petits éléments indénombrables qui constituent un spectre brouillant la limite entre l'unité et ses constituants. La "pièce", s'il faut l'appeler ainsi, essaie également de tirer de tout ça une morale naturelle qui serait, à la suite d'Horace notamment, fondée sur le classement des effets sur le monde en termes d'agréabilité et d'utilité. Le texte est bien évidemment athée, à la mode du XVIIIe qui cherche dans un Epicure relativement réécrit un fondement à cette doctrine.
Athéisme, morale utilitariste, atomisme, sensualisme, matérialisme, je ne me reconnais dans aucune de ces écoles, et pourtant je trouve le dialogue de Diderot assez efficace et organique lorsqu'il parvient à brasser tous ces thèmes dans un court dialogue plutôt organique et parfois élégant entre trois personnages : D'Alembert, dont on fait le récit de l'un des rêves (qui sera l'occasion au développement de toutes les idées énoncées plus haut), Mlle de Lespinasse, qui joue l'interrogatrice pas si naïve, et le médecin Bordeu.
Il y a dans le livre un vertige face aux implications de la découverte et du besoin de connaissances qui me plaît voire me touche (au second degré) quand chez un matérialiste patenté, une forme de besoin métaphysique et presque inconscient point avant d'être combattu. Ca me fait penser aux questionnements auxquels je faisais face vers mes 18 ans. L'utilisation de métaphores approchantes pour donner un peu de couleur à ces systèmes parfois arides est agréable.
J'apprécie assez maintenant, en tant qu'expérience de lecture, ces cheminements philosophico-scientifiques qui, pour moi, se sont perdus, en connaissant moins le monde en proportion de ce qu'ils ont gagné comme connaissance de leur construction intérieure.
La tragédie de la science.
La suite c'est golri, il explique pourquoi la branlette c'est ok et ensuite il se demande si on peut baiser des chèvres pour faire des hybrides qui seraient dévolus à certains travaux physiques.
Je suis assez chaud pour ça.
Commence mes lectures de vacances avec Demain et demain, et demain (Gabrielle Zevin), ce livre est dans la liste du Top 100 des livres du XXI siècle selon le New York Times, espérons qu'il vaut le coup.
Puis j'emmènerai dans mes valises les livres suivants : Arpenter la nuit (Leila Mottley), Real life (Brandon Taylor), Les meufs c'est des mecs bien (Mourad Winter), Les Furies (Lauren Groff) et enfin Le Magicien (Colm Toibin).
Voilà mon programme de lecture pour cet été. Bonnes vacances et retour en septembre.
Je suis sur la fin de « Les âmes de la Lumière » dernière sortie de Ken Follet, livre très émouvant , historique pas mon genre habituel mais là il m’a épaté ! Je vais être triste quand je vais le finir. 😢
Ça fait longtemps, mais ce qui me reste, et ce qui m'avait touché dans Le Rêve, c'est le scepticisme premier de d'Alembert, que Diderot balaye trop facilement au nom de la pseudo appétence qu'aurait l'esprit pour le vraisemblable. On pourrait très bien partir du même scepticisme et sortir du dialogue pour déployer des élucubrations mystiques, et ça me parlerait beaucoup plus.
Tu me donnes envie de le relire, même si dans mes souvenirs ça devenait pointu et érudit vers le milieu.
Finito La Maison noire de Yûsuke Rishi, un roman noir des années 90 de l'auteur de l'abominable Leçon du mal.
Je ne vais pas m'appesantir, je savais en l'achetant que j'allais certainement détester, mais finalement j'ai essentiellement trouvé ça chiant et pauvre. C'est l'éternel roman noir / thriller vu un milliard de fois sur des crimes crapuleux confinant à la barbarie, pour servir une soupe de darwinisme social nulle sur la voracité de l'être humain dans nos sociétés contemporaines.
C'est particulièrement improbable - même si c'est un défaut récurrent du genre, j'ai rarement lu un noir où le rôle de la police était aussi incroyable au sens premier - et y a un peu de gore naze comme on en connaît par coeur.
Inutile au possible.
Y-a-t-il des lecteurs de Robert Pinget par ici ? Je découvre cet auteur étonnant