United States of America
Langley, Virginie – CIA Headquarters
15 Avril 2010, à l’heure du déjeuner
Ensoleillé, 14°C
Dans cette lutte immémoriale, qui oppose tous les ans l’Hiver et le Printemps, la saison la plus froide de l’année – du moins dans cet hémisphère – avait largement remporté la partie, en empiétant allégrement sur les plates-bandes de la saison allégorique de la renaissance. La neige avait paralysé le pays pendant de longs mois, et les habitants de la côté Est en venaient à haïr cette poudre blanche. Cependant, les prévisions des météorologistes leur avaient réchauffé le cœur, en annonçant le redoux pour la fin Mars, avec des températures en dessus des normes de saison et du beau soleil. Pour le plus grand bonheur des habitants de la côte Atlantique, ces pronostics se sont avérés exacts. On pouvait de nouveau se balader tranquillement, le long de l’Hudson ou du Potomac, sans écharpes, moufles, bottes fourrées ou bonnets.
Le Directeur de la CIA, Marcus Cabot, observait la renaissance de la nature depuis la fenêtre de son bureau, au dernier étage du QG de l’agence de renseignement, complétement affalé sur son gigantesque fauteuil en cuir, un cigare à la bouche, pour se la raconter comme Patton et faire des ronds avec la fumée. « Bon d’accord, je n’aime pas fumer et m’empoisonner comme ça, mais il faut avouer que ça me va terriblement bien » pensa-t-il, en décrochant un sourire un peu béat sur les bords. Il regarda sa montre. Midi. Il était temps d’aller au ravitaillement, et comptait déjà prendre un bon hamburger à l’américaine, plein de sauces et de gras, à la cafétéria. « Au diable mon cholestérol ! » jura-t-il. On ne pouvait pas vraiment dire que les journées de Cabot étaient harassantes. Il aimait ce qu’il faisait, et travaillait avec autant d’entrain que possible, mais uniquement lorsqu’il y avait de l’action. Le reste du temps – c’est-à-dire 80% de l’année -, il se tournait les pouces, jugeant les rapports des agents sur le terrain, les analyses et autres opérations de la CIA, ennuyeux. Il confiait donc ces tâches ingrates à son Directeur Adjoint, Jack Ryan.
D’ailleurs, ce dernier entra soudainement dans le bureau de Cabot, sans avoir frappé ou même annoncé sa venue, ce qui avait forcément le don d’énerver ce dernier, qui avait quand même des principes. Mais que pouvait-il faire ? Son adjoint était beaucoup plus qualifié que lui, et aimait ce qu’il faisait. Cabot était un gros soumis.
« - Marcus, je crois que nous avons de gros soucis qui approchent. D’importance plutôt moindre actuellement, mais qui méritent toute notre attention si nous ne voulons pas avoir de mauvaises surprises à l’avenir », commença Ryan. Diplômé d’Histoire et d’Économie à l’Université de Georgetown, il fit ensuite partie de l’USMC pendant quelques temps, avant d’être blessé et démobilisé. Jack Ryan devint ensuite analyste à la CIA, et gravit les échelons à la régulière grâce à des conseils pertinents, et des opérations menées avec brio.
« - Très bien, j’écoute », lança Cabot avec un ton impérieux histoire de montrer qui était le chef, mais en fait, il eut l’air plus l’air ridicule qu’autre chose. Et puis, il savait aussi que son subordonné n’allait pas attendre son autorisation pour commencer, s’il pouvait seulement préserver les apparences, ce serait une bonne chose de faite.
« - Nom de code Cyrus nous a transmis son dernier rapport et il semble visiblement inquiet par les derniers mouvements de la République Islamique. Apparemment, cet abruti d’Ahmadinejad continue sa répression contre sa population et les opposants, et serait même de connivence avec ces enfoirés de Jaunes. Cyrus envisage un accord concernant le nucléaire entre les deux pays, mais c’est loin d’être sûr, cependant, avec la reprise du programme d’enrichissement de l’Uranium en Iran, ça peut être logique. Quoiqu’il en soit, nous nous devons de faire très attention, car si le rêve d’Ahmadinejad venait à se concrétiser, plusieurs de nos alliés seraient sévèrement menacés. »
« - Mhhhhh. Que conseillez-vous de faire ? » demanda Cabot, sincèrement inquiet par ces nouvelles alarmantes.
« - Notre bouclier anti-missile est opérationnel, du moins dans les pays du l’OTAN et sur nos territoires. Pour préserver nos alliés au Moyen-Orient de l’attaque d’un missile balistique, il nous suffirait de placer des THAAD, quelques missiles intercepteurs et une poignée de radars, en Irak et en Afghanistan. N’importe quel objet menaçant lancé depuis l’Iran – ou un autre pays du coin – serait immédiatement intercepté. Il faut cependant faire preuve de prudence et surtout de discrétion, parce que si l’opération est mise à jour, nos relations avec l’Iran, le Pakistan ou même la Chine pourraient se dégrader. »
« - Je vois. Dans combien de temps ? »
« - On peut déployer les THAAD sous 3 semaines, ce va être un peu plus long pour les missiles intercepteurs, qui doivent être en silo ou sur un véhicule spécial, mais pour les radars, il ne devrait pas y avoir de soucis. »
« - Très bien, vous avez mon feu vert. Allez informer le Président et le Secrétaire à la Défense de cette opération. Autre chose ? »
« - La Colombie cherche à s’émanciper de notre influence, pour avoir le champ libre avec le trafic de cocaïne, mais ça peut attendre », conclut Ryan qui se hâta de partir, maudissant d’ores et déjà les 45 minutes de trajet jusqu’à la Maison Blanche.